Glaner en ville

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Je suis sortie avec mon chariot dans l’intention de chercher dans les rues un support pour peindre. J’ai trouvé trois lourds morceaux de bois compact et épais. À mi-chemin de retour j’ai eu envie de les photographier et je l’ai fait, mais juste après tout est tombé, juste à côté de mes pieds mais pas dessus, heureusement. Un passant m’a aidé à les ramasser et à les remettre en place en les attachant plus solidement, et en me répétant de faire attention à ne pas me faire mal. Puis, comme il était vietnamien, il a dit : « voilà, maintenant vous pouvez aller jusqu’au Vietnam avec ! » Une fois à la maison, je me suis fait les muscles en montant les trois étages à pied avec leurs 20 kg. Cela m’importe beaucoup de peindre sur des supports récupérés. Je me sens proche des street artistes, même si je pratique cela de façon dérivée. Je suis si heureuse, j’adore la vie ! Qu’elle vous soit douce et belle et joyeuse.

« Le droit d’émigrer », par Catherine Wihtol de Wenden

Imaginons un monde où les hommes circuleraient librement, traverseraient les frontières avec un simple passeport, sans visas, sans murs, sans zones d’attente ni centres de rétention, où les reconductions à la frontière concerneraient non plus les sans-papiers, mais uniquement ceux qui porteraient atteinte à la sécurité de l’État. Ce monde existe… »

Telles sont les premières lignes, provocatrices, du tout petit mais percutant ouvrage de Catherine Wihtol de Wenden (CNRS éditions, 4 euros). « Ce monde existe », dit-elle. Vraiment ? Oui, car voici la suite de la phrase :

mais seulement pour les citoyens des pays riches rarement soumis à visas et pour les élites et fortunés des pays pauvres… »

D’emblée, l’injustice est mise en évidence, flagrante. Docteur en sciences politiques, spécialiste des migrations internationales, l’auteur démonte les peurs et les barrages qui s’attachent à la question des migrations.

Un examen des tendances migratoires, écrit-elle, montre que beaucoup de peurs liées aux migrations du futur sont infondées, car les flux se caractérisent aujourd’hui par l’émergence des Suds comme pays de destination, notamment grâce à l’attraction exercée par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), et l’importance croissante des migrations Sud-Sud et Nord-Sud (pour le tourisme ou l’expertise). Les migrations vers le Sud sont en train de rejoindre numériquement, avec 110 millions de migrants, les déplacements vers le Nord au nombre de 130 millions.

L’auteur met également en avant le fait que l’énergie énorme déployée pour restreindre l’immigration peut avoir un coût au moins aussi important que l’émigration, et cela sur plusieurs plans :

Aujourd’hui murs, camps, enfermements aux frontières se sont multipliés, avec une militarisation des contrôles à la clé. Les effets de la dissuasion n’ont pas été totalement démontrés et le coût financier, diplomatique, politique, voire commercial de telles pratiques est perpétuellement dénoncé, sans parler des violations des droits de l’Homme pratiqués par des pays qui, pourtant, s’en réclament. »

Des penseurs sont pris à témoin. Kant, est-il rappelé, au nom d’une liberté d’émigrer fondée sur la raison morale, prônait l’hospitalité et dénonçait le colonialisme. Pour Hannah Arendt, le droit d’émigrer s’opposait au totalitarisme. Pour Zigmunt Bauman, l’État moderne, avec son arsenal de contrôle des déplacements humains, créant apatrides et sans-papiers, « réhabilite la version antique de l’homme maudit ». Étienne Balibar prône « une citoyenneté dans le monde, s’accompagnant de la démocratisation contractuelle des frontières et de l’universalité des droits de résidence et de circulation ». Des sociologues ont aussi pointé le fait que la gestion des migrations crée de plus en plus d’exclus de la citoyenneté, ce qui mine l’État-Nation.

Après un bref rappel de l’histoire des migrations et de l’histoire des droits concernant les migrations, l’auteur dresse un tableau mondial des migrations aujourd’hui, et de leurs enjeux. Un texte de Kofi Annan paru en 2006 dans Le Monde est en partie cité :

« Depuis qu’il y a des frontières, les hommes les franchissent pour visiter les pays étrangers, mais aussi pour y vivre et y travailler… L’histoire nous enseigne que les migrations améliorent le sort de ceux qui s’exilent mais font aussi avancer l’humanité tout entière… Tant qu’il y aura des nations, il y aura des migrants. Qu’on le veuille ou non, les migrations continueront, car elles font partie de la vie. Il ne s’agit donc pas de les empêcher, mais de mieux les gérer et de faire en sorte que toutes les parties coopèrent davantage et comprennent mieux le phénomène. Les migrations ne sont pas un jeu à somme nulle. C’est un jeu où il pourrait n’y avoir que des gagnants ».

Je finirai de résumer ma lecture de ce petit ouvrage propre à démonter les préjugés et à susciter le désir d’aller de l’avant, plutôt que les réflexes de renfermement, par ces phrases prophétiques de Catherine Wihtol de Wenden :

La partie est loin d’être gagnée, mais la mobilisation pour le droit d’émigrer et pour les droits des migrants va prendre, au cours du XXIème siècle, une ampleur comparable à ce qu’a pu représenter, en son temps,la campagne pour l’abolition de l’esclavage…

Et j’ajouterai simplement : n’ayons pas peur non plus de faire et voir migrer la pensée – et ses expressions, les cultures et les religions –, façon d’abolir les esclavages aux schémas dépassés, et de voyager vers la libération de l’homme.

Levons la tente

le fil du temps,

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J’ai essayé pendant des années d’apporter aux catholiques une voix et une voie de renouvellement. Ils en voulaient, mais à condition que je me soumette au clergé. C’était absolument impossible. Je le leur ai répété, ils ont continué à croire qu’avec tous leurs moyens de pression et de manipulation, ils finiraient par me faire céder. Cette croyance absurde était bien l’un des signes de ce que je voyais chez eux, à savoir qu’ils ne connaissent pas Dieu. Le catholicisme a perdu complètement la voie de Dieu. Pour certains elle s’est réduite à un humanisme, pour d’autres à un bazar idolâtrique et superstitieux. Et Rome ne fait que pousser en ce sens, avec la canonisation hâtive de papes comme renforcement du pouvoir du clergé -combien ne prient plus Dieu mais Jean-Paul II ! J’ai fait tout ce que j’ai pu pour leur rendre le sens de Dieu, mais tout ce qu’ils voulaient c’était faire de moi un instrument pour renforcer leur emprise défaillante sur le monde. Et cela avec leurs moyens habituels : le mensonge, l’hypocrisie, les manœuvres souterraines qui furent toujours la marque de l’Église mais prennent aujourd’hui une ampleur inédite, de par les moyens de communication exploités pour la propagande. Comme dans les autres secteurs de l’industrie et de la politique, tout tient sur la publicité, la parole illusionniste.

Je suis du Christ selon l’Évangile, et il est aujourd’hui impossible d’être, en même temps, du Christ selon l’Église. Dieu ne se trouve plus dans cette institution. Je suis entièrement soumise à Dieu, c’est le sens du mot musulman, je suis en ce sens musulmane. Le Prophète Mohammed, alayhi salat wa salam, a rencontré Jésus dans son voyage nocturne ; il lui a alors demandé de diriger la prière, mais Jésus a préféré que Mohammed le fasse, et il l’a faite avec lui. Cela se passait en avant de nous, vers la fin des temps. Et moi qui suis du Christ, Dieu m’a conduite à prier avec les musulmans. Je continue à être là (notamment ici) pour eux, pour les chrétiens et pour tous ceux qui veulent continuer à marcher sur la Voie de vérité. Comme Abraham, nous irons, et notre descendance aussi, où elle, où Dieu, nous conduira.