Passage à la peinture

Adam et Eve sans haut ni bas va être le premier d’un petit triptyque. Je suis très très heureuse de peindre. Depuis que j’ai acheté pour la première fois de la peinture acrylique, il y a exactement quatorze jours, je n’ai pas arrêté : dix-huit œuvres d’autodidacte débutante, et justement j’aime être débutante. Je l’ai écrit quelque part, quand j’étais enfant je voulais être écrivain parce que j’aimais lire et écrire mais aussi parce que ce qui m’attirait, c’était la vie d’écrivain. Non bien sûr celle de l’écrivain salonnard, qui croit ne rien pouvoir, mais celle de l’écrivain sur l’île déserte, qui la peuple de lui-même, de ses écrits et de ses lecteurs. Je n’ai jamais quitté l’île déserte, le royaume. Et maintenant je la peuple en peignant. La vie du peintre aussi m’a toujours attirée. J’ai vécu plus d’un an avec des artistes du monde entier, à la Cité des Arts, rue Norvins à Montmartre puis quai de l’Hôtel de Ville. C’était le paradis, comme ensuite l’atelier où j’ai vécu quelques mois en colocation avec un peintre rue Albert dans le 13ème. C’est seulement depuis le paradis que l’on peut recréer le monde, de même que Dieu se tient dans son royaume et crée de là. Au paradis, Dieu y est, c’est pour cela que la création advient à travers qui s’y tient, et s’y laisse traverser. Pour tout le monde.

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En peignant, je me rappelle quand j’ai peint le mur du fond de la grange, en blanc, et les encadrements des portes et des fenêtres, en rouge. Avec mon frère et d’autres personnes, nous avons transformé cette étable d’estive en maison. Je ne l’ai plus mais d’autres très chers l’ont, et c’est toujours le paradis. Je me rappelle aussi quand nous vivions en colocation avec un peintre, O et moi, combien j’aimais aller dans son atelier, un autre paradis. Mon atelier ici à Paris est un tout petit espace, une table sur tréteaux dans la pièce commune qui nous sert de salon, de bureau et de chambre. Au fond de la table, contre le mur, sont alignés mes Bible, mes Coran, mes dictionnaires d’hébreu et d’arabe (pour le grec, j’utilise les dictionnaires numérisés), le Mathnawî de Rûmi, Voyage. Puis le pot à stylos, crayons et marque-pages, le pot à pinceaux, et la panière à peintures et autres couleurs. Quand je veux peindre, je pousse mon petit ordi et je mets le chevalet de table à la place. Je peins debout pendant des heures, oubliant de boire et de manger tant que ce n’est pas fini. J’aime beaucoup le côté chantier, comme quand j’allais sur les chantiers avec mon père, plâtrier, dans mon enfance. Quand je vois ce qui peut paraître à d’autres des scènes de démolition ou même de ruines, j’en suis bienheureuse car pour moi ce sont des scènes de construction. Les Pèlerins d’Amour sauront comment être Pèlerins d’Amour en voyant dans quel esprit je vis, j’ai vécu. Il ne suffit pas par exemple de dire que nous sommes indépendants des institutions, il faut le prouver. Les œuvres de bienfaisance sont des pansements sur les plaies du système, elles ont leur utilité mais ce qui sauve c’est le pouvoir de voir derrière la façade du système ses ruines, et dans ses ruines un chantier. Ma parole n’est pas un prétexte ni un paravent ni un instrument, elle est au fondement, à la racine, elle est la racine et l’accomplissement, le chantier et la maison construite, elle est l’alpha et l’oméga. C’est ainsi seulement, par la manifestation d’une parole et d’une vie indissolublement épousées, unies, que vient aux hommes la lumière, la libération.

L’histoire

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photo Reuters

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« Quoi qu’il en soit, les Roms ne sont pas vraiment les bienvenus à Mitrovica. En 1999, Roma Mahala, le quartier rom de cette ville industrielle peu attrayante, avait été entièrement pillé, brûlé et ses 8000 habitants chassés (photo ci-dessus) par la résistance albanaise antiserbe, l’UCK, qui s’installait au pouvoir dans le fourgon de l’Otan – de l’armée française en l’occurrence. Durant l’été 1999, des gendarmes français patrouillaient dans cette zone dévastée où le moindre montant de porte avait été détruit. Il n’y avait plus âme qui vive : les habitants avaient fui vers la Serbie, le Monténégro voisins, voire en Europe occidentale.Les Roms du Kosovo subissaient alors la vengeance de la majorité albanaise, qui les accusait d’avoir collaboré avec le régime nationaliste serbe, honni et vaincu.L’histoire récente du Kosovo – qui a été placé sous protectorat de l’Otan et administré durant dix-huit mois (1999-2001) par Bernard Kouchner pour le compte des Nations unies – a aggravé la situation des Roms ». L’article entier de Jean-Dominique Merchet est à lire sur son blog Secret Défense.

Mitrovica est paraît-il une ville très pauvre, mais très belle. J’en suis heureuse pour Leonarda et sa famille. Dommage que leur promenade de ce dimanche ait été gâchée par une agression. Un peu comme, géographiquement et dans l’histoire de Cortazar, Budapest est séparée en deux, Mitrovica est, géopolitiquement, divisée par la rivière qui sépare Serbes et Albanais, deux communautés restées hostiles l’une à l’autre depuis la guerre, et que le pont lancé au-dessus de l’Ibar ne suffit pas à réunir.

En dormant, depuis hier, je croyais que c’était Leonarda qui dormait à ma place, je me sentais ronde comme elle, d’ailleurs j’ai pris un kilo d’un matin à l’autre. Je sais que c’est en lien avec La Lointaine, l’histoire de Cortazar d’où je tiens mon nom, je sais qu’il a vu quelque chose et que cela vit.

À l’heure où j’écris ceci il fait 13 degrés à Mitrovica, demain il fera 20, soleil et doux. En fait c’est toute la France qui est aussi là-bas, et même plus que la France puisqu’on parle de cette histoire un peu partout dans le monde. Que cela leur plaise ou non, les destins des hommes s’entrecroisent. Et ceux qui sont bien installés feraient mieux de penser qu’un jour, eux ou leurs enfants pourraient avoir à se retrouver à mendier l’aide de mieux lotis.

Météorite

« Impossible de ne pas faire un peu de mysticisme.

« Il semblerait que certains « petits hommes verts » refusent de laisser des humains s’emparer de cet objet céleste, commente Maxime Chipouline. Nous pensions que nous allions pouvoir récupérer la « grande » météorite à une profondeur de 14 mètres, mais elle s’est enfoncée de plus en plus profondément dans la vase et nous parlons déjà de poursuivre les recherches à une profondeur de 16-20 mètres. Nous avons même inventé une nouvelle expression : « la vase consciente ». Par ailleurs, il se passe des choses incroyables : le canot a disparu 5 fois, les moteurs tombent en panne, les appareils s’affolent : cette zone est apparemment remplie d’anomalies ! » »

À la recherche de la météorite de Tcheliabinsk : l’article entier dans La Russie d’Aujourd’hui.

Voir aussi : l’Église de la météorite de Tchéliabinsk, dans La Voix de la Russie

Et je ne savais pas que des fragments de la météorite sont tout près de chez moi, au Jardin des Plantes.

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Machines qui broyez les muscles et le sang

ouvrez un hublot pour l’orage,

que soit le roc visité par la foudre

humilié d’amour des pieds jusqu’à la tête.

 

Que soit le nom crié de sommet en sommet

frotté comme un galet de mer par les figures,

comme un galet blessé, une biche souffrante,

au bord des grandes eaux.

 

Le tremblement de terre est en route. Quel est

le mot de passe cri ou chanson ou sésame ?

L’arbre de l’existence

sera-t-il le premier des arbres foudroyés ?

 

Benjamin Fondane, Titanic