Smells like Teen Spirit

Un arrangement assez fascinant de ce morceau dont j’ai déjà posté d’autres interprétations ici. Teen spirit for ever ! Soyons heureux si nous ne faisons pas les choses comme les font les gens qui appartiennent au monde. Nous ne lui appartenons pas, ni à qui ou quoi que ce soit d’autre. Nous sommes en vie, nous sommes libre, ça chante, ça crie, ça déchire, ça danse !

Finalement je n’avais pas perdu mon travail, hier. Je l’ai retrouvé. Et j’ai continué. C’est une symphonie.

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Faillite de l’Éducation nationale

vu du Transilien, avant-hier en allant au rectorat, photo Alina Reyes

vu du Transilien, avant-hier en allant au rectorat, photo Alina Reyes

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Le problème n’est pas la suppression du bac ou la sélection à l’entrée de l’université. Le problème est de savoir comment des élèves sont parvenus, comme les miens, en Seconde générale ou en Première technologique, en croyant dur comme fer que Molière est un auteur de romans (ils sont nombreux à le croire, et vous avez beau les détromper, ils continuent à le dire, ne comprenant absolument pas la différence entre roman et théâtre, vous expliquant que puisqu’il a fait des livres, c’est un romancier), ou que Molière est un auteur qui a vécu « il y a quelques années » (écrit très sérieusement dans un commentaire de texte), ou encore « au Moyen Âge », etc. Je ne vais pas recenser ici des perles, je n’aime pas du tout ce principe, je donne seulement un ou deux exemples pour faire comprendre l’ampleur du problème – en orthographe aussi c’est la catastrophe : qu’a compris de sa langue un élève qui écrit « ne ceresse que » ? Comment se fait-il que certains lycéens, y compris comme je l’ai observé en Seconde générale ou bien l’année où ils doivent passer le bac de français, sachent à peine lire et écrire, soient incapables de lire un texte de plus d’une page, et même parfois comprennent tout le contraire de ce que dit un texte d’une page écrit dans une langue simple ?

Le problème est que la sélection à l’entrée de l’université arrive là comme un pansement sur une jambe de bois. Puisqu’on a été incapable de donner une base correcte, une instruction moyenne, à tous les élèves, le diplôme obtenu aux alentours de 90% ne signifie plus rien et l’impossibilité de suivre un enseignement supérieur doit être sanctionnée par une autre sélection. Le problème est d’empirer le problème en le cachant sous le tapis, au lieu de s’atteler à le traiter, et à éduquer chaque enfant comme il mérite de l’être, comme la société doit le faire si elle ne veut pas régresser et sombrer.

Durant ma courte mais intense vie de prof, je me suis engagée corps et âme pour, tout en suivant les programmes, commencer à apprendre aux élèves ce qu’on ne leur apprend pas : à réfléchir par eux-mêmes. Leur apprendre à réfléchir, c’est leur donner les moyens de comprendre et de progresser. Mais j’ai pu constater au lycée comme à l’Espé, l’institution qui forme les profs, que ce principe en est complètement absent : l’intelligence des profs est elle-même bridée, voire sanctionnée. L’Éducation nationale est un univers concentrationnaire de la pensée. En tout cas pour ce qui est de la littérature, on l’y assassine. Tout est rangé en cases, rien n’a de sens. Malheureusement, la preuve en est faite tous les jours, tant sur le terrain que dans les études qui pointent la dégringolade des résultats de l’école française par rapport à celle des autres pays.

C’est pour avoir fait ce constat et pour avoir lutté contre les mauvaises pratiques et pour une autre vision de l’enseignement que j’ai été sanctionnée, tant dans mon lycée qu’à l’Espé où je me suis opposée à l’infantilisation qu’on voulait m’imposer, nous imposer – par les voies hypocrites et sournoises de petites vexations, abus de pouvoir, refus de dialogue… C’est ainsi que, faute de pouvoir me répondre sur le fond, des tutrices, des collègues ou le proviseur ont établi des rapports mensongers sur mon compte, afin de me faire passer, auprès de la hiérarchie comme parfois auprès des élèves, pour une enseignante qui ne faisait pas son travail. Sans me décourager, j’ai demandé un entretien à l’académie afin de pouvoir rétablir quelques faits dans leur vérité et surtout m’expliquer sur ma façon d’enseigner. Me disant parfois que si les tuteurs et autres responsables auxquels j’avais eu affaire jusqu’à présent n’étaient pas bien malins, c’est qu’ils avaient justement été choisis pour cela, pour leur conformisme, leur absence de pensée, qui les rendait dociles à l’administration ; mais qu’au sommet il se trouvait peut-être tout de même des gens un peu plus intelligents. J’ai pu constater qu’il n’en était rien ; non seulement j’ai dû endurer leurs incessants reproches et leurs sermons en langue de béton, mais à aucun moment je n’ai pu m’expliquer sur ma pédagogie. Ils ne veulent rien en savoir. Celle qui sort du rang doit être condamnée, c’est tout.

Comment ces personnes peuvent-elles être à ce point fermées et soutenir une institution tellement en faillite ? Il faut peut-être relire Le Conformiste d’Alberto Moravia, ou simplement se souvenir de l’attitude de l’administration française, de la fonction publique, sous l’Occupation. Banalité du mal, comme dit Arendt. Les racines du mal sont toujours vivaces, et prêtes à injecter leur poison dans toute une société.

Instruisons nos enfants, tous nos enfants. En leur apprenant à penser. À être libres.

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Une chevrolet, une météorite, deux canards

chevrolet météoritée

bolide*

J’adore les voitures stylées, et j’adore conduire sur les routes et les chemins, les sentiers stylés. Cette Chevrolet me rappelle la Chrysler Le Baron, décapotable dans laquelle O et moi avons fait un road trip à travers les États-Unis, du nord au sud, d’est en ouest, d’ouest en est et du sud au nord. Mais cette voiture-ci a fait la rencontre, à l’arrêt, d’un bolide plus rapide qu’elle, et qui lui a fait traverser l’Atlantique. Les voies du ciel…

Fatiguée comme je le suis, j’ai travaillé pourtant à merveille plusieurs heures durant à ma merveilleuse thèse. Fatiguée comme je le suis, j’ai travaillé sur clé usb, j’ai retiré la clé de l’ordi sans précautions et j’ai perdu tout le travail effectué pendant toutes ces heures (et depuis le mois de novembre). Bon, c’est ainsi, je recommencerai, encore mieux.

La vie est si belle.

 

canardscet après-midi au jardin des Plantes, photos Alina Reyes

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Face à l’Inquisition : ça a chauffé

le terrifiant dino,« Le terrifiant dino » (de béton) du jardin des Plantes, photo coloriée Alina Reyes

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Un grand inquisiteur et deux grands prêtres – je devrais peut-être dire plutôt trois minipapes – de l’Académie me faisaient face, rangés comme les Dalton. Le grand sec, avec une régularité de bétonneuse tournant sur elle-même, a débité sa langue de béton et ses menaces, régulièrement tout au long de l’heure, suivi des deux autres, tâchant eux aussi de protéger l’Éducation nationale comme si je la mettais en danger de mort. Comme je leur tenais tête, et fort vigoureusement ma foi, le béton qui coulait du grand Dalton a fini par tomber tout effrité : « Je ne pensais pas que c’était à ce point… votre comportement… » « Eh bien, qu’a-t-il donc, mon comportement ? » lui ai-je dit. Mais aucun dialogue n’était possible, ils ne savaient que me resservir, tour à tour, le plat froid de leur discours tout fait, que je refusais de manger. À la fin, déjà debout, je leur ai dit tranquillement qu’il était dommage qu’ils ne soient pas plus ouverts à la discussion. Le grand inquisiteur m’a répondu par une énième menace d’action juridique, ajoutant : « Nous attendons que vous vous comportiez en fonctionnaire responsable et éthique. » « Faites-le donc vous-même, lui ai-je dit, au lieu de menacer ainsi les gens. Vos menaces ne m’impressionnent pas. »

Je suggère à l’Éducation nationale d’interdire aux écrivains l’accès aux concours de l’enseignement. Il y en a de plus dociles ou de moins turbulents que moi, mais c’est quand même risqué. Car le grand souci de ses curés s’est révélé être ce blog. Certes j’ai ma liberté d’expression MAIS. Mais je n’ai paraît-il pas le droit de dénigrer la fonction publique. Ne parlai-je pas il y a quelques jours de totalitarisme ? Bien entendu il s’agit d’intimidation, il reste quand même en France quelque chance de tomber sur des tribunaux qui ont le sens de la démocratie. N’empêche, cette séance d’intimidation hallucinante valait le détour. Il faut le vivre pour savoir ce qu’il en est, du fonctionnement de ces gens. Et comme tout le monde ne peut pas le vivre, je le partage volontiers.

Le clou fut, dans les dernières minutes, le moment où ils me reprochèrent d’avoir signé la feuille de présence hier à l’Espé du mot « Adieu ». HAHAHA ! Hier je n’y étais pas, et j’envoie des bisous à la plaisantine ou au plaisantin qui par cet acte s’est rendu.e complice de mes affreux blasphèmes envers nos bons maîtres.

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Refaire le monde en paix à Notre-Dame-des-Landes (et écouter un paysan du Larzac)

© AFP / LOIC VENANCE

© AFP / LOIC VENANCE

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Le projet d’aéroport est donc abandonné. Bonne nouvelle. Maintenant, qu’on n’aille pas chercher la guerre civile dans ce bocage en y débarquant les troupes contre la population. Mieux vaut refaire le monde dans les ZAD, effectivement et pacifiquement, que dans les cafés du commerce, vainement.

Il y a une leçon à tirer de ce qui se passa au Larzac, où Mitterrand eut l’intelligence politique de ne pas provoquer l’affrontement, et de laisser le temps faire sur ces terres son œuvre fructueuse. En ces temps de si grand danger pour l’écologie de la planète, le témoignage de Léon Maillé, entre autres, est à méditer. Le voici :

« Si après avoir, en 1981, annulé l’extension du camp militaire du Larzac, le président Mitterrand avait expulsé les squatters, le laboratoire rural extraordinaire imaginé par les jeunes illégalement installés sur le plateau n’aurait jamais existé.
Ainsi, fait unique en France, l’admirable gestion collective, depuis 30 ans, des 6 300 ha appartenant à l’Etat et des 1 200 ha aux GFA militants n’aurait, elle non plus, jamais existé. Cela a permis l’éclosion d’une agriculture paysanne très diversifiée que nous les anciens, engoncés dans la mono-production roquefort, n’aurions jamais imaginée, encore moins osée. Transformation à la ferme, vente directe de fromage de brebis et chèvre, de viande d’animaux de plein air (bœuf, agneau, cochon…), très souvent en bio, auxquels il faut ajouter miel, artisanats divers, dresseur de chiens de berger, chèvres angora, et même fabrication de bière et d’apéritifs, etc.
En fait, chaque maison ou ferme vide dans les années 1970 est maintenant vivante. Ainsi, par endroit, on a doublé la population agricole et, pour mieux écouler ces produits fermiers, voilà 30 ans a été inventé ici le concept de marché à la ferme, largement repris ailleurs.
C’est le résultat du brassage d’idées provoqué par l’arrivée de tous ces jeunes de l’extérieur qui a été le levain de la revitalisation du causse. Ainsi, le prototype du premier rotolactor pour brebis a été inventé par… un natif du Pas-de-Calais, et le créateur de la magnifique coopérative des Bergers du Larzac (34 producteurs et 35 salariés) est venu de Nanterre reprendre une ferme vendue à l’armée. Du coup, ici on innove : ainsi plusieurs hameaux sont chauffés par un réseau de chaleur à la plaquette forestière locale, les toits des fermes hébergent des panneaux photovoltaïques, et depuis peu une Toile du Larzac (copiée sur une initiative de la Manche) amène Internet à haut débit via un collectif d’habitants.
N’oublions pas non plus ces débats de société engendrés sur le plateau, comme les combats contre la malbouffe, les OGM, la mondialisation libérale, les gaz de schiste, etc.
Ce tumulte local répercuté par les médias a été bénéfique à toute la région, au tourisme et à la vente des produits locaux. Lorsqu’on entend aujourd’hui des décideurs s’abriter derrière le droit pour justifier des expulsions à Notre-Dame-des-Landes, il faut leur rappeler que le droit n’est qu’une règle du moment, qui peut être modifiée, voire inversée. Exemple : l’arrachage des OGM était interdit (Bové a fait de la prison pour cela), maintenant ce sont les OGM qui sont interdits dans les champs, et c’est même l’Etat qui en a fait arracher !
Quant à notre « bergerie cathédrale » de La Blaquière, elle a été construite sans permis par des bénévoles, et financée en partie par le refus de l’impôt. Mais au final elle a quand même été inaugurée par un ministre de la République : Michel Rocard. En fait, c’est la légitimité qui devrait toujours l’emporter sur la légalité ; l’oublier, comme à ND-des-Landes, c’est aller à contresens de l’histoire. Et combien d’hommes politiques (De Gaulle, Mandela, Havel, etc.), après avoir enfreint la loi, sont un jour devenus président de leur pays.
Bref, heureusement que François Mitterrand n’avait pas eu l’idée saugrenue d’expulser les occupants d’alors… »
Léon Maillé
paysan retraité

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