Bonne nouvelle

 

« Un marathon, mais c’est que j’ai une bonne nouvelle à apporter ! », a-t-il été écrit dans Voyage il y a quelques mois. L’une de mes dernières publications sur ma page facebook fut, ce dimanche, une image du marathon de Bethléem, avec des coureurs portant en banderole le portrait de Samer Issawi. Le lendemain  matin on apprenait qu’il avait conclu un accord avec Israël pour cesser sa grève de la faim, la plus longue de l’histoire, entamée en août dernier. Âgé de trente-trois ans, il était près de mourir, maintenant il pourra rentrer chez lui à Jérusalem la veille de Noël. Il a été arrêté (sans charges contre lui) pour son activité au mouvement laïque Front démocratique pour la libération de la Palestine, il est musulman, son prénom signifie « Veilleur de nuit » ou « Conversation agréable pendant la nuit », son deuxième prénom, Tariq, signifie La Voie, et son nom « de Jésus ».

Moi aussi j’ai une bonne nouvelle à vous apporter, une surprise se prépare, Voyage pourrait apparaître très très bientôt, oui vraiment il est proche, tout proche.

 

C’est à lui que vous l’avez fait

 

La terre tremble, les tombeaux s’ouvrent.

Du cœur de l’homme sortent les morts.

L’eau et le sang ont coulé du corps

D’amour. Les ténèbres tombent, couvrent

 

Les heures du jour très long, blessées.

Tonnerre sans pluie, ébranlement

De l’univers, horrible moment

De la mort dans l’âme rabaissée.

 

Froid. Les pierres, muettes, se fendent.

Au pied de la croix de vérité,

Témoins et proches tétanisés.

Que du ciel le jugement descende !

 

Le ciel se tait, leur reste invisible.

Parmi les hommes, combien ont ri

Devant la douleur de l’homme pris

Au piège des hommes ! Indicible.

 

Ils jaillissent de la mort du monde,

Les morts, ceux qui sont saints, seuls vivants

Dans la ville suicidée, errant.

Parlent-ils ? Personne qui réponde.

 

Personne, sinon, au sanctuaire,

Cela qui vient au jour, déchirer

Le voile et exposer, nu, le vrai.

Commencement de la nouvelle ère.

 

*

(Voyage)

 

 

Oiseau

photo Alina Reyes

 

C’est le printemps. Le merle chante dans la cour de l’immeuble à l’aube du matin et à l’aube du soir. Je sais prier avec les oiseaux ! Je sais vivre en ermite, je sais vivre en compagnie, je sais vivre en communauté. Mon sang danse ! Je sais marcher longtemps, je sais chevaucher, je sais conduire et même dans la neige, dans la forêt, sur le sable. Un petit peu je sais chanter, peindre, danser, jouer de la musique, reconnaître les constellations. J’ai tout fait ! L’amour, oh oui je sais. Je sais m’occuper des bébés, je sais élever les enfants, je sais faire du feu, je sais lire, je sais écrire ! Je sais décider. Je sais attendre. Je sais agir sans hésiter ! Je sais parler avec le ciel, les arbres, les animaux, les herbes, les pierres, tout. Je sais faire la cuisine pour tout le monde. Je sais jeûner. Je sais prier. Je sais les êtres humains. Je sais porter un enfant sur mon dos. Je sais rire ! Je sais aimer. Je sais que je ne sais rien faire, c’est Dieu qui sait à travers je.

*

 

Le deuil et le passage

 

Mon père est mort il y a huit jours, et j’en fais le deuil. Mais je ne suis pas seule à le faire. Je le fais avec mes frères et sœurs, qu’il a réunis autour de son cercueil. Depuis, même de loin et sans paroles, ils sont aussi proches de moi que nous l’étions enfants, nous sommes ensemble dans l’épreuve, très fortement. Et puis je le fais avec lui.  Lui qui fut si longtemps pour nous un père si peu père, voici que de là où il est maintenant, il est là, il œuvre. D’abord il m’a débarrassée entièrement, comme par magie, de tout rapport, bon ou mauvais, que je pouvais avoir avec des pères de substitution, des pères virtuels, encore moins capables d’assumer, de faux pères qui peut-être ne pouvaient être que ce qu’ils furent, abuseurs. Il m’en a débarrassée par sa seule présence, toute nouvelle. S’il a été si peu présent pour ses enfants du temps qu’il était de ce monde, c’est qu’il a vécu à côté de ce monde. Il n’a jamais été de ce monde, et nous non plus, ses enfants. Et si nous avions l’air d’avoir des liens relâchés en ce monde, c’est qu’ils étaient puissants dans l’invisible, où ils peuvent maintenant donner toute leur mesure. Maintenant il est là, avec nous, et nous pouvons être sûrs qu’il nous aime, comme nous l’aimons.

De même qu’avoir moins ou plus d’un seul père rend la vie d’un être humain particulièrement difficile, voire impossible, il n’est pas possible pour l’Église d’avoir deux papes, même si l’un n’est qu’ « émérite ». L’Église va se retrouver dans une situation de famille recomposée, et qui plus est homoparentale. Tout ce qu’elle n’aime pas. Dans une famille recomposée, la situation est plus saine dans la mesure où généralement les enfants n’appellent pas leur beau-père papa. Ou s’ils le font, c’est en connaissance de cause, en sachant tout de même qu’ils n’ont qu’un seul vrai père. Tout être humain sait qu’il n’a qu’un seul père, même s’il ne l’a jamais connu, ou même si celui qu’il appelle père n’est pas son père biologique, qu’il le sache ou non. Tandis que l’Église se dirige vers une formule de non-dit, de faux-dit, d’ambiguïté périlleuse. Pour éviter la double paternité et l’homoparentalité, il lui faudrait passer le relais de chef de famille à une femme. C’est une leçon que Dieu est en train de donner à l’Église romaine, qui en vérité, derrière les apparences, est déjà tombée.

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Au pied de l’arc-en-ciel

 

Cette nuit, en rêve, en traversant à pied des dunes pour y aller, je suis arrivée au pied d’un immense arc-en-ciel. C’était la première fois qu’il était possible de toucher le pied d’un arc-en-ciel, qui s’élevait comme un énorme pilier, une large et forte colonne.

Des êtres humains, sortis de leurs voitures, se tenaient là sur le sable, devant lui, attendant. Comme j’étais face au soleil levant, j’ai décidé de passer de l’autre côté, afin de pouvoir en faire une photo, sans contre-jour. O m’a alors proposé de prendre le sac que je portais, un lourd sac plein à craquer de confitures et de nourritures que j’avais faites maison, et de l’emporter à la voiture, en attendant mon retour. Je le lui ai laissé et j’y suis allée, j’ai traversé, absolument seule, je suis passée de l’autre côté.

Je me suis réveillée, vivement saisie, songeant à la mort, à la vie, sentant mon amour pour O, pour mes enfants, et pour toute l’humanité.

Aujourd’hui comme tous les lundis je jeûne – ni nourriture ni boisson d’avant l’aube jusqu’au crépuscule (aujourd’hui de 6h14 jusqu’à 18h28, mais bien sûr nous suivons le cours du jour donc cela change chaque jour et de semaine en semaine, ce que je trouve très beau). Il y a toujours tant de souffrants sur la terre, pour qui jeûner. Et le jeûne est extrêmement bénéfique, il apporte la paix.

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