L’imposture

J’ai rêvé que j’étais à la grange, contemplant la neige depuis la porte-fenêtre de ma chambre. Et voici qu’arrivaient un tas de gens, people et BHL parmi eux – ce qui dans mon rêve comme dans la réalité suffisait à signaler l’imposture – piétinant la neige pour se rendre à une espèce de célébration ou commémoration politico-culturelle.

J’y allais voir, c’était un palais des congrès au milieu d’un désert de sable, une oasis moderne, froide et fermée, avec des couloirs, des stands, des micros partout pour les intervenants – mais il ne s’y passait rien et personne n’y parlait.

Des fantasmes et du mal

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Les fantasmes sont comme les rêves, certains semblent venir du paradis. D’autres, de l’enfer. On est bien obligé de parler du mal, quand on parle du sexe. Ou de n’importe quoi d’autre. Le mal est toujours là comme option. Une option que certains choisissent en connaissance de cause, délibérément. Mais où la plupart d’entre nous tombons de temps à autre par ignorance.

Le mal nous vient de loin, de moins loin que le bien mais de loin, il s’inscrit dans les âges, nous traverse comme il traverse les siècles. Au Moyen Âge, famines, guerres, croisades, épidémies, installent le diable et l’enfer sur les tympans des églises. Quoique banal, le mal est encore extraordinaire. Dante, Giotto, Fra Angelico, Bosch voient au Jugement Dernier et en Enfer des goules dévorantes. La Renaissance arrive, Dürer montre le lien entre ces trois figures, Le Chevalier, la Mort et le Diable – où le Chevalier peut se résumer à l’Homme, fatalement poursuivi et menacé par le mal.

Au XVIème siècle, Signorelli peint un antichrist chuchotant comme un amoureux à l’oreille de l’homme. Un antichrist terriblement humain, comme ailleurs sa figure du diable. Chez Michel-Ange il est une bête aux traits humains, à moins qu’il ne s’agisse d’un homme singeant la bête. Le diable continuera son chemin en se pliant aux époques, aux modes baroque puis romantique. Mises en scène, obscènes, de sa beauté.

Au vingtième siècle le Mal est là, de ce monde et en ce monde, les artistes ne prennent plus la peine d’en faire une figure de l’autre monde, ils peuvent même s’interdire de le figurer, comme ce fut le cas pour la Shoah. Ou bien c’est une figure fantastique que combattent des super-héros mais qui est pleinement implantée sur cette terre.

Et cela continue au troisième millénaire. Les figures du mal sont sur tous les écrans, spectaculaires, comme si le fait de l’être les rendait irréelles, comme si la mise en scène les conjurait, les tenait à distance. Mais le spectacle se poursuit et se dépasse lui-même, la révélation – mot qui se dit en grec apocalypse – déborde, voici que le mal se montre non plus seulement dans la fiction, dans des sectes ou dans des expressions artistiques nihilistes, mais possédant ceux-là même qui gouvernent le monde, les empires “du bien”, les États démocratiques que de simples citoyens, lanceurs d’alerte tels Julien Assange ou Edward Snowden, montrent nus et ridicules comme le roi de la fable.

Le sexe est mise à nu. Révélation. Nudité. Celle du serpent, et celle de la vérité. C’est le travail de toute la vie, d’apprendre à identifier ce qui est mauvais, afin de l’éviter, de le rejeter, de s’en défendre. Pour cela il faut aussi savoir reconnaître ce qui est bon. Ceux qui insinuent par exemple : « le sexe est mal », ce sont ceux-là qui poussent des gens à choisir délibérément le mal. Puisqu’ils leur ont fait croire que c’est le seul moyen d’être contenté.

On ne peut pas dire non plus « le sexe est bien » – ce serait oublier ou justifier le mal qu’on peut y faire. Le sexe est comme tout le reste. Comme la peinture, la cuisine, les plantes… Il y en a de bonnes et il y en a de mauvaises, ou de toxiques. Ce qui nous rend heureux et rend l’autre heureux, voilà ce qui est bon. Ce qui rend malheureux ou sans cœur, voilà ce qui est mauvais. C’est bien simple, mais ce sont des choses simples qu’il faut toujours rappeler, parce que ce sont des questions de vie ou de mort.

Certaines personnes semblent être en perpétuel état de frustration sexuelle. De ne « penser qu’à ça ». Nous sommes en train d’y penser, mais cela ne signifie pas que nous en sommes obsédés. Il est bien naturel que cela fasse partie de ce à quoi nous pensons, c’est tout. Savoir y penser nous aide à ne pas avoir peur des fantasmes, d’où qu’ils viennent. À ne pas être leur esclave.

Fantasme et fantôme sont le même mot. Je ne sais plus quel auteur a écrit cette petite histoire d’un homme qui voit entrer un fantôme dans sa chambre, la nuit. Et qui se rendort tranquillement. Vexé, le fantôme lui demande : « Je ne te fais pas peur ? » Et l’homme lui réplique qu’il aurait des raisons de s’inquiéter si un homme en chair et en os s’était introduit chez lui. Un brigand pourrait l’agresser. Mais un fantôme, que pourrait-il lui faire ?

Ni les fantômes ni les fantasmes ne peuvent nous nuire, sauf si nous nous mettons à vouloir les suivre comme des somnambules. Que ceux qui sont bons nous réjouissent. Quant à ceux qui font des grimaces de diables, qu’ils grimacent tout seuls. Fantôme de merde, sale pute de ta mère, tu pourriras en enfer. Voilà pour l’adversaire. Ils n’auront rien de moi à se mettre sous la dent tant qu’ils baiseront ses bagues de mafieux.

Le voyage du pape François en Terre Sainte : qu’en retenir ?

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Shimon Pérès, pape François et Netanyahou, photo Baz Ratner/Reuters

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Le voyage du pape en Terre Sainte s’est terminé hier soir. Qu’en retenir ? De façon très spectaculaire, le pape a fait halte « à l’improviste » pour prier contre le mur de séparation. Comme d’habitude, il a privilégié la com, par des petites phrases ou petits gestes non officiels destinés à faire illusion, pendant que rien de concret n’est fait. Il s’agissait là d’un geste, dûment photographié, destiné à toucher les cœurs des Palestiniens opprimés, à défaut de faire réellement quelque chose pour eux.

Faire quelque chose pour eux eût été d’abord ne pas apporter une justification à l’État juif en allant prier à Yad Vashem, au mémorial de l’Holocauste et déposer une gerbe de fleurs aux couleurs du Vatican sur la tombe de Herzl, l’inventeur du sionisme. Car Yad Vashem est utilisé pour justifier la colonisation et masquer l’iniquité d’Israël. Un État juif n’a pas plus de légitimité que n’en avait un État blanc en Afrique du Sud. Il est regrettable que le pape ait donné tant de gages à ces gens, comme si l’urgence n’était pas plutôt de leur montrer qu’on ne veut pas de leur politique qui opprime les Palestiniens, notamment chrétiens.

Selon ses propres mots, le pape François a « inventé une nouvelle Béatitude », celle de rendre visite au Président israélien, Shimon Pérès. On finirait par croire que le pape, et l’Église avec lui, se sentirait plus proche des juifs d’Israël que des chrétiens de Palestine. On finirait par croire que l’Église oublie que les chrétiens sont là-bas maltraités par le pouvoir juif – il faut bien l’appeler ainsi, puisque malheureusement il revendique lui-même cette aberration raciste d’être un État juif. Je sais bien que ces chrétiens sont arabes et ces juifs originaires d’Europe et de plus qu’ils ont de puissants alliés politiques… Ce qui n’était pas le cas au cours des vingt siècles d’antisémitisme féroce de l’Église. N’empêche, la politique qui consiste à préférer les puissants, comme il a été fait lors de ce voyage, n’est pas celle du Christ.

À Yad Vashem, le pape a prié pour avoir la grâce d’avoir honte (de l’Holocauste). Il aurait fallu demander aussi la grâce d’avoir honte de justifier les abus des puissants par le rappel des camps de concentration. Car c’est ce qui a été fait, symboliquement, d’autant qu’il y a eu un déséquilibre flagrant du voyage en faveur des juifs. Ils ne sont pas les seuls à habiter en Israël et en Palestine, qu’ils occupent illégalement. C’est faire trop d’honneur au gouvernement raciste et voyou de Netanyahu que d’aller prier au Mur des Lamentations et à Yad Vashem, alors qu’il n’y a eu aucune prière commune avec les musulmans, qui sont pourtant les spoliés, dans cette affaire, ainsi que les Palestiniens chrétiens.

Il ne suffit pas de faire un geste de com en s’arrêtant pour prier un instant au mur de séparation. Alors qu’on priera tout à fait officiellement au Mur des Lamentations et à Yad Vashem. Si l’on prétend vouloir la paix, il faut se montrer équitable et l’équité eût été de prier aussi au lieu saint de l’islam. Ou bien on se contente de prier dans les lieux saints du christianisme, ce qui serait tout à fait légitime. Un voyage manquant de vérité ne saurait contribuer à l’avènement de la paix.

Comme à son habitude, le pape François a fait passer la communication avant la vérité profonde. Annonçant un voyage seulement religieux alors qu’il fut politique. Faisant croire aux Palestiniens qu’il les soutenait, tout en justifiant par ses gestes l’État juif, un État d’apartheid, qui est une aberration comme l’était l’État blanc en Afrique du sud. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons avancer vers la paix. La paix ne s’obtient que par la justice, et la justice par la vérité.

Lendemain d’élections, le salaire du mensonge

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au Fort d’Aubervilliers

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« Derrière la fine pellicule de l’œuf, se cache le reptile ». C’est une citation d’un film de Bergman, et c’est la dernière phrase du livre de Pierre Milza, Fascisme français.

Le reptile qui se cache derrière le résultat des élections d’hier, c’est d’abord le sort fait au petit peuple qui a voté FN. C’est que la gauche, tel le serpent biblique, a donné au peuple une parole fausse, mais dans les faits ne s’est à aucun moment occupée du peuple. Et qu’il souffre.

La fausse politique se vend par des opérations de com, imposant des actes symboliques qui effacent et falsifient la profondeur du réel, faisant de la cité une façade où elle projette son cinéma publicitaire permanent, droguant les esprits. La com remplace le réel et l’action, instaure le règne du mensonge et de l’hypocrisie, des façades maquillées derrière lesquelles la ruine continue son chemin, jusqu’au moment où les populations droguées entament leur descente, leur désillusion, et l’ont mauvaise.

C’est le désespoir qui pousse à ce vote FN, le vote du refus de la politique qui ne prend pas en compte les jeunes, les chômeurs, les enfants d’immigrés. Qui les méprise. Hollande a été élu sur une opération de com, c’est tout. Rien derrière la façade. Le mensonge tue.

Renverser le nihilisme

J’œuvre à renverser l’état d’esprit du monde. Cela ne peut se faire en se pliant à l’état d’esprit du monde. Il est possible d’appliquer sur le monde telle ou telle œuvre, comme tel ou tel pansement. Cela est bon, mais ce que j’ai à faire, c’est régénérer l’ensemble du corps, et même plus en vérité : le ressusciter. Il faut pelleter dans la terre pour en exhumer le cadavérique, c’est quelque chose qui a à voir avec les tremblements de terre, les déluges et autres catastrophes et merveilles venues du ciel et de profundis. Terrasser dans la matière, dans l’obscur, l’indifférencié, creuser jusqu’à la source, qu’elle jaillisse, que l’être en ressuscite. Je suis armée de la parole, de la foi, de l’amour absolu. Mon œuvre agit et agira, je vous le garantis.