peinture Alina Reyes
Le fleuve Léthé coule au séjour des morts. Léthé, en grec, c’est l’oubli. Précédé du préfixe privatif a-, le mot peut donner aléthéia, la vérité, non-oubli, dé-voilement.
Le séjour des morts, c’est sous terre. Que veut dire sous terre ? Là où le ciel ne touche pas la terre. Dans un monde désunifié, le monde des hommes, des mortels, des mourants, des habités par la mort.
Le fleuve qui coule au séjour des morts, c’est celui sur lequel se laissent porter les hommes, jusqu’au moment où ils sont déposés sur la berge des morts. Autant qu’ils se laissent porter par ce fleuve, ils vivent dans les limbes.
Qu’est-ce que ce Léthé, cet oubli ? L’oubli du ciel. Du monde qui appartient au ciel, où tout est ciel, miséricorde et grâce. Le chercheur de Dieu remonte le fleuve pour rejoindre sa source, qui est au ciel.
La vie en Dieu est une vie à ciel ouvert. Où la terre tourne dans le ciel, unie à lui.
La vie en vérité est une vie en Dieu.
La vie qui va à la source, comme le saumon pour frayer, est une vie d’amour.
Le mot léthé, oubli, vient du verbe lanthano, qui veut dire être caché. Le Léthé coule sous terre, il est caché. Les hommes vivent dans l’oubli sans savoir qu’ils vivent dans l’oubli. Même, ils s’enfoncent un peu plus, pour oublier qu’ils vivent sous la terre, comme morts dans leurs ressassements, au lieu de vivre sous le ciel, vivants.
L’aléthéia, la vérité, ouvre les lourdes paupières de terre des hommes. C’est un travail surhumain, pourtant c’est le travail de l’homme. L’homme ne peut faire son travail qu’avec l’aide de Dieu, c’est-à-dire dans le dialogue. Avec Dieu et avec d’autres hommes : où deux ou trois seront réunis en mon nom… dans la rencontre intime. Mais aussi avec tout ce qui « parle », les livres, les arts, la nature, l’ensemble de la Création. Dialogue cœur à cœur, rencontre en Son cœur. Où Il vient, où Il se dévoile : dans l’amour.
L’accomplissement suit le dévoilement.
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« Nous avons assigné l’oiseau de chaque homme sur sa nuque, et au Jour du Jugement nous lui produirons un livre qu’il trouvera déployé. » Sourate Le Voyage nocturne, verset 13.
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