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Long est le voyage. Longtemps elle s’étire, la séparation. Loin derrière, les douces collines de la Galilée, ses oliveraies, ses vignes, ses champs dorés d’orge et de blé, ses pâturages avec leurs blancs troupeaux, et la maison de Nazareth ! Loin derrière, le cher pays de l’enfance, et les proches bien-aimés !
‘Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un cœur brisé’. Les mots du psaume lui reviennent, alors qu’elle se remémore le cauchemar de la cruche brisée et la venue de l’Ange.
Alors qu’avec la caravane, elle traverse maintenant l’âpre désert de Judée, où quelque chose qu’elle ignore l’appelle, l’appellera, la rappellera.
Le ciel scintille à en brûler les yeux. Une brume de chaleur tremble sur l’horizon jaune. Les ondulations ocres du sol nu ressemblent à celles des maigres nuages figés dans le ciel.
Les hommes et les animaux de la caravane, muets et soumis, semblent n’être que quelques cailloux crayeux parmi les autres. Quelques pierres qu’une force invisible déplace lentement dans l’univers insensible. Pour où, pour quoi ?
*** est là, Il vibre aux tympans de Marie.
Elle a pitié du petit âne, elle descend et marche à ses côtés. Il tourne la tête vers elle : dans son œil, elle voit Dieu. Oui, dit-elle. Pas à pas, avancer. Pas à pas, faire oui.
‘Balaam comprit que le Seigneur voulait bénir Israël. Il n’alla donc pas comme les autres fois à la recherche de présages, mais il se tourna tout de suite face au désert.’
Au bord d’un ruisseau, la caravane fait halte. On mène boire les bêtes, puis les hommes s’assoient sur la berge. La fatigue, vieille compagne de route, elle aussi se détend. On partage quelques paroles, de l’eau et des dattes, il en faut peu pour transformer le désert en jardin. Voici renouvelée, de cœur en cœur et en tous ensemble, la foi : la vie est belle.
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Par-delà le désert, nous arrivons à Aïn-Karim.
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extrait de Avec Marie, l’un des dix livres de Voyage
Florenski et Boulgakov, par Nesterov
Le dix-huitième et dernier chapitre du grand ouvrage du P. de Lubac, guide sûr, est consacré aux Russes, et c’est une grande fête de l’Esprit. Non qu’ils n’aient pas, comme les autres, erré dans leur quête, et souvent abouti dans des impasses, mais l’ardeur de leur marche, de leurs courses, génère de vives étincelles, souvent des éclats magnifiques, qui remplissent le cœur de désir, de joie, d’espérance.
Tout commence pourtant mal, en plein dix-neuvième siècle, avec cette exclamation de Cieszkowski :
« Voici venir le troisième monde ! Voici que se dessine l’arc-en-ciel de l’humanité, ce signe de suprême et d’éternelle alliance ! C’en est fini de l’ère de la Grâce, celle du Mérite a commencé. » (p.385)
Pour lui, nous dit Lubac, le « troisième âge » est « conçu comme essentiellement actif, d’une activité qui n’est pas réponse à la stimulation divine, ni contemplation créatrice de l’homme intérieur, mais activité autonome, libre de tout besoin de grâce et tournée vers une « grande construction » objective. L’homme de ce troisième âge, émancipé de la tutelle divine comme le Juif converti fut émancipé de la tutelle de la Loi, ne doit plus rien qu’à son propre mérite. » (p.388)
Toute autre est la pensée, « essentiellement historique », de Tchaadev, qui écrit :
« Ce n’est réellement que.. dans la société chrétienne et qui n’a pas été faite de mains d’hommes, qu’on aperçoit un mouvement ascendant véritable, et un principe de progression réelle ainsi que de durée infinie. »
« On aura beau dire, continue Lubac résumant la pensée de Tchaadev, qu’aujourd’hui l’Europe n’est plus la chrétienté : elle l’est encore, « quoi qu’elle fasse », et « nul doute qu’un jour les lignes qui séparent les peuples chrétiens ne s’effacent derechef et que, sous une forme nouvelle, le principe primitif de la société moderne ne se manifeste plus puissamment que jamais ». L’Europe a reçu, et elle contient toujours « en germe » tous les éléments nécessaires pour qu’un jour le règne de Dieu s’établisse parmi les hommes de façon définitive.
C’est là un phénomène unique dans l’histoire du genre humain. Tchaadev admire « ces puissantes traditions, cette vaste expérience, cette conscience profonde des temps accomplis, ces habitudes fortes de l’esprit, fruit d’un immense exercice de toutes les facultés de l’homme, qui constituent la nature morale des peuples de l’Europe et leur véritable supériorité ». Or, on n’y saurait trop insister : « ni le plan de l’édifice, ni le ciment qui a lié ces différents matériaux n’étaient œuvre humaine : la pensée venue du ciel a tout fait. » C’est à elle seule qu’est due « la perfectibilité des peuples modernes » ; en elle réside « le mystère de leur civilisation » ; d’elle provient cet intérêt supérieur qui « ne saurait jamais être satisfait », car « il est infini : il faut donc que les peuples chrétiens avancent toujours ». « (p.393)
Cependant, ajoute Lubac, « cet adversaire de l’humanisme philosophique ne semble pas s’apercevoir qu’il infléchit la vieille doctrine joachimite dans le sens que lui avait imprimé Lessing… de « l’éducation du genre humain » ; pas davantage, qu’en condamnant les individualismes qui exaltent un être « circonscrit dans le moment présent, éphémère insecte », il ne trouve à lui opposer qu’un « être intelligent abstrait », peu compatible avec le personnalisme chrétien. Constamment on se demande, en le lisant, s’il ne confond pas l’histoire de la religion avec celle de la culture, et si cette confusion n’est pas seule à expliquer la supériorité qu’il attribue au catholicisme sur l’orthodoxie, jugée cependant plus pure dans son dogme et plus fidèle aux origines. Enfin ce contempteur de Hegel ne semble par voir non plus qu’il s’engage à sa suite dans une voie dangereuse lorsqu’il désigne comme idéal à atteindre la réduction de la dualité, source de conflits sans nombre, entre la société humaine et l’Église : le prix de cette parfaite unité, dans « les conditions de l’économie terrestre », ne pouvant être autre que l’étouffement de l’âme, – piège de toute « perfection », écueil de toutes les utopies. » (p.398)
Sur Dostoïevski, et l’influence de George Sand sur son œuvre, le P. de Lubac, toujours d’une magnifique clairvoyance, se livre à une analyse dont je vais citer de longs passages, car c’est un grand bonheur. Après avoir relevé les traits extérieurs de cette influence de l’une sur l’autre, il entre dans le fond du sujet.
« L’écrivain russe a d’ailleurs pu nourrir quelques illusions, comme plusieurs de ses compatriotes, au sujet de George Sand ; il a pu lui conserver une admiration fidèle : il ne s’ensuit pas que leur christianisme ou leur socialisme soit le même. Et quoi de commun entre la riche et inconstante châtelaine, à la plume aussi facile que généreuse, dont les romans à thèse coulent comme l’eau de la fontaine, et le forçat de la pensée, talonné par les dettes, épuisé par l’épilepsie, torturé par les problèmes éternels, qui écrit « dans les pires tourments », qui n’a pas hésité à mettre au rebut une première version intégrale de ses Démons et qui finit par la détruire pour n’avoir pas à subir les tracasseries policières de la douane ? » (p.403)
Oui, voilà une vision chrétienne de la parole : une parole n’est pas séparée de celui qui l’émet, la parole, c’est l’homme, aussi, sa vie, son incarnation.
« Dans la seconde édition de son roman [Spiridion], poursuit Lubac, George Sand a nommé Joachim de Flore. ; c’est à sa théorie du troisième âge qu’elle rattache toute l’idéologie qui doit enfanter les temps nouveaux par la Révolution française. Dostoïevski, lui, ne pense pas plus à Joachim qu’il ne le nomme. Mais tandis que la fantaisie activiste de Sand fait tout aboutir à une image d’Épinal – le soldat de la Révolution tuant le vieux moine Alexis, symbole malgré lui de l’obscurantisme et de la réaction, Dostoïevski, sans y penser, guidé par son profond instinct contemplatif, reprend le meilleur de ce qui fut le rêve du Calabrais : le triomphe de l’esprit d’enfance – en quoi il se rencontre avec Nietzsche dans sa célèbre parabole du chameau, du lion et de l’enfant. Seulement, tandis que Joachim projetait son rêve dans l’avenir du troisième âge, l’auteur des Karamazov, dans la scène anticipatrice de son Épilogue, évoque l’accord miraculeux des enfants réalisé pour un instant au sortir de la cérémonie d’enterrement d’Ilioucha leur camarade, où « l’homme chérubinique » avait retenti ; et, comme pour mieux signifier qu’il ne s’agit d’aucune utopie terrestre, Aliocha, l’animateur de la bande qui va bientôt se désagréger, leur donne à tous rendez-vous, autour de leur ami défunt au lendemain de la résurrection.
(…) De part et d’autre [Sand et Dostoïevski] on aspire à la liberté, mais Zossima rappelle à qui rêve d’émancipation que l’obéissance, le jeûne et la prière sont « la seule voie qui conduise à la vraie Liberté ». Dire que chez Sand comme chez Joachim « les religieux joueront un rôle prépondérant à l’époque de la religion du Saint-Esprit », c’est déjà jouer sur les mots ; car précisément pour elle, au rebours de Joachim pour qui l’ère du Saint-Esprit doit être l’ère des moines et de la vie contemplative, il s’agit de l’œuvre que doivent accomplir, à l’ouverture de cette ère, quelques moines engagés dans les sociétés secrètes pour lancer leurs jeunes recrues, loin des cloîtres, dans la grande aventure de la révolution. Et le paradoxe est encore plus fort lorsqu’on ajoute que « le cas est le même pour Dostoïevski, qui imitait George Sand » ; car précisément encore, si l’on tente un rapprochement entre le fondateur de Flore et l’admirateur d’Optina Poustyne, on ne peut manquer de voir que l’un comme l’autre espère dans l’avenir la victoire d’un idéal contemplatif. Tandis que les propagateurs de la subversion poursuivent en vain leurs chimères, les religieux, dit encore Zossima, « gardent leur solitude… la vérité divine…, et quand l’heure sera venue, ils la révèleront au monde ébranlé ». » (pp 403-405)
Amen.
Voyons maintenant Soloviev, animé d’une recherche œcuménique, et pour qui « la Rome chrétienne n’a que trop imité certains traits de la Rome païenne, mais elle a reçu d’elle le principe historique d’une humanité unifiée, que l’Orthodoxie doit maintenant recevoir d’elle. » (p.409) « Il n’a pas cessé, nous dit encore Lubac, de penser que « le développement de la vérité christologique » doit s’effectuer « dans le développement ecclésial », et non dans un dépassement quelconque de l’Église instituée par le Christ, dans un passage à une Église de l’Esprit. En face de la figure de Pierre il dresse, comme d’autres, la figure de Jean, mais ce n’est pas dans une pensée d’opposition ; ce n’est pas dans l’idée que le second serait appelé à succéder au premier : les deux apôtres (auquel, dans son mythe, il adjoindra Paul) représentent les deux grandes fractions de l’Église, celle d’Occident et celle d’Orient, qui sont appelées à se rejoindre. » (pp 413-414)
« Soloviev n’a jamais été joachimite. Encore est-ce là trop peu dire. En ses dernières années, jetant sur son époque un regard perçant, prophétique, il devient explicitement antijoachimite. Il s’oppose aux prétentions de cet « au-delà du christianisme », non pas sans doute sous la forme surannée où l’avait entrevu l’innocent Joachim (auquel il semble n’avoir jamais pensé), mais tel qu’il le voit se répandre. Cet « au-delà » qui veut bien reconnaître les mérites du christianisme, qui voit même en lui une étape nécessaire de l’histoire, mais le repousse désormais comme indigne de l’homme parvenu à sa maturité, il le considère comme la perversion suprême. » (p.415)
Lubac évoque ensuite Merejkoski, « l’un de ces « chercheurs de Dieu » aux destinées diverses, qui voulaient élaborer, hors des cadres marxistes, une « théologie de la révolution ». « Tout autres, poursuit Lubac, furent ceux, bolcheviks pour la plupart, qui prirent le nom significatif de « constructeurs de Dieu ». (…) « Gorki, Lounartchaski, Bazarov et quelques autres, nous dit Jutta Scherrer, cherchent à hisser le socialisme au rang de religion et… considèrent la mystique religieuse comme un complément nécessaire au socialisme scientifique. » En 1907, Lounatcharski proclame que la « religion athée » du socialisme est « la déification des potentialités les plus hautes de l’homme » ; alors « il y aura un Dieu vivant, qui apportera à tous le bonheur et sera tout puissant. Ce Dieu, c’est nous qui le constituerons ». Dans cette construction de la Cité parfaite, « les forces productives sont le Père, le prolétariat est le Fils, et le socialisme scientifique est le Saint-Esprit ». (p.421)
Lubac évoque maintenant la figure de Paul Florenski, dont il cite ces phrases :
« Les hommes de la « nouvelle conscience religieuse », du premier au vingtième siècle inclus, se sont toujours fait prendre en flagrant délit, car les buissons de roses qu’ils plantaient portaient à chaque fois épines et ronces ; leur « nouvelle conscience » se trouvait être non pas supra-ecclésiale, comme ils le prétendaient, mais anti-ecclésiale et antichrétienne, dirigée contre l’Église et contre le Christ. Celui qui a l’esprit comme l’avaient les saints voit qu’il est démentiel d’aspirer à davantage… (Or), parallèlement à toute l’histoire de l’Église, court le fil de cette conscience pseudo-religieuse, qui se prétend toujours « nouvelle »…
« On le voit, enchaîne Lubac, ce contre quoi Florenski s’élève, c’est la prétention à provoquer l’ère de l’Esprit, ou à l’anticiper, ce qui revient toujours à la pervertir en cherchant sa réalisation hors de l’Église. Ce n’est pas le fait de l’attendre et d’en désirer l’avènement : « toutes nos espérances » doivent être au contraire « dans sa révélation ». Aussi nous invite-t-il tous à « prier ensemble pour que le Saint-Esprit se manifeste », à « le supplier ensemble par l’appel mystérieux de Syméon le Nouveau Théologien : Viens, lumière véritable ! Viens, vie éternelle ! Viens, mystère caché ! Viens, trésor que l’on ne peut nommer… ! » Mais ce qu’il redoute par-dessus tout, c’est, au cours de notre histoire actuelle, la rupture de l’unité ecclésiale et christique, et c’est aussi dans l’avenir, la rupture entre deux temps, entre deux règnes successifs, comme si celui du Saint-Esprit devait abroger celui du Christ dans son Église :
(… et Lubac cite de nouveau Florenski) « Ce qui sera n’a pas été manifesté » (1 Jo. 3, 2 ; Rom. 8, 18). Mais plus notre sentiment de ce qui se prépare gagne en acuité, plus le lien avec l’Église-Mère devient étroit et natal… Ce qui sera, le sera en Elle et par Elle… Avec une joie douce, j’attends ce qui sera : le Nunc dimittis chante et résonne dans mon cœur apaisé… »
Quant à Serge Boulgakov, l’âme russe est pour lui, dit Lubac, « restée accessible, dans ses profondeurs, aux pressentiments apocalyptiques, soit dans la crainte, soit plutôt dans un joyeux espoir. Une légende persiste dans le peuple, celle de « Kitège », la ville lumineuse, engloutie au fond d’un lac, mais déjà visible aux yeux qui en sont dignes. Chez les intellectuels modernes, c’est la persuasion que le second avènement du Christ exige « la plénitude des temps », comme le premier, et que par conséquent « la vie de l’Église doit atteindre une plénitude encore inconnue ». – Mais cette nouveauté mystérieuse doit se manifester tout entière « dans les limites de l’Église du Nouveau Testament », elle doit consister dans « la pénétration de toute la vie par l’influence de l’Église » et mettre en lumière « les forces de la vie publique chrétienne ». L’optimisme de Boulgakov est « une évidence intérieure, plus forte que l’évidence extérieure », un appel à ne pas désespérer que le règne de Dieu arrive et que sa volonté soit faite « sur la terre comme au ciel » ; c’est, « en tout cas », un refus de « capituler devant la sécularisation déjà accomplie et devant le débordement de l’athéisme. Tout ceci », espère-t-il, « n’est qu’un moment dialectique…, une antithèse, qui doit être suivie d’une nouvelle synthèse. L’histoire de l’Église a encore un avenir, il y a encore des problèmes qui demandent à être résolus. Si l’arbre vert du christianisme semble maintenant flétri, n’est-ce point parce que le jardinier a coupé toutes les branches mortes…, afin que de nouvelles branches y poussent d’autant plus vigoureusement ? »
Ce n’est pas là du joachimisme ; c’est un optimisme actif et courageux, qui demeure conditionnel.
(…) Boulgakov n’admettait pas que l’Église restât immobile, étouffée sous « la coupole impériale » ; mais son mysticisme n’admet pas davantage qu’elle erre sans cesse dans le monde à la recherche d’un au-delà d’elle-même, comme si elle n’avait pas déjà reçu du Christ et de l’Esprit conjoints le principe de sa plénitude. Il contemple une autre coupole, celle de Sainte-Sophie, symbole de cette plénitude acquise une fois pour toutes dans le Logos, dont il lui est donné, en de rares instants fugitifs, de prendre une première conscience. » (pp 423-425)
Et pour conclure toutes ces quêtes et ces somptuosités du chemin, voici Berdiaev et sa pensée de très haute volée. Pour lui, dit Lubac, « le paradoxe de la « troisième époque » est le paradoxe même du passage du temps à l’éternité. Celle-ci n’est pas un autre temps qui succèderait au premier, à celui dans lequel nous sommes immergés pour une vie toute apparente et morcelée. Elle est, à chaque instant pour ainsi dire, la fin, la négation du temps. Elle est la région de l’être véritable dont le pressentiment nous est parfois donné, comme par une déchirure, dans un « acte créateur », – précisément parce qu’elle est la seule vie, qui est « vie créatrice » (p.427)
Pour Berdiaev toujours, « plus il fit de progrès dans les voies de la culture et de la civilisation, plus le christianisme occidental cessa de vivre dans l’attente ; épanoui dans un « humanisme social », il tourna le dos à « l’époque eschatologique », celle de « la révélation finale du Saint-Esprit », renonçant ainsi d’avance à l’exercice de son activité supérieure. On est donc en droit de soutenir que « la culture cristallise les échecs humains : les buts qu’elle atteint sont symboliques, et non pas réels ». (p.429)
C’est exactement cela. Et je ne cherche pas à atteindre le symbolique, j’atteins le réel (comme je l’ai fait d’emblée en entrant en littérature, avec des textes qui touchent le réel du lecteur). Répétons-le : « la culture cristallise les échecs humains : les buts qu’elle atteint sont symboliques, et non pas réels ».
« L’époque de l’Esprit, écrit encore Berdiaev, sera une époque communautaire, l’ère de la transformation sociale et cosmique, l’ère de l’avènement de la « sobornost » réelle, et non plus purement symbolique. » (p.430)
Pour lui, reprend Lubac, « la seule vraie révélation est spirituelle, elle est « méta-historique », intérieure, et l’homme y participe activement. Elle est, dans son être intime, une déchirure du temps, qui lui fait découvrir tout ce qu’ont de factice les conceptions, même religieuses, de ce monde et le fait pénétrer dans cette zone mystérieuse où l’homme et Dieu se créent mutuellement. » (p.431)
Concluant ce fantastique voyage à travers huit siècles de joachimisme, Henri de Lubac en résume ainsi l’esprit :
« Un jour, de façon totale et définitive, la vie sera changée (…) Ce sera, disait Joachim, « l’âge des moines », un âge « spirituel, sage, pacifique, aimable », qui ne connaîtra plus les lourdes structures ni la dualité de l’Église et de l’État. De cette société nouvelle un grand ordre contemplatif sera la classe dirigeante et il « dominera toute la terre ». » (p.438)
À la grâce de Dieu.