La drachme retrouvée, une utopie ?

la manne,

La manne, aquarelle, pastel gras,gouache, feutre, encre sur carte 17×23 cm

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Les Grecs ont inventé la monnaie (en Ionie, alors monde grec, chez les premiers penseurs présocratiques – les physiologues) au septième ou sixième siècle avant Jésus-Christ. La drachme qui était, jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par l’euro, la plus ancienne monnaie toujours en cours, a donné son nom au dirham. Elle est mentionnée dans les Évangiles (parabole de la drachme perdue, Luc 15-8), et dans le Coran (vente de Joseph à vil prix par ses frères, 12-20). Le dirham a pu servir de monnaie en Europe entre le Xe et le XIIe siècles. Si des Grecs, ou d’autres, faisaient revivre la drachme comme monnaie venue du peuple et plus vertueuse, ce serait beau, non ?

« Quelle femme ayant dix drachmes ne désirerait, si elle en perdait une, allumer une lampe, balayer la maison et chercher avec soin, jusqu’à ce qu’elle trouve ? Et quand elle a trouvé, elle appelle ensemble ses amies et ses voisins et leur dit : ‘Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé la drachme qui était perdue’. Ainsi, je vous le dis, vient la grâce face aux anges de Dieu quand un égaré réfléchit et change de voie. » Jésus dans l’évangile de Luc 15, 8-10 (ma traduction).

Ce qui serait vivant, ce serait que toute l’Europe change sa monnaie pour adopter la drachme, monnaie qui fut inchangée pendant des millénaires. Si elle pouvait le faire par désir d’être un espace de joie commune, et  par sens du beau, du temps, de la lumière. (Je parle ici selon l’optatif, comme dans les versets ci-dessus, au mode de l’option, du désir, de la projection).

« Les cadeaux de Dieu ne sont pas toujours faciles », disait à Christian de Chergé son ami Mohammed, qui concevait le jeûne de Ramadan comme un don du ciel. La drachme perdue de la parabole c’est aussi, dans un système de pensée, l’élément qui manque. Ce qui manque au monde n’est pas l’austérité, mais la grâce d’une lampe allumée, d’une maison balayée et d’une pièce retrouvée comme on trouverait une pièce d’habitation oubliée, une nouvelle pièce claire et dépouillée, où habiter en joie.

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Physiologie

sydney dans la foret

Sydney dans la forêt, petite gouache sur papier

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Avant de prendre mon petit déjeuner, j’ai fait une petite série de trois cents abdos. Après le thé vert au gingembre et le pain grillé à la gelée de groseilles, je me suis remise à l’étude des Présocratiques. Il est très productif de songer à eux comme « physiologues ». D’ailleurs phusis, la nature, signifie d’abord : ce qui fait croître. J’ai commencé à énoncer par écrit ce que je vois, et cela fait une petite grande lumière, la lumière qui fait pousser les arbres et les met en marche.

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Hommage à Zoo Project

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Merci aux amis de Bilal Berreni pour cet hommage. Sons extrêmement touchants, images simples et belles, lumière. Je me sens proche de cet artiste, et je suis dans une situation un peu comparable quoique inversée : de faux amis, dont les agissements sont absolument inacceptables, m’empêchent de publier Voyage en prétendant s’en occuper, ce à quoi je me refuse et me refuserai toujours. Comme son œuvre, mon œuvre est donc quasiment invisible – mais le temps ne l’atteindra pas comme il atteint les peintures, et elle n’aura pas à être restaurée. Bilal Berreni, je t’admire profondément, ce sont des artistes tels que toi qui m’inspirent et m’ont toujours inspirée, ceux qui ne trichent pas, ceux qui comme aussi Alexander Grothendieck font un, sont tout un, sans séparation entre la vie, l’œuvre, le travail, l’exigence de vérité. Ce sont eux qui sauvent le monde et le sauveront.

Voir aussi la page d’Antoine Page consacrée à Bilal Berreni : ici

et la précédente fois que j’en ai parlé : ici

et son site, ZOO PROJECT