« Dans les jardins arrosés d’eaux vives » (Coran 14, 23)

La Bible a été traduite de l’hébreu en grec par soixante-douze traducteurs en 270 avant J-C, ce fut la Septante. Au début du Ve siècle, saint Jérôme la traduisit de l’hébreu au latin, ce fut la Vulgate. Au IXe siècle, Cyrille et Méthode la traduisirent en langue slave. Ainsi fut-elle universalisée.

Le Coran est aujourd’hui traduit en de nombreuses langues, mais tout musulman est vivement encouragé à apprendre l’arabe, afin de saisir mieux le sens complexe de la langue, que les traductions ne peuvent rendre. Pour ma part, je suis seulement capable d’en déchiffrer les mots pour aller les chercher dans le dictionnaire, quand je désire un éclaircissement. J’aime les langues et je pourrais apprendre l’arabe, d’autant que l’arabe coranique est splendide. J’y viendrai si Dieu le veut, mais pour le moment il m’importe de continuer à lire le Coran avec ce bagage minuscule, et donc pour l’essentiel en traduction. Parce que pour le moment, il m’intéresse de contribuer à l’universalisation du Coran par son exégèse à partir de la lecture que peuvent en faire des musulmans non spécialistes de la langue coranique, à savoir la plupart des musulmans, et notamment des musulmans de fraîche date. Et aussi des non-musulmans. De même que la Bible, le Coran est un trésor pour toute l’humanité, qui doit être plus universellement connu et compris. Cette perspective de travail est déjà en elle-même un paradis sans fin.

Levons la tente

le fil du temps,

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J’ai essayé pendant des années d’apporter aux catholiques une voix et une voie de renouvellement. Ils en voulaient, mais à condition que je me soumette au clergé. C’était absolument impossible. Je le leur ai répété, ils ont continué à croire qu’avec tous leurs moyens de pression et de manipulation, ils finiraient par me faire céder. Cette croyance absurde était bien l’un des signes de ce que je voyais chez eux, à savoir qu’ils ne connaissent pas Dieu. Le catholicisme a perdu complètement la voie de Dieu. Pour certains elle s’est réduite à un humanisme, pour d’autres à un bazar idolâtrique et superstitieux. Et Rome ne fait que pousser en ce sens, avec la canonisation hâtive de papes comme renforcement du pouvoir du clergé -combien ne prient plus Dieu mais Jean-Paul II ! J’ai fait tout ce que j’ai pu pour leur rendre le sens de Dieu, mais tout ce qu’ils voulaient c’était faire de moi un instrument pour renforcer leur emprise défaillante sur le monde. Et cela avec leurs moyens habituels : le mensonge, l’hypocrisie, les manœuvres souterraines qui furent toujours la marque de l’Église mais prennent aujourd’hui une ampleur inédite, de par les moyens de communication exploités pour la propagande. Comme dans les autres secteurs de l’industrie et de la politique, tout tient sur la publicité, la parole illusionniste.

Je suis du Christ selon l’Évangile, et il est aujourd’hui impossible d’être, en même temps, du Christ selon l’Église. Dieu ne se trouve plus dans cette institution. Je suis entièrement soumise à Dieu, c’est le sens du mot musulman, je suis en ce sens musulmane. Le Prophète Mohammed, alayhi salat wa salam, a rencontré Jésus dans son voyage nocturne ; il lui a alors demandé de diriger la prière, mais Jésus a préféré que Mohammed le fasse, et il l’a faite avec lui. Cela se passait en avant de nous, vers la fin des temps. Et moi qui suis du Christ, Dieu m’a conduite à prier avec les musulmans. Je continue à être là (notamment ici) pour eux, pour les chrétiens et pour tous ceux qui veulent continuer à marcher sur la Voie de vérité. Comme Abraham, nous irons, et notre descendance aussi, où elle, où Dieu, nous conduira.

Manne, Cène, Ramadan

Dans la première sourate révélée au Prophète – paix et bénédiction sur lui -, sourate 96, dite « des Croyants », il est dit que Dieu a créé l’homme d’une adhérence. Tel est le sens du mot alaq, qui signifie par là également l’attachement amoureux, et peut aussi désigner un sang épais, du vin, une nourriture.

En cela nous pouvons voir notamment que le geste du Christ lors de la Cène est profondément sémitique. En donnant son corps et son sang, sous les espèces du pain et du vin, c’est l’amour de Dieu qu’il donne, cet attachement qui est aussi l’adhésion de la foi par laquelle nous avons été créés.

Le Coran dit que Dieu a fait descendre le Coran (20, 113), et avec le même verbe, que Jésus, fils de Marie, a fait descendre une table servie (5, 112). Dieu ne fait-il pas descendre sa parole comme nourriture pour les croyants ? C’est ce que manifeste aussi le jeûne du Ramadan, pendant lequel le croyant est appelé à se nourrir de la lecture du Coran.

La première sourate, Al-alaq, commence par le tout premier mot que l’Ange adressa à Mohammed – paix et bénédiction sur lui – : « Lis ! » Ce qui signifie, pour les lecteurs du Coran : essaie de comprendre ce que tu lis, ne t’arrête jamais de le lire, au sens de l’interpréter, car la compréhension de la parole de Dieu ne s’arrête pas, jusqu’à la fin des temps. Et cette parole qu’il faut lire, c’est Al-alaq, le sang dont nous avons été créés, l’écriture originelle, à la fois dans la langue de l’ADN et dans celle de l’Amour, qui nous donne la vie et chaque jour nous la redonne, comme une nourriture, comme la manne dont il est question dans la Bible (Exode chapitre 16) et dans le Coran (sourate 20, v. 81).

Manne en hébreu signifie : « qu’est-ce que c’est ? » Qu’est-ce donc qui nous tombe du ciel ? Se sont demandé les hommes en découvrant, au matin, « le pain du ciel » descendu pour eux pendant la nuit. De même les hommes auxquels il est dit « Lis ! », par la parole descendue via Mohammed une nuit, se demandent, devant le mystère du Coran : qu’est-ce que cette mystérieuse parole ? « Lis ! » : comme la manne, recueille-la et nourris-t’en. « Lis ! » : ne cesse jamais de t’interroger sur ce qu’elle signifie.

Sagesse orientale, le temps à sa place

L’Orient remet le temps à sa place, celui d’humble serviteur de l’éternité. Ceci est notamment sensible dans le judaïsme, le christianisme orthodoxe et l’islam. Pensons à la prière juive du Kol Nidrei, capable d’annuler les vœux passés, et à sa correspondance dans la notion de teshouva, capable d’effacer le passé et ses fautes. Pensons à l’importance de la Résurrection dans le christianisme orthodoxe, capable de balayer la mort à l’œuvre dans le présent. Pensons au incha’Allah musulman, capable d’annuler nos projections dans le futur.

C’est à la source de ces pensées que nous devons puiser. Pour le reste, traditions et façons de penser dépassées, pour tout ce que le temps effacera d’elles, s’il est encore vivace là où les hommes sont à cause de la peur en situation d’arriération politique ou mentale, il dépérira – comme en Europe – dès qu’ils se libéreront. Il ne sert donc à rien d’essayer de sauver les vieilles structures là où elles peuvent encore l’être : encore est éphémère. Il faut au contraire se retourner et marcher dans la voie de l’éternité, sans avoir peur de laisser devant soi comme derrière soi tout ce qui n’est plus valide et qui, à coup sûr, tombera. Sous les coups sûrs du temps, soldat au service de l’éternité. 

Fête de la naissance du Prophète

À l’occasion du Mawlid, célébré aujourd’hui, je rappelle ce beau texte d’Ali Gomaa sur le Prophète de l’islam (que j’avais traduit de l’anglais alors qu’Ali Gomaa était le Grand mufti d’Égypte).

Voir aussi, sur Saphir News, un bref rappel du débat auquel donne lieu cette célébration.

Et sur Oumma, signé Talha Mahamat Allim, un hommage au Prophète Mohammed.

Que la prière, la bénédiction et la paix soient sur lui, et sur tous les hommes de bonne volonté.

Femme dans la mosquée

Une femme dans la mosquée par Zarqa Nawaz, Office national du film du Canada

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Je ne suis pas allée à la Grande Mosquée de Paris depuis que les femmes doivent y prier à l’entresol. Je ne peux donc parler de cette nouvelle salle de prière. Je peux dire ce qu’il en était avant, avant novembre. Nous y priions alors au fond de l’unique salle de prière, dans un espace séparé par un rideau épais, qui ne nous empêchait pas d’entendre l’imam mais nous empêchait de le voir et de profiter de la vision de l’espace entier de la salle. Du moins entrions-nous par la porte principale et traversions-nous la magnifique mosquée, comme les hommes, pour nous rendre à la prière. Ce qui ne semble plus être le cas. Aux hommes qui prétendent aujourd’hui que peu importe le lieu où l’on prie, il faudrait demander : alors pourquoi l’architecture a-t-elle une si grande importance dans la construction des mosquées ? N’est-ce pas parce qu’elle est justement apte à faire entrer dans la prière ? Et s’il est aussi bon de prier dans un entresol à l’écart de la beauté de la mosquée, ou derrière un rideau ou une barrière, pourquoi ces hommes n’y vont-ils pas eux-mêmes et ne laissent-ils leur place aux femmes ? Ne serait-ce qu’en alternance ?

Je suis un peu étonnée de l’argument de la Grande Mosquée selon lequel l’affluence nécessitait ce déplacement des femmes dans une salle plus grande à l’entresol. Chaque fois que j’y suis allée prier en semaine, il y avait largement la place pour tout le monde. Le vendredi, la mosquée est comble et alors, les femmes comme les hommes prient également dehors dans la cour, les halls et le jardin de la mosquée. Les femmes se disposent derrière, selon la recommandation du Prophète -paix sur lui- et l’usage (qui doit éviter aux hommes la tentation de se laisser distraire par les derrières des femmes), mais il n’y a aucune séparation ; dans certains endroits, par manque de place, hommes et femmes sont tout proches, et tout se passe parfaitement bien.
Une jeune femme avec qui je priais m’a dit un jour qu’elle se faisait importuner dans la rue, à la sortie de la mosquée, par des hommes qui sortaient eux aussi tout juste de la prière, les jours de semaine. Cela lui était évidemment pénible. Il n’est quand même pas logique que ce soient les femmes qui paient de leur mise à l’écart les obsessions puériles de certains hommes. Que les imams leur fassent la leçon ! Et que les parents éduquent leurs filles et leurs garçons au respect de soi et de l’autre.