La stratégie du choc, par Naomi Klein (10) « Comme des porcs autoritaires »

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Cristina Kirchner à l’ONU le 24 septembre

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Le chapitre 7 détaille le tour de passe-passe par lequel le peuple bolivien fut trompé, ayant élu un président progressiste qui s’était en fait préalablement entendu, à l’insu de son propre gouvernement, avec les puissances corporatistes de l’argent pour faire subir à son pays les mêmes chocs économiques prônés par l’école de Chicago, au prix de très grandes souffrances pour le peuple. On cria au miracle économique – même s’il tenait en grande partie au commerce de la cocaïne – mais un ministre du gouvernement Paz déclara plus tard que ses collègues et lui « s’étaient comportés comme des porcs autoritaires ». (p.190)

Au chapitre 8, Naomi Klein résume ainsi les faits : « Ainsi se fabriquent les crises à la mode de l’école de Chicago. On laisse des sommes colossales parcourir librement la planète à la vitesse grand V, tandis que les spéculateurs sont autorisés à miser sur la valeur d’absolument tout, du cacao aux devises. Il en résulte une colossale instabilité. Comme les politiques de libre échange encouragent les pays pauvres à maintenir leur dépendance vis-à-vis des exportations de matière première telles que le café, le cuivre, le pétrole ou le blé, ces derniers risquent tout particulièrement de se laisser enfermer dans le cercle vicieux d’une crise sans fin. Une baisse soudaine du cours du café plonge des économies tout entières dans la dépression, laquelle est aggravée par les traders qui, constatant les difficultés financières d’un pays, spéculent contre sa devise, dont la valeur dégringole. Si, par surcroît, les taux d’intérêt augmentent en flèche, la dette nationale gonfle du jour au lendemain. On a là réunis tous les ingrédients d’une débâcle économique. » (pp 196-197)

« En raison de cette réticence bien compréhensible à l’idée de partir en guerre contre les institutions de Washington auxquelles les sommes étaient dues, les nouvelles démocraties frappées par la crise n’avaient d’autre choix que de jouer selon les règles imposées par leurs créanciers. (…) » Ainsi, au début des années 1980, s’ouvre une «  ère nouvelle dans les relations Nord-Sud. Désormais, on n’avait pratiquement plus besoin des dictatures militaires. L’époque de l’  « ajustement structurel » – la dictature de la dette – avait débuté. » (p.198)

« Davison Budhoo, économiste principal du FMI qui prépara des programmes d’ajustement structurel pour l’Amérique latine et l’Afrique tout au long des années 1980, admit plus tard que «  tout le travail que nous avons accompli après 1983 reposait sur le sentiment de la mission qui nous animait : le Sud devait « privatiser » ou mourir ; à cette fin, nous avons créé le chaos économique ignominieux qui a marqué l’Amérique latine et l’Afrique de 1983 à 1988 ». » (p.201)

 Voir aussi les deux récents discours de Cristina Kirchner à l’ONU

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Journal

a b c d e fune fresque signée Baudelocque, boulevard Raspail à Paris

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L’architecture de l’écriture. L’architecture de mon esprit, corps et âme, où je vais la nuit, pénétrant toujours plus avant, ouvrant toujours de nouvelles portes.

Le jour est le rêve de la nuit, le réel vit dans la nuit, et de ce réel unique sortent, ahuris comme des nouveau-nés, les agitations et les figures mal-voyantes du jour que les hommes appellent réalité.

Ceux qui, souvent sans savoir le grec, se permettent de juger le grec de tel ou tel évangéliste parce qu’ils ont entendu dire que le grec de celui-ci était meilleur que le grec de ceux-là… Les mêmes qui disent toujours n’importe quoi, parce qu’ils répètent ce qu’ils croient savoir, ce qu’on dit. En tout cas, selon ma propre lecture des textes, le grec de Jean, âpre et brut, parfaitement singulier, est extrêmement beau.

Pétrole. Neige. Crash.

Recalée par mon éditeur. Le manuscrit que je lui ai remis n’est pas moins bon que ceux qu’il a publiés au cours des années précédentes, et grâce auxquels il a gagné beaucoup d’argent (beaucoup plus que moi). Seulement je suis blackoutée depuis trop longtemps sans doute, et puis l’éditeur a changé, le précédent me faisait confiance et me suivait – me voici maintenant comme ces ouvriers qu’on renvoie alors qu’ils ont fait tourner l’usine toute leur vie. Voilà, on n’a plus besoin d’eux, on n’a plus besoin non plus de produits de la même qualité, on en fabrique ailleurs à moindre coût et s’ils sont jetables, tant mieux, ça fait tourner l’industrie. Et chaque fois que je sors dans Paris, il me semble qu’il y a de plus en plus de pauvres dans les rues – qui y circulent, ou qui y vivent.

Nous sommes sans argent, mais nous sommes vivants et nous ne sommes pas sans ressources. Courage, et confiance.

Synode à Rome sur la famille

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Ces messieurs sans femme ni enfants se sont réunis pour définir ce que doit être ce qu’ils ne vivent pas. Je salue l’ouverture que le pape François – malgré sa misogynie – mettait en œuvre bien avant d’être pape sur ces questions, et la continuité de son travail, qui aurait grand besoin d’être soutenu par un travail des théologiens. Un mariage ne peut pas être nul ni être annulé. Un mariage est un mariage, qu’il soit « réglementaire » ou non, avec ou sans papiers. Donc il implique des responsabilités, la première étant le respect du partenaire et le respect de l’union qui a eu lieu, même en cas de séparation. Il est impossible de faire qu’un mariage ne soit pas un mariage, du moins s’il a été consommé. (Même s’il se peut que des célibataires ne comprennent pas cela). « Et ils furent une seule chair ». Quant au corps du Christ, lui-même se distribuait à tous, et donna raison à l’étrangère qui lui fit remarquer que les petits chiens ayant le droit de manger les miettes sous la table, sa fille comme tous les « enfants » de Dieu avaient droit à son « pain », celui que donne le Messie.

Les catholiques ne sont pas obligés d’admettre que la parole des hommes, en l’occurrence celle du clergé, passe avant celle de Dieu. Ce n’est pas parce que l’Église s’est trompée là-dessus pendant des siècles qu’elle ne doit pas admettre son erreur et se corriger, en reconnaissant humblement la leçon de Dieu. Le clergé n’est pas Dieu, et les hommes ne peuvent prétendre mieux savoir que Jésus à qui Jésus se distribue. Dieu a donné l’exemple à suivre via Jésus. Jésus se distribuait à tous et à toutes sans discrimination. Jésus ne créait pas d’exclusion. Croire que le Christ ne se donne qu’à certains, c’est être polythéiste. Depuis le Christ, le peuple élu ne peut plus désigner seulement le peuple à qui il s’est révélé en premier (ce qui est d’ailleurs faux, tous les hommes ont toujours eu connaissance de Dieu, même si cette connaissance s’exprimait moins clairement que dans la Torah), mais toute l’humanité. L’unicité de Dieu fait l’unicité de l’homme. Personnellement, j’ai communié pour la première fois de ma vie sans demander l’autorisation à personne, et j’ai ensuite continué de la même manière : quand je m’y sentis appelée par Dieu, et par nul autre. C’est Dieu qui décide. Rien ne nous empêche de communier, si un prêtre s’y refuse il suffit de changer de paroisse. Le clergé d’en haut n’a déjà plus beaucoup d’autorité, les chrétiens savent très bien décider par eux-mêmes s’ils doivent ou non utiliser les moyens contraceptifs par exemple. S’il veut finir de perdre toute autorité et devenir parfaitement inutile, qu’il continue ainsi. Si L’Église tombe, Jésus la relèvera, sous une autre forme, plus juste et plus vivante.

Parler de miséricorde, comme le font certains, pour progresser sur ces questions, fait un peu dame patronnesse. Il faudrait penser sérieusement, notamment, au sens de l’eucharistie. Il ne s’agit pas d’un signe, comme j’ai entendu un cardinal le dire, mais d’une nourriture. Cela aide à comprendre qu’il ne s’agit pas de l’accorder par miséricorde, mais que c’est un devoir des chrétiens de la donner à qui la veut. Dieu en a fait un droit pour les hommes : quand il envoie la manne, c’est pour tous. Avant cela, quand il crée le jardin, ses fruits sont pour tous (mais tous les fruits ne sont pas pour l’homme). Il y a des approfondissements considérables à faire sur ces questions. Il y faut un travail de théologie, soutenu par la prière et non par des considérations pratiques ou même seulement de bienveillance.

à lire aussi sur les questions du couple et de la famille, en téléchargement gratuit, mon livre Charité de la chair