Trek en Lozère. 2) Loups, patous, papillons, chevaux préhistoriques, dolmens et autres créatures animales, végétales ou minérales du causse Méjean

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C’est le pays de la bête du Gévaudan. Le vivant s’y présente fantasmatique aussi bien que réel, surnaturel comme naturel. Aujourd’hui c’est un pays de loups, raison pour laquelle, sur nos chemins souvent buissonniers, nous avons dû passer par-dessus je ne sais combien de barrières, clôturant d’immenses pâturages.

Mais les barrières ne suffisent pas à protéger les brebis contre les attaques de loups : des patous accompagnent les troupeaux dans leurs déplacements. Un jour que nous bivouaquions dans ce désert, nous avons eu l’occasion de les voir à l’œuvre. Avant l’arrivée du troupeau, ils inspectent le territoire minutieusement, le flairent à des centaines de mètres à la ronde, pour chasser tout intrus du large périmètre de sécurité qu’ils instaurent autour des ovins. Sentinelles remarquables, qui bien sûr nous ont remarqués aussi. Et nous ont infligé un quart d’heure d’intimidation féroce. Le réflexe d’O fut de m’entourer de ses bras pour me protéger et me rassurer. Le mien, bravade en réalité révélatrice de l’intensité de ma peur, fut de saisir l’opinel à portée de main et de l’ouvrir pour nous défendre, au cas où ils passeraient à l’attaque. Finalement nous nous sommes réfugiés dans la tente, que nous avions plantée avant d’avoir entendu ni vu venir les bêtes. Ils ont fini par partir, le troupeau est passé et s’est éloigné. Mais le lendemain matin, tôt, alors que nous nous apprêtions à replier la tente, le troupeau est réapparu loin à l’horizon et les chiens ont déboulé vers nous, réitérant leurs menaces. De nouveau nous avons attendu dans la tente qu’ils soient assurés que nous resterions inoffensifs et que le troupeau repasse et s’éloigne en faisant sonner ses clochettes.

Je n’ai photographié ni loups ni patous, et j’ai eu du mal à saisir avec mon téléphone quelques-uns des milliers de papillons qui virevoltent partout, y compris sur vous, et des vautours fauves qui évoluent dans les ciels fantastiques du causse (cf note précédente). Mais voici les images que j’ai pu faire des présences vivantes, réelles ou imaginaires, d’un bestiaire comprenant aussi bien des animaux comme les chevaux préhistoriques (chevaux de Przewalski, espèce éteinte dans la nature qui fut, à partir des 14 spécimens ayant survécu dans des zoos, réhabituée à la vie sauvage dans les steppes du causse avant d’être réintroduite dans celles de la Mongolie) que des créatures minérales dressées par l’homme (dolmens, menhirs) ou naturelles (dolomies du chaos de Nîmes-le-Vieux), des vivants végétaux ou une représentation légendaire dans une église de Sainte-Énimie.
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photos Alina Reyes

voir aussi :

les ciels du causse Méjean

l’architecture traditionnelle en Lozère

notre trek, pas à pas

l’art urbain à Quézac

Nous sommes tellement des animaux

Dans cette vidéo, le coyote qui sautille me fait penser à Balkany échappé de prison, dansant à la fête de la musique, et le blaireau qui le suit… ben, à ceux qui le filment et l’applaudissent.

Bon, en vrai, c’est franchement plus mignon avec un vrai coyote et un vrai blaireau, qui connaissent pas les paradis fiscaux. Juste l’éden terrestre, avec sa nécessité, souvent cruelle, de vivre, et ses joies, adorables.

Je ne dis plus rien en ce moment de la politique, des violences policières, de tout ce dont j’ai déjà tant parlé. Parfois il est bon de quitter ce monde-là et de reposer en paix. C’est aussi une façon de ne pas laisser ce monde-là, humain trop humain, gagner sur nous, animal libre, humain libre.

Cinq animaux métaphysiques

"Tirésias"

« Tirésias »


"Le chameau de la prophétesse"

« Le chameau de la prophétesse »


"Le papillon de la dernière heure"

« Le papillon de la dernière heure »


"Phénix"

« Phénix »


"Grenouille de longue vie"

« Grenouille de longue vie »


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Les cinq sont peints en technique mixte (acrylique, gouache, feutre) sur papier 24×32 cm.

« Tirésias », muni des deux sexes, est aussi muni de deux regards, deux paires d’yeux, ceux de l’homme et ceux de la femme, donc voyant.

« Le chameau de la prophétesse » fait référence à l’histoire de la chamelle du prophète Mohammed, à qui il laissa le soin de déterminer l’endroit où construire la mosquée de Médine.

« Le papillon de la dernière heure » fait référence, entre autres, à la magnifique sourate 101 du Coran

« Phénix », comme il se doit, brûle et renaît de ses cendres

« Grenouille de longue vie » fait référence à nombre de mythologies dans le monde, dans lesquelles la grenouille est symbole de résurrection, comme dans le christianisme, et de longue vie. Par exemple à la fin de l’hymne aux grenouilles du Rig-Veda :

« Plaise aux grenouilles, lors du multiple pressurage
nous gratifiant de vaches par centaines,
de prolonger le temps de notre vie ! »

Sainteté des animaux sauvages

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Les animaux sauvages ne sont jamais en surpoids. Ils ne sont jamais négligés, ils sont toujours pleins de grâce. Certains se parent de couleurs magnifiques. Des oiseaux chantent splendidement aux heures de prière, à l’aube et au coucher du soleil ; et certains d’entre eux réalisent de véritables œuvres d’art en disposant plumes, brindilles, etc., pour faire la cour à l’oiselle. Beaucoup d’animaux forment des couples pour toute la vie. Beaucoup élèvent leurs petits avec la plus grande attention, sans violence et avec bienveillance. Ils vivent libres. Bref, les animaux peuvent être souvent des exemples de spiritualité pour nous, de plein accord avec leur Créateur, à l’image des plus grands saints parmi nous, de « l’élite de l’élite » spirituelle.
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Disparitions et apparitions

selfie masque-minIl y avait longtemps que je n’étais pas sortie. Je suis allée faire des courses dans l’idée d’en profiter pour marcher un peu et faire quelques photos de la ville par temps de confinement. Mais la ville ne me plaît pas du tout, ainsi inanimée. Je trouve ça sinistre. Je n’ai pas fait de photos, à part un selfie, masquée, devant la Sorbonne Nouvelle ; et j’étais de retour moins d’une heure après. Une fois dans mon appartement sans balcon, j’ai fait encore quelques selfies, pour photographier quand même quelque chose de vivant (quoique pâlichon, par manque de grand air).

Je n’apprécie pas vraiment non plus toutes ces images d’animaux qui profitent du confinement pour se promener dans les villes. L’esthétique fin-du-monde sied mieux aux fictions qu’à la réalité, je trouve. Mais j’aime par exemple ces images d’un chevreuil profitant de la tranquillité de la plage pour se baigner longuement, courir… Nous excluons les animaux sauvages d’un territoire qui leur revient autant qu’à nous. Or ce n’est pas aux abusés de changer de comportement, mais aux abuseurs. Sinon cela se retourne contre ces derniers, comme en ce moment avec ce coronavirus.

Nous oublions que les animaux dans la nature sont pleins de joie, et d’autres émotions, comme nous. Comme nous ils aiment la tranquillité, la liberté, et prendre du bon temps. Quand je vivais seule dans ma grange à la montagne, je passais des heures dehors sans faire aucun bruit et alors les animaux sauvages apparaissaient. Parfois ceux qui sont petits circulaient tout près de moi sans s’apercevoir de ma présence immobile. C’était un bonheur indicible. Je contemplais les grands, le cœur battant aussi, quand ils s’approchaient ou quand je les rencontrais sur mes chemins, les mêmes que les leurs (les animaux empruntent les chemins, comme nous). Puis il finissaient par me voir, me regardaient fixement, avant de partir en bondissant.

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Les livres de Jakob ou le Grand voyage. Au régal des oiseaux, etc.

 

olga tokarczuc

J’ai un faible pour le prix Nobel de littérature et je me le reproche un peu : je n’aime pas les prix littéraires, alors pourquoi une exception pour le Nobel ? Eh bien parce qu’il est international, parce qu’on entend « noble » dans son nom (raison sans autre raison que poétique) et parce qu’il m’a fait découvrir des auteurs, dont au moins un que j’ai beaucoup aimé : Gao Xinjian. Cette année nous en avons donc deux. J’ai lu Peter Handke, mais je ne connaissais pas Olga Tokarczuc. J’ai eu très envie de la lire, et j’ai emprunté aussitôt à la bibliothèque numérique son grand roman Les livres de Jakob ou le Grand voyage (tiens, je mettais en une de ma note d’hier un dessin de « l’arbre du voyageur »). Rien que le titre, avec son interminable sous-titre : à travers sept frontières, cinq langues, trois grandes religions et d’autres moindres rapporté par les défunts , leur récit se voit complété par l’auteure selon la méthode des conjectures, puisées en divers livres, mais aussi secourues par l’imagination qui est le plus grand don naturel reçu par l’homme : Mémorial pour les Sages, Réflexion pour mes Compatriotes, Instruction pour les Laïcs, Distraction pour les Mélancoliques, constitue un puissant appel à la lecture. Me rappelant le Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki, ou même Ici le chemin se perd de Peské Marty, ou encore les livres de Léo Perutz et d’autres qui constituent des Mille et une Nuits de la fantastique Europe centrale, voire le Melmoth de Maturin, enfin toute une littérature à la Récits d’un pèlerin russe, voyageuse de l’esprit autant que de l’espace et du temps, surréaliste sans l’être, réaliste sans l’être, poétique absolument.

Et j’ai donc commencé à lire ce roman, au jardin, dans l’enchantement du verbe, des plantes et des oiseaux. Et je n’ai pas été étonnée d’y trouver le nom de Potocki, en effet, introduit dans l’histoire, et aussi un personnage en train d’écrire un livre reprenant toutes ses lectures – n’est-ce pas ce que fait l’auteure avec ce texte merveilleux ? Quelle bonne nouvelle, que la visibilité donnée à cette histoire de faux messie (paraît-il) qui passe par le judaïsme, l’islam et le christianisme sans se fixer, en bon pèlerin. Génial, j’ai encore huit cents pages à lire.

Un article sur ce livre : ici

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oiseaux etc. 1-minAu régal des corneilles

oiseaux etc. 2-min… des moineaux, aile et tête en bas (le voyez-vous ?)

oiseaux etc. 3-min…des papillons

oiseaux etc. 4-min…des abeilles, et de moi

oiseaux etc. 5-mincet après-midi au Jardin des Plantes, photos Alina Reyes

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Cane, canetons, canards, etc.

Avant d’aller travailler à la bibliothèque de recherche du Muséum, je suis allée passer un bon moment dans le jardin. Pour commencer, j’ai rencontré mes amis le couple de canards, que je vais voir très souvent, et j’ai eu le bonheur de découvrir leurs sept adorables nouveau-nés.

 

canards etc. 1-minD’habitude, quand elle est avec son compagnon, c’est lui qui m’écoute, tandis qu’elle me snobe un peu. Mais là, quand j’arrive, elle conduit tous ses canetons dans l’herbe, comme pour me les présenter, puis elle m’écoute, toute heureuse et fière, la féliciter.

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Lui est là et les suit de bassin en bassin, mais toujours à distance, sans doute aussi pour surveiller : les corneilles et autres dangers menacent les petits. D’autres années, j’ai vu ainsi de jour en jour diminuer leur nombre auprès de leurs parents.

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Allez les enfants, on retourne à l’eau !

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Et on change de bassin. Ah mais il faut sauter du bord. Un ou deux sont intrépides et y vont direct, pour les autres c’est plus compliqué

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canards etc. 9-minBravo bébé tu l’as fait

canards etc. 10-minCeux-là tremblotent et tergiversent

canards etc. 11-minSans parler de ceux qui sont encore de l’autre côté, ayant du mal à grimper sur le bord. Il faut aller les encourager

canards etc. 12-minCelui-ci est malin, il a repéré l’endroit où il peut contourner la difficulté en descendant par paliers. Les derniers le suivent par le même chemin.

Je reprends ma promenade et m’arrête plus loin, où se trouve un autre couple de canards, plus jeunes et au plumage splendide.

canards etc. 13-minLui

canards etc. 14-minElle

canards etc. 15-minOui, tu es très belle, pleine de grâce.

Quand je retourne voir la petite famille, elle a encore changé de bassin. Il y a des gens autour, je ne m’attarde pas. Mais je me rends compte ce matin en regardant mes photos qu’il n’y figure plus que six canetons. Le septième est-il simplement hors cadre, ou… ? Je repasserai sans doute aujourd’hui, voir ce qu’il en est.

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Après avoir passé un délicieux moment assise sur ma pierre, sous mon pin, au jardin alpin, à écrire dans mon journal intime, je me dirige vers la bibliothèque : il est temps de se mettre au travail. Entre la serre et la bibliothèque, des femmes prennent un cours de danse lente.

Je fais une image et j’y vais, écrire comme une reine.

canards etc. 17-minCe lundi au jardin des Plantes, photos Alina Reyes

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