Changement d’heure : winter is coming (for the pigs)

 

Ce n’est plus seulement la honte qui change de camp, c’est aussi la trouille. Le déluge des témoignages de femmes se poursuit, les révélations pleuvent. Celle qui concerne Tariq Ramadan est aussi emblématique que celle de la pédophilie dans l’Église. Sans doute certain.e.s savaient, mais entre certain.e.s et tout le monde, il y a une sacrée différence. J’avais dit à ce monsieur, il y a quelques années sur facebook, qu’il avait grand tort de se faire idolâtrer – tous mes commentaires étaient supprimés. Qu’il relise le Coran, s’il sait un peu lire, il comprendra ce qui lui arrive. Et que ses idolâtres réfléchissent à leur idolâtrie. Je leur ai bien dit, aussi, qu’il fallait comprendre la religion autrement qu’à la lettre, et que le porc interdit, c’était avant tout le porc intérieur.

On s’en prend plus violemment aux religieux et c’est normal, car leur crime est double puisqu’ils se posent en autorités morales, voire en représentants de Dieu. Mais il y a des gourous malfaisants dans toutes sortes de domaines, et certains que les bien-pensants ne songeraient pas à attaquer.  Des politiques, des  journalistes, des écrivains, des artistes, autres sortes d’autorités morales, de gens qui se font souvent plus ou moins idolâtrer, et qui comptent des abuseurs, des violents, des sadiques – que leurs violences ou leurs crimes s’expriment physiquement ou plus sournoisement, en solo ou en groupe. La révélation viendra pour chacun à son heure. Et ils auront pour cachot la honte, longtemps encore après leur mort.

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Heureusement il y a les Académiciens

à la Butte aux Cailles, photo Alina Reyes

à la Butte aux Cailles, photo Alina Reyes

L’actualité n’est pas gaie, entre la situation internationale, le crime génocidaire contre les Rohingyas qui se poursuit, le malaise grandissant de l’Europe, et ici en France l’anniversaire de l’assassinat de Rémi Fraisse par la police française, l’addiction de Macron aux insultes aux pauvres – maintenant aux Guyanais sur lesquels il lâche son mépris de père Noël des riches… Mais au moins nous avons des clowns en habit vert pour nous faire rire un peu, un instant. « À l’unanimité de ses membres » flapis, dans la séance d’hier, l’Académie a déclaré solennellement que « la langue française se trouve désormais en péril mortel ». On pourrait croire qu’ils nous rejouent la querelle des Anciens et des Modernes, mais alors avec que des anciens, et qui n’ont d’antique que la carcasse. Laquelle est bel et bien en péril mortel. Allons les ronchons, cessez donc de prendre ce qui vous guette et ne vous loupera pas en effet, votre proche destin, pour celui de la langue française, qui en a vu bien d’autres et vous enterrera tou.te.s.

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Fourest s’égare dans la porcherie

mon "Alpha et Oméga"

mon « Alpha et Oméga »

Toute révolution déclenche sa contre-révolution, y compris au sein des révolutionnaires. Soudain la peur que les choses changent vraiment. Comme dirait l’autre, restons prudents, faisons semblant que ça change, pour que surtout rien ne change. Sans le vieux système qui a permis de réussir, comme on dit, à Caroline Fourest, que devient-elle ? C’est sans doute une question qui la perturbe, au fond, mais qui voit le fond des choses ?

Voilà que cette féministe en vue signe un édito dans Marianne pour dire que « depuis la nuit des temps, les femmes se sentent sales, fragiles et en danger ». Ben mon cochon ! En voilà du rot qui sent sa remontée de Beauvoir, vieille jeune fille rangée qui continue à nuire avec son épouvante du corps des femmes, sa haine plus forte que celle d’un curé du corps des femmes. Les femmes prennent la parole ? Il faut qu’on la leur salisse avec des esthétiques à la « ni putes ni soumises », à la Femen barbouillée, à la Fourest rappelant les femmes à leur prétendu sentiment de saleté « depuis la nuit des temps ». Et bien sûr ça bénéficie de la couverture (pesons le mot) médiatique. Salissons, rabaissons, fragilisons, au prétexte de libérer !

Cesse de dire, comme certains hommes, « les femmes », Fourest. Je ne suis pas de ces femmes dont tu parles, nous sommes très nombreuses à ne pas en être, l’Histoire est pleine de femmes qui ne se sont jamais senties ni sales, ni fragiles, ni en danger (sauf, comme tout le monde, quand il y avait un réel danger). Nous ne sommes pas des poules mouillées, des masos souillées, des poupées en sucre, et nous ne nous sentons pas telles. Je suis libre, debout, propre, sereine, forte, sans peur et sans reproche. Prends-en de la graine, c’est gratuit.

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Révolution

devant le jardin des Plantes, photo Alina Reyes

devant le jardin des Plantes, photo Alina Reyes

Le monde est en train de changer, sous les yeux effarés des vieux singes dominants, c’est-à-dire télévisuels : les Brückner, Enthoven, Finkielkraut, BHL etc., et dans l’inquiétude de quelques-unes de leurs moitiés de l’autre sexe, Deneuve et autres, habituées à courber plus ou moins l’échine leur vie durant devant les mâles détenteurs du pognon et de l’influence, et craignant de découvrir cette face soumise d’elles-mêmes, femmes qui se croyaient libres, au miroir d’une génération décidée à ne plus accepter du tout ce qu’elles ont enduré en silence parce qu’elles étaient femelles. Écriture inclusive, hashtag balancetonporc, pétitions contre la célébration d’artistes violeurs d’enfants ou assassins de femmes… Ces messieurs sont en train de perdre leur domination et leur impunité et cela les terrifie, car que sont-ils, sans cette impunité qui leur a permis de se hisser en marchant sur leurs victimes accumulées ? Si peu de chose, contrairement à ceux qui font leur vie sans chercher à piétiner quiconque. La décolonisation est en route, et qu’ils nous sachent gré de la mener si pacifiquement, sans comme eux verser le sang, avec des mots, avec notre intelligence et notre liberté seulement. Et que les cochons, les singes et autres animaux nous pardonnent l’insulte qui leur est faite en appelant certains hommes de leur nom – mais les animaux s’en moquent, car leur nom n’est leur nom que pour nous. Le monde est en train de changer, il change d’en bas comme toujours, de là où est la vraie puissance, celle de la vérité nue, toujours fière contrairement à ceux qu’elle défroque.

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#balancetonporc : j’approuve et je participe avec un porc « littéraire »

Très salutaire avalanche de témoignages des femmes. Comme le disent certaines, la honte change de camp. Alors je balance mon porc, moi aussi. Bien entendu chaque femme en a rencontré plusieurs sur son chemin, surtout dans les milieux bourgeois, qui fonctionnent sur l’interdomination des hommes et où les manifestations de domination sur les femmes sont bien souvent une compensation à leur soumission entre hommes, domination et soumission cohabitant toujours. Des porcs qui se sont ainsi révélés porcs sur mon chemin, je choisis d’en mentionner un représentatif d’un milieu dont on parle peu : l’édition, le milieu littéraire. J’ai déjà mentionné cette histoire plusieurs fois ici ou là, mais je ne suis pas sûre d’avoir donné le nom de la personne. Cette fois je vais donc le faire.

Je venais de publier mon premier roman, qui avait obtenu un grand succès. Je suis invitée, entre autres, à une manifestation littéraire sur une semaine à Bourg-en-Bresse. J’y vais, je me retrouve dans un même hôtel avec le rédacteur en chef d’alors du Magazine Littéraire, une jeune journaliste, et le fameux académicien du Goncourt, l’auteur célèbre et célébré Robert Sabatier. Le rédac’chef, sympathique mais très repoussant physiquement, fumant trois paquets de Gitane par jour, vieux, cuit et laid, couche avec la jeune journaliste – et je me demande comment elle fait pour se plier à ce qui à mes yeux ne peut être qu’un échange de sexe contre possibilité de travailler. Robert Sabatier, lui, me propose avec insistance de venir dans sa chambre où il me dira des poèmes. Il a trente-trois ans de plus que moi, sa proposition me fait éclater de rire. Mieux vaut en rire qu’en pleurer, n’est-ce pas, même si finalement je ne trouve pas ça drôle du tout. Maintenant, a posteriori, je me demande si cette invitation n’était pas un traquenard monté tout exprès – c’est même probable. Seulement ça n’a pas marché pour le vieux porc distingué, alors il s’est vengé. Quand, un peu plus tard, je l’ai rencontré, ici ou là, il a refusé de me saluer. Ce qui ne serait pas bien grave si tous ces types ne fonctionnaient pas en réseaux, capables de nuire à la carrière de quelqu’un à qui ils auraient décidé de nuire. J’ai vu ailleurs et dans ma propre expérience ce genre de situation se répéter de façon plus complexe avec d’autres porcs, car il y a dans ce milieu des porcs très aptes et très entraînés à faire régner leur porcherie en toute discrétion. La discrétion, c’est la « qualité » qu’ils préfèrent chez une femme, ne voulant que soient révélés ni leurs viols ou abus physiques ni leurs viols ou abus mentaux – beaucoup, sans doute les pires,  n’ayant pas les moyens physiques d’en commettre d’autres que psychiques. Comme je suis aussi peu discrète que possible -voir mes livres- cela m’a beaucoup nui et c’est seulement inadmissible, d’autant que tout le milieu se protège comme l’église dans la pédophilie.

Mon homme, qui est tout à la fois très viril et très séduisant, et qui ne s’est jamais conduit en porc, approuve complètement ces dénonciations de femmes – il m’en a parlé le premier. Mais je vois que les Inrocks s’enfoncent en voulant paraître antisexistes pour se rattraper de leur dernière couverture fangeuse : commentant une vidéo publicitaire de David Lynch, ils l’interprètent comme le fait que les actrices paient leur désir de célébrité par le danger sexuel auquel elles s’exposent. Vous voyez le truc ? Un acteur est un artiste qui travaille, une actrice a un désir de célébrité. Qui, forcément, se paie. La femme n’est pas artiste, ne travaille pas, n’a pas à pouvoir travailler sans se soucier des porcs. Elle est juste un bel objet que les hommes peuvent, ou non, rendre célèbre. Cherchez bien, vous verrez la même logique à l’œuvre dans bien des cas, dans l’édition comme dans le cinéma, la politique, les médias et ailleurs, partout où les rapports d’intersoumission entre hommes garantissent le silence de tous.

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