Journal de mon corps et âme

Rêve extraordinaire cette nuit : j’accouchais d’un garçon. Pour la cinquième fois, puisqu’en réalité j’en ai quatre. Là c’était particulier car je le sortais d’une sorte de récipient de terre et d’eau, ou de planète Terre qui était en moi, et je le contemplais, levé à bout de bras, magnifique, magnifiquement vivant.

Savoir que je vais pouvoir bientôt partir six jours au bord de l’eau me ressuscite. C’est-à-dire, me donne envie d’écrire. Je n’ai jamais passé autant d’années enfermée en ville sans en sortir, c’est pourquoi je n’écris plus. Je dessine ou je peins ou je fais des photos car je dois absolument créer, cela m’est aussi nécessaire que de respirer. Je ne chante plus dans un chœur, je ne fais plus de danse, je ne joue plus ou presque du piano, mais il est toujours possible de me remettre à tout cela que je fais parfois depuis l’adolescence par intermittence et de façon très très humble, en même temps que chaque jour, écrire. Puis ces derniers temps j’ai cessé de chaque jour, écrire. À cause du manque de nature et de mouvement. Mais voilà que cela va revenir.

Hier soir je suis allée voir un beau film, La isla minima. Je suis amoureuse de mon homme. Cette nuit j’ai encore accouché d’un fils. Et dans quelques jours, je vais revoir l’océan, mon vieux frère.

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Bas-relief, graffs, nains de jardin et autres choses vues du jour

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Les boulangers, bas-relief d’Alexandre Charpentier au square Théodore-Monod – où il n’y a pratiquement plus, en cette mi-août, que quelques sans-abri qui dorment sur des bancs, sous les arbres

1 2 3le camion fait sa star

1Nombreux rideaux de fer baissés, vacances obligent, et graffés.2 3 4 5 6 7 8 9 10

à Paris 5e, photos Alina Reyes

Arrivée au bout de la rue Poliveau, en tournant vers le nord sur le boulevard de l’Hôpital, je suis tombée sur un énorme déploiement de CRS qui bloquaient le passage vers le Jardin des Plantes et la rue Buffon. Interrogé, l’un d’eux a dit qu’il s’agissait d’une « alerte au produit chimique ». Les autres n’ont rien voulu dire, nous n’en saurions pas plus, mais finalement le passage a été dégagé.

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L’homme créateur

Les enfants créent à tout instant : en jouant, en inventant, en dessinant, en chantant… Telle est la nature de l’homme. Créer, c’est être en joie, jouir. Chacun est conçu pour développer sa propre création, originale, unique tout en étant universelle. L’homme, autant que nous sachions, est l’animal le plus créateur. Du moins tant qu’il ne perd pas l’esprit d’enfance, où réside son être. L’homme qui l’a perdu cherche des substituts, comme celui qui a perdu ses jambes porte des prothèses. L’homme qui a perdu la capacité de jouir innocemment cherche la transgression, l’homme qui a perdu la vraie puissance d’être, de vie, de création, cherche la voie artificielle de la frustration suivie de sublimation. C’est ainsi que cet homme a mis en place la société de consommation, qui est une société de frustration. Envahie d’art factice.

Les morts dans l’âme œuvrent chaque jour à entraîner l’humanité dans la mort de l’humanité. Sauvons-la, créons. À la cuisine, à l’atelier, au jardin, dans tous les domaines de notre vie nous avons la possibilité de créer, humblement. C’est justement cette humilité qui rend notre geste grand, qui fait de notre geste un acte de vérité. La grandeur n’est pas dans la notoriété du créateur ou du prétendu créateur, mais dans la vérité de son acte, si humble soit-il. C’est cela, vivre.

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