Forêt profonde

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L’exclusion des auteurs gênants, qu’on aime dénoncer dans les pays étrangers, se passe en France de façon beaucoup plus sournoise et plus efficace. Voici un livre qui a été empêché de rentrée littéraire, qui reste donc d’actualité, toujours à lire et à découvrir. Il y a dix ans, la parution de mon roman Forêt profonde aux éditions du Rocher, parce qu’il contrariait le milieu littéraire, fut occultée par toute la presse parisienne. Il passa tout de même à travers les mailles de ce filet d’exclusion serré dans trois journaux éloignés de ce milieu. Voici des extraits de deux critiques et d’un entretien parus respectivement dans La Marseillaise, Autre Regard, et Grandes écoles magazine.

« Elle fut mondialement connue (…) cette romancière au souffle puissant possède une vraie plume de conteuse, et surtout ne pratique pas la langue de bois. Pour ses fans et son fidèle public, c’est une joie de la retrouver en cette rentrée littéraire 2007 avec son excellent « Forêt profonde », qu’elle publie aux éditions du Rocher, dont on constatera que le catalogue réunit peu ou prou toute la grande famille des auteurs français. (…) une longue analyse, une belle réflexion sur le sens du sacré. Nous verrons comment une crèche en montagne devient un objet d’art, pourquoi l’on se perd parfois dans l’Europe gelée, et on brossera devant nous une foule de personnages iconoclastes, avec ce qu’il convient de compassion et de brutalité langagière. Un roman coup de poing, mystérieux comme une « forêt profonde ».

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« Alina Reyes fait par bribes le récit de sa vie dans un jaillissement, un long cri.(…) On retrouve les thèmes et l’écriture envoûtante et poétique de La chasse amoureuse. On est fasciné par le rythme de ses phrases, le poids des mots : « Je livre mon âme comme on saute dans l’abîme car c’est ma vocation ». (…) abasourdi, le lecteur en sort terrassé. »

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« En quoi ce dernier roman est-il l’aboutissement d’une carrière littéraire exceptionnelle ?

– Quelques mois après l’avoir écrit, je me suis rendue compte, un beau matin, qu’Alina Reyes était morte. Peut-être l’a-t-on un peu tuée. »

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Qu’est-ce que rien ? Déterminations de l’être

 

Comme le pronom indéfini on, qui peut être pronom personnel lorsqu’il est employé à la place de nous, rien est à l’origine un nom : on vient du latin homo, « homme » (en ancien français hom, om ou on, tantôt nom et tantôt pronom), rien vient du latin rem, accusatif de res, « chose, être, affaire, fait » (« chose publique » dans république, faut-il le rappeler à M. Macron qui dans son nihilisme existentialiste – l’être ne serait pas donné, il faudrait y accéder en s’accrochant de toutes ses longues dents à la société – déclarait le 29 juin dernier qu’il y a « des gens qui ont réussi et des gens qui ne sont rien » – qui, donc, ne feraient partie ni de l’humain ni de la république). C’est avec des « ils ne sont rien » qu’on (pronom indéfini) remplit les camps de la mort. Parménide a bien spécifié que ce qui est, est ; et que ce qui n’est pas, n’est pas. Dire « des gens qui ne sont rien », c’est-à-dire « des gens qui ne sont être », « des gens qui sont néant », c’est tout simplement une faute de logique. On ne peut être non-être, on ne peut être néant (du latin populaire negens), littéralement non-gens : on ne peut être à la fois gens et non-gens. Nihilisme et confusion, nuit et brouillard.

Rien peut être un nom (un rien, des riens). Le plus souvent, il est employé comme pronom indéfini (rien ne va plus). Quelle est sa nature dans la négation ? Selon les grammairiens, pronom indéfini ou adverbe. Essayons d’y voir plus clair.

Si nous transformons en affirmative la proposition négative ce n’est rien, nous obtenons c’est quelque chose. Pour il n’est rien : il est quelqu’un. Que rien puisse être remplacé par des pronoms indéfinis indique qu’il est également pronom indéfini dans une telle configuration.

Mais quelque chose et quelqu’un sont-ils toujours de simples pronoms indéfinis quand nous disons c’est quelque chose ou il est quelqu’un ? Ne peuvent-ils avoir une valeur adverbiale, être adverbes comme lorsque, par antiphrase, rien est employé à la place de l’adverbe rudement (« C’est rien bath ici » Queneau) ? Un pronom représente ou remplace un nom. Que fait un adverbe ? Il modifie, précise, détermine le sens du verbe ou du mot (l’adjectif bath dans l’exemple précédent) auquel il s’ajoute. Si nous pouvons remplacer ces pronoms indéfinis par d’importance ou par sans importance, groupes nominaux à valeur adverbiale, (« cela n’est rien » : « cela est sans importance »), ou par les adverbes beaucoup ou peu, n’est pas parce qu’ici ils modifient le verbe, deviennent adverbes ? Avec rien, être ne prend-il pas le sens de compter pour (« n’être rien » : « compter pour rien ») ? N’être rien, dans la philosophie de l’être et du néant où l’être n’est que s’il se fabrique et s’il compte, c’est en fait n’avoir rien, socialement parlant, n’avoir pas de costard pour vous maquiller le manque d’être. Nu, le roi n’est plus roi, mais seulement ce qu’il est : un on, un homme déterminé par la société, dont l’être est mangé par l’indéfini.

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Stupides, forcément stupides

Le « coup de théâtre » dans l’affaire dite du petit Gregory réveille des souvenirs douloureux pour ceux qui comme moi l’ont vécue dans leur jeunesse. Je n’ai jamais oublié l’abominable article demandé à Marguerite Duras par Libération et publié par ce journal. Intitulé « Sublime, forcément sublime », d’après la façon dont l’écrivaine délirante et irresponsable qualifiait la mère de l’enfant, qu’elle accusait d’infanticide sur Gregory. En montant un scénario grotesque et inique sur une prétendue mésentente des parents de l’enfant, alors qu’ils ont toujours été unis.

Cet acte et cette publication réitéraient les mécanismes qui avaient abouti au meurtre, au sacrifice de Gregory. Il y avait fallu une bande de gens plus stupides que des bêtes. La première bande pour tuer l’enfant et harceler ses parents de lettres anonymes. Puis une bande pour diffamer, sans rien savoir de ce qui s’était passé, une femme déjà torturée par la perte de son enfant et la grossièreté, la férocité de l’emballement médiatique autour de cet événement et autour de son couple souffrant.

On n’a pas avancé depuis les vieux récits bibliques de tentation de sacrifice d’enfant (ou de juste). Cette humanité crasseuse est toujours là, toujours prête à réitérer le crime, à céder à ses fantasmes de mort, de meurtre, d’acharnement en groupe sur un individu ou quelques individus isolés, manigances et crimes justifiés par des mensonges plus épais que la cendre caillée, motivés par des jalousies, des pulsions sexuelles inavouées, des hantises, toute une inconscience avide de s’enfoncer toujours plus dans sa masturbation morbide. Une humanité se roulant dans sa stupidité comme le porc dans sa fange – mais le porc est bien moins mauvais.

 

Heidegger philosophe de ceux qui se donnent la mort pour tâche (actualisé)

À méditer en ces temps de terrorisme et de guerres iniques, alors que Mr Obama par douze fois a opposé – heureusement en vain – son veto à une loi autorisant les proches des victimes des attentats du 11-Septembre à poursuivre l’Arabie saoudite devant la justice, parce qu’un tel texte affaiblirait le principe d’immunité qui protège les États (et leurs diplomates) de poursuites judiciaires et risquait, par un effet boomerang, d’exposer les États-Unis à des poursuites devant divers tribunaux à travers le monde (article sur France 24).

Voir aussi mon article sur Heidegger, publié dans The Conversation et republié ici.

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« Deux œuvres du peintre Vincent Van Gogh ont été retrouvées 14 ans après avoir été volées, a annoncé vendredi le Musée Van Gogh d’Amsterdam (Pays-Bas).

Il s’agit des peintures intitulées « Vue sur la mer à Scheveningen » (1882) et « Sortie de l’église réformée de Nuenen » (1884/85).

Les œuvres ont été retrouvées grâce à une vaste enquête menée en Italie par une équipe spécialisée dans la criminalité organisée. » L’article entier ici

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L’odeur de la merde

https://youtu.be/gnBP9xkx2-w

Joséphine Baker, une résistante dans un monde de collabos

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Nahed Hattar, écrivain jordanien, a été assassiné devant le tribunal d’Amman où il était jugé pour blasphème contre l’islam. Les chrétiens modernes sont plus hypocrites : ils éliminent et tuent à petit feu, en coupant parole et vivres à qui ils jugent coupable de blasphème ou d’insoumission.

Inauguration du premier musée afro-américain à Washington. Il faudrait lire l’histoire autrement. L’histoire répétitive et compulsive de l’humanité, c’est que les véritables esclaves (ceux qui sont esclaves de leurs passions) punissent les hommes et les femmes libres en les privant de leurs droits.

Image – répugnante – de samedi dernier résumant l’état du monde actuel : celle de Michelle Obama faisant un câlin à George W. Bush, notre fossoyeur.

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Les vivants et les morts

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Ceux qui par leur politique inique, à l’extérieur ou à l’intérieur, sèment la guerre et réclament la paix sans rétablir la justice ne demandent en fait qu’un armistice de la honte, soumission et collaboration aux forces de la mort.

Églises, mafias, milieux… ces mondes dans le monde, à la fois concurrents et alliés, soumis au pire du monde, ces mondes parallèles où l’humain est proie et le crime fait droit, tendent un miroir au monde ordinaire chaque fois qu’il agit au mépris de la loi ou suit des lois iniques.

Le monde des manipulations et des manigances, si bas, si faux, si lâche, si bête, fait souffrir tout être doté d’un sens de la justesse, et notamment les simples et les génies, par définition animés de ce sens au plus haut point.

Contrairement à ce que prétendent les tenants de l’iniquité, la souffrance n’a aucune vertu. Elle détruit la vie des justes et n’a pas de prise sur les hommes sans justesse, déjà pris par la mort. Refuser de collaborer avec les systèmes iniques, c’est chaque jour contribuer à garder les vivants.

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photos Alina Reyes, hier à Paris : les médias faisant toujours le pied de grue devant la Pitié-Salpêtrière, et un homme sur le toit de sa péniche

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