Amour courtois. « Yvain ou le Chevalier au lion »

yvain

image trouvée sur Le chevalier courtois, où l’on peut aussi écouter un beau chant médiéval

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Découvrant que le programme de l’agrégation de Lettres modernes de l’année prochaine (2018) compte cette oeuvre au programme, je republie cette note.

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Mon commentaire (ancien) sur les vers 1974 à 2038 d’Yvain le chevalier au lion, de Chrétien de Troyes

Après avoir caché Yvain et convaincu sa dame de l’épouser, Lunette l’a conduit auprès de Laudine. Première entrevue délicate, au cours de laquelle le meurtrier du chevalier de la fontaine et sa veuve doivent poser les bases de leur entente. Leur accord intervient à l’issue d’une conversation menée en trois étapes, correspondant aux exigences de l’amour courtois. En guidant Yvain sur la voie de réponses qu’elle connaît déjà, Laudine participe activement à leur réconciliation. Celle-ci s’articule sur un échange : si Yvain a « mesfait » par son meurtre, Laudine a « forfet » par sa beauté ; en l’exprimant, l’un et l’autre cherchent à élaborer un rapport équilibré.

Ce premier dialogue entre Yvain et Laudine obéit à une construction savante, destinée à honorer les lois de l’amour courtois. Les trois moments de leur discours s’enchaînent en une progression harmonieuse. Après s’être remis entre les mains de Laudine, Yvain se fait pardonner son crime ; puis il déclare son amour et, s’engageant à défendre la fontaine, reçoit l’accord de la dame.

Mes sire Yvains maintenant joint ses mains,

si s’est a genolz mis.

Par cette attitude, Yvain exprime le dévouement du vassal à son suzerain, et un sentiment presque religieux de dévotion à sa dame. Avant d’avoir prononcé une parole, il détermine par ce geste le sens de leur rapport, les règles de leur conversation, et sa finalité. Ses premiers mots vont venir confirmer sa position. Il s’en remet à Laudine au point de ne pas même lui demander grâce : je ne vos querrai merci. Devançant sa volonté, il la remercie du sort qu’elle lui réserve, quel qu’il soit. À ce point du discours, sa parole tient lieu d’acte. Ayant consenti verbalement à mourir pour réparer ses torts, il s’en trouve acquitté : si soiez de l’amande quites.

Pour que son pardon soit entier, il faut encore que Laudine reconnaisse la légitimité de l’acte d’Yvain, qui bien esgarde droit, et l’inutilité d’un châtiment : rien ne me vaudroit/qant fet ocirre vos avroie. En insistant sur sa victoire, Laudine rappelle aussi (en la sous-entendant) la supériorité d’Yvain : par sa force et son courage, il est digne d’être aimé. L’admiration réciproque est l’une des conditions essentielles de l’amour courtois.

Une autre de ses lois est la discrétion. Aussi Yvain aura-t-il bien du mal à composer entre cette réserve de rigueur et la nécessité ici absolue de déclarer nettement son amour. Pour cela, il a d’abord recours à la métaphore classique de l’amour entré dans le cœur par les yeux. Ayant révélé prudemment son amour et l’objet de son amour, Yvain finit par se dévoiler totalement en une très belle période, rythmée par le rappel des an tel… en tel en début de vers et fermée sur cette chute majestueuse : que por vos vuel morir ou vivre.

Significative aussi : dès lors il ne lui reste plus qu’à s’engager à défendre la fontaine pour finir de convaincre Laudine. Selon l’esprit courtois, la bravoure et la soumission du chevalier trouvent leur récompense – et leur origine mystérieuse – dans l’amitié de la dame.

Tout au long de leur dialogue, Yvain semble travailler à convaincre Laudine : c’est lui qui, devançant son désir, s’en remet à elle : lui qui, par un artifice de rhétorique, lui fait admettre sa non-culpabilité ; lui qui, enfin, déclare son amour et se met à son service. Pourtant, le rôle de Laudine est primordial : en lui posant des questions pour le relancer, le forcer à aller plus loin, elle l’aide à s’exprimer, le guide dans le sens que la loi exige pour aboutir à un accord. Dès le début, elle connaît l’issue de leur conversation. Elle s’est d’ailleurs joué seule la scène de la réconciliation, trois nuits auparavant. Tout en menant le dialogue vers un but déterminé, elle doit sembler se laisser convaincre ; paraître maîtresse de la situation parce qu’en dernier ressort détentrice du pardon ou du châtiment, alors qu’elle a déjà adopté la seule solution possible.

L’ambiguïté de son jeu permet de ménager l’honneur de chacun d’eux (elle n’a pas l’air de céder sans raisons, lui a l’occasion de se disculper et tous deux celle de montrer la noblesse de leurs sentiments), et surtout de laisser s’exprimer par leur bouche les règles de la courtoisie, qui ont ici un effet cathartique. On a déjà vu comment Yvain, par la seule affirmation de sa détermination à mourir, a été acquitté de toute peine. Or c’est Laudine elle-même qui, dès sa première phrase, l’a poussé dans cette direction : et se je vos oci ? ; qui, aussitôt après sa réponse, la vostre grant merci, l’a relancé, encouragé à réitérer ses dires : einz mes n’oï tel. Petite formule laissant percer et son admiration, et son envie d’entendre les raisons d’une telle soumission.

Toutes les questions de Laudine (directes, ou déguisées comme ici) sont très fines et orientées. Même lorsqu’elles semblent très franches, voire indignées, ou lorsqu’elles prennent l’apparence de la naïveté. Outre la difficulté à réaliser l’alliance entre l’obligation de réserve d’Yvain et la nécessité conjoncturelle de faire s’exprimer son amour, il semble qu’il y ait dans l’insistance de Laudine une certaine part de coquetterie. Cette série de questions serrées et très précises révèle en tout cas pleinement la confiance de Laudine en Yvain et son acquiescement préalable à ses réponses.

Au terme de leur discussion, Yvain promettra de défendre la fontaine vers toz homes, Laudine acceptera qu’ils soient bien acordé. Cet échange de type classique – l’amitié de la dame contre le service du chevalier – repose ici sur un autre échange, plus implicite. Une sorte d’envers de l’échange, l’aveu de leur faute respective. Yvain a mesfet par les armes, Laudine forfet par sa beauté. De ces crimes inhérents à leur nature, à leur fonction, ni l’un ni l’autre ne sont responsables. Chacun d’eux s’innocente en prononçant (ou en faisant prononcer) leur faute, en faisant apparaître son caractère fatal. L’expression d’une nécessité négative leur permet de déboucher sur une nécessité positive. Car tel doit être le sens commun révélé à l’issue d’une série d’épreuves bien comprise.

Le roman laisse deviner plutôt qu’il ne montre le sens commun et le processus de sa quête. Ici, l’échange d’un méfait contre un forfait, au lieu de se faire de manière explicite, est inscrit dans la trame du texte, partagé exactement en sa moitié (au vers 2016) entre le rappel du crime d’Yvain et l’expression de l’amour provoqué par Laudine. La « faute » de chacun d’eux est pour l’autre à la fois sujet de douleur et sujet d’admiration. Etroitement liées, elles sont complémentaires parce que contenant chacune et la punition et le pardon de l’autre : ayant tué, Yvain va voir Laudine et l’aimer, tandis que sa beauté l’ayant faite aimer, Laudine devra oublier son mari ; Yvain pardonne ses souffrances d’amoureux à celle qu’il a fait pleurer, tandis que Laudine pardonne sa douleur de veuve à celui qui par amour s’engage à la protéger. La fontaine représente ici l’élément unificateur, le « plus » auquel ils sont arrivés par la combinaison d’éléments « moins » par « moins ».

Cette première entrevue de Laudine et Yvain résume le fonctionnement de l’amour courtois. Tout en obéissant aux lois du genre, Chrétien n’en est pas moins un créateur doué d’une fine psychologie et d’un regard plein d’humour sur le comportement de ses personnages, qu’il nous rend ainsi plus proches. Si l’on peut sourire de la timidité d’Yvain et de la coquetterie de Laudine, on ne peut oublier la recherche, constamment inscrite dans leur dialogue, d’un équilibre à trouver au profit de l’amour et du bien commun. Cette haute idée des rapports amoureux, érigés en véritable science, basés sur l’admiration réciproque, illustre la quête de l’idéal de toute une communauté.

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Voyage en RER

Cette année j’ai tenté à la fois l’agreg et le Capes. Le Capes, c’était hier et aujourd’hui. Dès que le RER sort de terre, je regarde la banlieue défiler, émerveillée par la vision de la vie quotidienne, comme si je faisais un beau voyage, et c’est vrai, c’en est un. Ce matin j’ai même vu un lapin, dans un espace herbeux. À la sortie Parc des Expositions Villepinte j’ai photographié le mur de la station avec son bonhomme et ses lettres, puis le Parc bien conçu où nous avons planché, deux fois six heures durant. J’aime bien passer ces concours, et le programme de l’agrégation est chaque fois si beau que je souhaiterais presque d’avoir à la retenter l’année prochaine !

rer parc des expositions-min parc des expositions-min villepinte-mince matin à Villepinte, photos Alina Reyes

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Écritures-peintures de Jean Cortot

Jean Cortot peintre, notamment, des écritures des écrivains

jean cortot journal anais nin-minAnaïs Nin

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jean cortot une lecture de dante-min Dante

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jean cortot pour saluer jean giono-minJean Giono

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jean cortot placard apollinaire-minApollinaire

et beaucoup d’autres

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« Comme beaucoup de peintres de sa génération, Jean Cortot est influencé par des recherches entreprises avant-guerre, de l’automatisme surréaliste qui a influencé la peinture gestuelle aux papiers collés cubistes semés de mots, en passant par les tableaux-poèmes de Paul Klee. »

« Peintre avant tout, il utilise les mots comme une matière, un élément plastique, et non comme le support d’une théorie. La modernité de sa démarche réside notamment dans l’utilisation d’éléments préexistants – les textes. »

« Jean Cortot réduit le langage à son élément de base avec les Onomagrammes et les Poèmes épars. Mais pour lui, la signification des mots est aussi primordiale : peignant les vagabondages de l’esprit, il choisit des textes évocateurs d’images poétiques fortes. Les Écritures peintes sont également porteuses de sens non intellectuels, résidant dans un tracé personnel. La peinture de Jean Cortot laisse une part à l’accidentel, sans qu’il soit produit volontairement ; elle implique toujours une certaine composition préalable. Contrairement à l’œuvre d’autres peintres, le texte et l’image ne sont pas produits simultanément, de manière totalement spontanée. Le rythme de son tracé est celui d’une écriture naturelle. Associant les conventions abstraites de notation et le geste concret de l’artiste, les écritures peintes sont le moyen de matérialisation d’une pensée et de projection d’une vie intérieure. »

« La polyphonie des tableaux de Cortot montre une tentative pour saisir le flux d’une conscience qui rassemble des éléments divers : « suivre un cheminement tel que le paysage change, tandis que l’eau qui s’écoule est la même » est le vœu qu’il souhaite réaliser au fil de ses toiles. En déambulant dans les œuvres des poètes qu’il s’est choisis pour contemporains, Jean Cortot peint la pensée comme un paysage. »

Extraits du résumé de la thèse d’Hortense Longequeue sur Jean Cortot

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Cahier

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dessins et collages réalisés dans le cahier où s’écrit l’un de mes prochains livres en écoutant des conférences :

en cours d’écoute Gaëtan Picon (1915-1976) : Esthétique et Culture

et hier soir et cette nuit

sur le storytelling Christian Salmon « politique de la littérature »

François Hartog – « Temps de l’histoire, temps de la littérature »

« Arts, littérature et sciences sociales » – Théories et approches formelles en littérature

Tiphaine Samoyault, « Autour de Pascal Quignard », qui répète une pensée toute faite et fausse, selon laquelle la chute de cheval, comme celle de Paul, serait à l’origine d’une conversion ou d’une renaissance, et à qui j’ai laissé ce commentaire :

Ce qui est très intéressant aussi, c’est que la réalité de la chute de Paul est contraire à l’interprétation qui en est faite par certain story-telling trompeur. Pas question de cheval dans le récit que Paul fait de sa chute, et sa conversion ou sa renaissance n’est pas la conséquence de sa chute. C’est sa conversion-illumination qui est la cause de sa chute. Une bonne chute, et non une chute au sens de péché. Interpellé par la Vérité, il tombe. Il tombe parce qu’il a vu et entendu (alors que d’autres à côté de lui ne voient ni n’entendent rien). La vision de la vérité est première, précède le et la « tombe » dont il se relève. Je dirais : il tombe la chemise. Ce que peu savent faire, en fait.

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Saleté de storytelling, qui infecte la politique, la littérature, la pensée, l’histoire, la science, avec ses productions faussaires comme le roman de Haenel sur Karski ou hier soir sur Arte la diffusion d’un docu-fiction raciste visant à faire croire que l’homme de Néandertal, qui vivait en Europe quand l’homme moderne est arrivé d’Afrique, était en fait supérieur à ce dernier. Notamment en faussant les résultats de la science pour lui attribuer Lascaux et le présenter comme l’enfant de l’homme moderne africain, donc un progrès par rapport à lui. Une entreprise sournoise, aussi basse que le « newspeak » d’Orwell, que je traduis par « newdire » car il ne s’agit pas seulement de changer le vocabulaire (novlangue) mais de faire mentir un discours, en l’occurrence scientifique. Mensonge et racisme sournois, comme avec Goebbels le mal fait dans les esprits, en ces temps où le néofascisme reprend du poil de la bête, a beau se dédouaner en se justifiant faussement par la fiction, il est fait et refait.

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Raoul Hausmann, artiste, inventeur, écrivain, peintre, photographe, plasticien, danseur… bref, poète

raoul hausmann par august sanderRaoul Hausmann par August Sander

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raoul hausmann le_phoneme_jef_golyscheff-min (1)Raoul Hausmann : Le Phoneme Jef Golyscheff (in OU 38/39)

ses phonèmes en lettres, en images, et ses phonèmes en sons :

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raoul-hausmann-nu-28,-ile-de-sylt-(vera-broïdo)une de ses photos : Nu 28, Ile de Sylt (Vera Broïdo), 1931

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son film L’homme qui a peur des bombes, interprété par lui-même :


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et enfin, Dada à l’école des Chartes, avec cette excellente conférence d’Annabelle Ténèze sur les traces de Raoul Hausmann, où l’on voit nombre de ses autres oeuvres :


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