La vache noire de Rainer Maria Rilke

Voici un autre poème de Rilke. J’aime penser à la vache noire qui retient son meuglement à la fin du texte, comme le font les vaches quand elles écoutent de la musique – je l’ai souvent vérifié quand elles s’assemblaient autour de mon ermitage en montagne pour écouter avec moi la musique souvent sacrée dont je leur faisais profiter en ouvrant la porte et les fenêtres.

Ô ce qu’il a dû coûter aux anges
de ne pas, tout à coup, fuser en chant comme on éclate en pleurs,
sachant pourtant : en cette nuit va naître
la mère du garçon, l’Un, qui va bientôt paraître.

Frémissants, silencieux, ils montrèrent du doigt
où se trouve, isolée, la ferme de Joachim.
Ah ! ils sentaient, en eux et dans l’espace, la pure condensation !
mais sans pouvoir, aucun, descendre à lui.

Car les deux se tenaient déjà si hors d’eux-mêmes.
Une voisine vint et ne sut qu’en penser,
et le vieux, prudemment, alla retenir le meuglement
d’une vache noire. Car jamais encore il n’en avait été ainsi.

Rainer Maria Rilke, Naissance de Marie (ma traduction, de l’allemand)

Mes traductions, par langues et par auteurs

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Des Présocratiques à Edgar Poe en passant par bien d’autres auteurs, la multiplication des traductions, c’est la libération. Du sens, de la lettre, de l’esprit. D’extraits de textes, parfois de textes entiers, parfois commentées, les miennes sont récapitulées sur cette page, actualisée au fur et à mesure des nouvelles traductions qui entrent ici. Bonnes lectures, bon regard neuf !

Du grec ancien :

Homère Attention : avant de lire mes traductions d’Homère ici présentes, traductions non définitives, voir ma note révélant l’énorme nouveauté de ma traduction de l’Odyssée

PrésocratiquesHéraclite ; Parménide ; Zénon d’Élée ; Thalès ; Anaximandre ; Démocrite

Pindare ; Platon ; Grégoire de Naziance ; Aristophane ; Épictète ; Sophocle ; Plutarque ; Ptolémée

– Bible, Nouveau Testament (extraits traduits beaucoup plus nombreux dans Voyage)

Du grec moderne : Titos Patrikios ; Iannis Ritsos

De l’hébreu bibliqueBible, Ancien Testament (extraits traduits beaucoup plus nombreux dans Voyage)

De l’arabe coranique : Coran

Du latin : Ovide ; Virgile

De l’ancien français : Jean Renart

De l’anglais : Shakespeare ; Edgar Poe (traduction intégrale du Corbeau et de La chute de la maison Usher); John Broderick ; Henley ; Blake ; Whitman ; Corso ; Thoreau ; Orwell (1984) ; Sylvia Plath ; Coleridge ; Gertrude Stein ; Kirsty Logan ; Alan Warner ; Keats ; Yeats ; Edgar Lee Masters ;
Lawrence Ferlinghetti ; Stephen Crane

De l’allemand : Kafka ; Rilke ; Goethe

De l’espagnol : Borges ; Garcia Lorca ; Juan Ramon Jimenez ; Rafael Mejia

De l’italien : Leopardi ; Pasolini ; Veracini ; Dante

Du portugais : Antonio Ramos Rosa

Du finnois : les premiers vers du Kalevala

Complaintes d’Italie

J’ai créé une nouvelle catégorie où rassembler mes traductions, et j’y ajoute ces quelques vers qui font la mélancolie bien rêveuse, bien douce et bien prête à s’effacer devant la force de la vie.

*

Nu le miroir regarde
en lui la solitude,
un ciel blanc et immense
scintillant dans le nul.
C’est le plafond. L’ennui
de mon enfance.
Oui, là dans l’argent lisse
est la main séculaire
d’Abel petit enfant.

Pier Paolo Pasolini, Le miroir

*

Que fais-tu, lune, dans le ciel ? Dis, que fais-tu,
Silencieuse lune ?
Tu te lèves le soir, tu vas,
Contemplant les déserts ; puis tu te couches.
N’as-tu pas encore ton compte,
À reparcourir les sempiternels chemins ?
Tu n’en as pas assez, encore tu désires
Contempler ces vallées ?
Semblable à ta vie,
La vie du berger.
Il se lève dans l’aube première,
Mène le troupeau plus avant dans le champ, et voit
Des troupeaux, des fontaines et des herbes ;
Puis fatigué se repose vers le soir :
Jamais il n’a un autre espoir.
Dis-moi, lune : à quoi sert
Au berger sa vie,
Votre vie à vous ? Dis, vers où tend
Ma brève errance, vers où
Ta course immortelle ?

Giacomo Leopardi, début du Chant nocturne d’un berger errant d’Asie

*

Voilà, je suis ici, j’écoute,
je laisse le temps qui fuit
me courir après, je sais que de moi
– à la fin – ne restera qu’un signe
discret, lointain. Il suffira.

Roberto Veracini, passage de Comme un vertige

*

Scélérats

Les migrants meurent noyés par milliers dans la Méditerranée. Ce qui inquiète sûrement le plus les autorités, c’est qu’ils sont encore bien plus nombreux à réussir à passer en Europe. La seule solution, disent Obama et Renzi, est de stabiliser la situation en Libye, d’y ramener la paix. Qui y a jeté le chaos ? Sarkozy et son maître à penser nihiliste, Bernard-Henri Lévy, dont Hollande et son gouvernement suivent les pas. Où l’on voit encore comment une pensée fausse peut suffire à semer la mort à grande échelle dans le monde. Ce n’est pas fini.

Valls annonce un plan à cent millions d’euros pour lutter contre le racisme. On se prend à rêver d’une grande action pour rendre leurs droits et leur dignité aux exclus de notre société, d’un renoncement des institutions et des politiques à pratiquer la stigmatisation et l’ostracisation des pauvres, qu’ils soient fils de chômeurs dans les régions industrielles sinistrées ou fils d’immigrés toujours considérés comme une sous-humanité par les restes de mentalité coloniale, ou Roms ou migrants ou réfugiés… Mais non, tout cet argent servira à museler la parole, à punir, toujours et encore interdire et punir, en un sinistre couplet avec la loi sur le renseignement qui veut donner tout pouvoir aux pouvoirs sur nos existences.

J’ai signé une pétition contre cette loi scélérate. Sachez que la surveillance ne touche pas que les terroristes, si vous faites partie d’une association par exemple vous pouvez très bien être « suivi » et à partir de cet espionnage vos actions peuvent être entravées ou empêchées, de même que si vous êtes un journaliste ou un écrivain ou un artiste, ou toute personne prenant part à la chose publique sans faire allégeance aux autorités. Cela se pratique déjà, avec la loi plus rien ne pourra empêcher cette pratique de s’étendre. La fascisation de la pensée est en train d’œuvrer dans les faits, ne la laissons pas s’emparer de nos esprits. Rappel : La grande illusion, figures de la fascisation en cours peut être lu gratuitement en ligne.