Élisez-moi pape !

Alina Reyes

 

Dans l’Église, quand on veut donner en exemple la conversion de quelqu’un qui a eu une vie « dissipée », on évoque Marie Madeleine, ou bien Etty Hillesum (plutôt que saint Augustin, qui fit pourtant pire). Marie Madeleine a été considérablement salie au cours des siècles, où elle a pris pour nombre de chrétiens la figure d’une prostituée, ce qui n’est pas le cas dans les Évangiles. En vérité elle a une place éminente auprès de Jésus, celle d’une sœur absolue, notamment dans l’évangile de Jean, où elle est la première à qui il se montre et s’adresse après sa sortie du tombeau, la première qu’il charge de délivrer son message à ses apôtres et au monde. Marie Madeleine est un signe éminent de sa résurrection et de son retour attendu. Marie Madeleine s’appelle Marie, elle est indissociable de la Vierge Marie, mère.

Etty Hillesum, elle, après avoir connu l’errance intellectuelle et spirituelle (dont on retient sa sexualité triste), dans une vie sans vérité ni maternité, a certes été éclairée, mais pour finir à Auschwitz. Etty Hillesum est un signe de damnation et de mort. Voilà le chemin fait par le christianisme dans son idée de la femme et du destin de la femme.

En principe, il n’est pas obligatoire d’être prêtre pour être élu pape. Une femme pourrait donc l’être. Si le pape est le vicaire du Christ sur terre, il doit pouvoir avoir le visage de Jésus, et aussi de celle qui lui est indissociable, Marie, mère et femme. Si le pape doit représenter Dieu sur terre, il nous faut nous rappeler que Dieu n’est ni homme ni femme mais, dans nos éléments de comparaison humains, tout à la fois porteur d’une puissance créatrice virile et paternelle, et d’une miséricorde maternelle et fraternelle rédemptrice. Qui est chargé de Le représenter sur terre doit posséder ces attributs, que doivent en principe pouvoir posséder un homme accompli aussi bien qu’une femme accomplie en Dieu. Voilà un sens de la résurrection de l’être.

Des millénaires de patriarcat, c’est-à-dire de la loi brute du plus fort, ont dans toutes les religions fortement pesé sur les définitions de l’être et des rôles de l’homme et de la femme. Il suffit de retourner aux sources de Dieu, de ses textes saints, pour reconnaître que nous nous en sommes considérablement éloignés. Que nous n’avons fait qu’embourber un peu plus l’homme et la femme dans des définitions humaines, au lieu de les élever dans le projet divin.

Élisez-moi pape, je vous réunis les trois monothéismes dans la vérité et l’entente, chacun selon sa personnalité et son charisme, je vous remonte les croyants, je vous rappelle les désabusés. Un pape musulmane, voilà bien un tour digne du Messie en son retour. Ceux qui suivront le Voyage deviendront aptes à changer l’ordre tellement humain et enterré des choses, pour sortir dans la lumière et entrer dans l’Ordre de Dieu, celui des Pèlerins d’Amour que nous sommes tous sur cette terre, que nous sommes tous appelés à être, sur la terre comme au cieux.

 

Il neige

à la grotte puis à la grange, le matin du 11 février 2010

 

Une petite neige volette à ma fenêtre, en ce moment même, ici à Paris.

Il y a trois ans, les 9 et 10 février, j’étais à Lourdes. Au petit salon du Livre des Sanctuaires, en l’honneur de la première Apparition à ma petite soeur Bernadette, avec mon livre sur cet événement, paru deux ans plus tôt. Le 11 au matin, jour de l’Apparition, il neigeait. Je suis allée encore une fois à la grotte, avant de prendre le car pour retourner à la grange, là-haut dans la montagne,  où je suis ensuite restée seule pendant sept mois. Qui avait décidé de salir cette date en la choisissant pour m’annoncer l’injustice ? La neige au contraire lui fit une robe digne d’entrer dans la Résurrection.

Un passage de Voyage l’évoque :

 

Je suis montée entre les hauts congères, par la route complètement blanchie, conduisant avec une vive attention ma voiture dépourvue de chaînes. Au lieu nommé Le Caillou, je l’ai garée, derrière le gros rocher. J’ai marché une demi-heure dans la tempête de neige, traînant mon bagage, parfois m’enfonçant jusqu’aux genoux. À la lisière de la forêt ma grange est apparue, féérique dans son épais manteau immaculé.

J’avais chaud, d’avoir marché jusque là avec mon sac à dos, déneigé à la pelle devant la porte pour pouvoir entrer, transporté les bûches depuis l’abri à bois. Mais quand la voix de maître Human, par le téléphone, m’a vrillé au creux des os, il s’est mis à faire froid à pierre fendre. Après tout ce que j’ai traversé, je ne sais pas comment je suis encore vivante, et avec toute ma raison dans la folie. Le lendemain matin, de nouveau bienheureuse dans ma parfaite solitude, j’ai trouvé le nom de cette grange : Dieu sauve.

 

 

Déplaçant les montagnes

"la Grange", la "grotte" où fut écrit en grande part Voyage, image Alina Reyes

 

Déplaçant dans mes 1400 pages de Voyage d’énormes blocs de texte, les réajustant, les retravaillant. Plus d’une semaine de travail du mois de décembre, qui ne se trouvait que sur une clé usb, par erreur je l’ai perdue – la prenant pour une ancienne version je l’ai supprimée. Ça ne fait rien je recommence, toujours aussi bienheureuse à déplacer les montagnes et à y grimper, avec toute la vie qui les anime. Les bras pleins de mots bruissants de joie, et qui courent devant eux comme de jeunes poulains dans l’herbe fraîche dès que je les ouvre.

Comment cela se fera-t-il, demandait Marie, puisque je n’ai laissé aucun homme mettre la main sur moi ? Je ne sais comment cela se fera, mais je ne le demande pas car je sais que cela se fera, ce que Dieu veut, plus que jamais je le sais. Parce que cela n’a pas été sali, justement.

 

Vagues de l’aube

image Alina Reyes (juin 2012)

 

Voyage marche avec l’Essence du Livre éternel pour compagne et promesse. Ultime Révélation, Coran, nous transportons les hommes vers tes sommets. L’aube se lève sur les montagnes, notre cœur crie de joie.

Je réécris Voyage. Quand il sera fini il n’y aura plus ni juifs ni chrétiens ni autres frères ennemis, seulement l’être humain en islam, pacifié.

Voyage traverse les voiles de l’aube, adhan déchirant qui appelle. Et Dieu sait mieux. Le jour vient, s’ouvre et enfante le Jour.

 

 

Les montagnes

 

Un matin la montagne s’est fendue

mille papillons blancs ont jailli de la roche

où les avait conçus le désir du Seigneur

mille papillons blancs dans l’aube blanche

ont traversé l’espace et pèlerins

sont venus à la porte de ma maison de Dieu

mille papillons blancs, prières sur la pierre

 

c’est le cri de mon sang

 

Un matin j’ai tenu

dans mes paumes les cornes d’un taureau

furieux et je l’ai libéré.

Il m’a suivie puis s’est couché

devant la porte de ma maison de Dieu.

 

Un matin vous verrez

les montagnes se changer en taureaux

déchaînés, se disperser comme brassées

de papillons peureux,

et vous serez heureux alors si vous avez trouvé,

monture pour le ciel, la parole née dans ma maison de Dieu.

 

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extrait de Voyage, écrit quand j’étais à la montagne, d’après des faits réellement survenus (papillons, taureau…)

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