L’heureux et bienvenu sens des réalités

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Enfin une lueur dans cette crise du coronavirus. Anne Hidalgo, contrairement à Macron, prend des mesures. D’ici un mois, des masques pour tous les habitants de sa ville, des tests ciblés, des hôtels pour la mise en quatorzaine des contaminés. Que d’autres villes, d’autres régions prennent aussi les dispositions que l’État est incapable de prendre ! C’est difficile car Macron dans son délire jupitérien les a privés de beaucoup de moyens, mais il ne semble pas y avoir d’autres voies de salut que de passer outre son pouvoir et régler ce qui doit être réglé selon les endroits, pas tous touchés de la même façon par la pandémie.

J’évoquais l’autre jour l’article de Forbes montrant que bien des cheffes d’État dans le monde (Angela Merkel, Jacinda Ardern, etc.) avaient beaucoup, beaucoup mieux géré la crise que beaucoup de leurs homologues masculins. Il ne s’agit pas d’estimer que les femmes sont meilleures par essence. Nous avons assez d’exemples contraires en France, de certaines femmes politiques aussi nulles ou nuisibles que certains de leurs confrères – et Dieu sait si en macronie la stupidité sert de norme-, pour savoir la fausseté d’une telle théorie. Seulement, là où le patriarcat baisse un peu la garde, là où les gens sont assez éclairés pour élire des femmes, et des femmes qui ne soient pas de ces caricatures créées par le patriarcat ou son déchet l’illusionnisme, eh bien le sens des réalités se retrouve aussi bien chez les responsables politiques que chez les citoyens qui les ont élu·e·s.

Vivement la fin du jacobinisme, de la Ve République et de l’imposture macroniste. Espérons que cela attendra 2022, afin de donner du temps à la préparation de la suite et afin que cela puisse se dérouler au mieux. La vie nous attend, ne la décevons pas.
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ces jours-ci à Paris, photos Alina Reyes

ces jours-ci à Paris, photos Alina Reyes

Lumière et cinéma du jour

« Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat ; son combustible vient d’un arbre béni : un olivier ni oriental ni occidental dont l’huile semble éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut. Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient. » Coran 24-35, verset dit de la Lumière, traduit par Muhammad Hamidullah

Au bout d’un mois ou deux, le milieu de l’édition s’alarme des lourdes conséquences de la pandémie pour les auteurs, les éditeurs, les libraires. Qu’on imagine les conséquences pour un auteur empêché de publier depuis plus de dix ans, après avoir vécu de ses droits d’auteur pendant vingt ans. C’est mon cas, pour avoir, notamment en arrachant son masque à l’un de ses parrains, déplu à ce même « milieu » qui pleure maintenant. J’ai vécu dans la plus grande pauvreté jusqu’à mes 33 ans, au point d’avoir souvent faim malgré mes 43 ou 44 kilos qui ne demandaient pas beaucoup de nourriture ; puis je m’en suis sortie par mon travail mais en refusant de me soumettre au système, raison pour laquelle il a fini par m’éliminer – tant pis pour lui, il a perdu une littérature hors normes et qui pourtant se vendait bien, en France et dans le monde.

À force de postures sur les mains, j’ai un léger cal sur la partie charnue de la paume. Plus d’un mois de confinement, et je vois ce qui m’est le plus vital : non pas d’abord l’intellectuel, mais le physique et le spirituel : ce qui me permet de tenir dans cette privation de sortie ce n’est pas la lecture ni la culture, même si elles y ont leur place, très importante, mais le yoga (ou d’autres gymnastiques) et la méditation ou la contemplation, que je pratique de plus en plus assidûment à mesure que le temps passe. Et je ne dois pas être la seule à ressentir ces priorités : les exercices physiques et les exercices spirituels sont bien ce qui fonde l’humain. Là où ils manquent, manque l’humain. Dans beaucoup de sphères de notre monde, manque l’humain. Voilà ce qui est à corriger, si l’on veut bâtir un monde vivable – affirmation dangereuse parce qu’elle attire tous les charlatans et abuseurs, d’où la nécessité de faire soi-même un vrai travail sur le corps et l’esprit.

béjartMon cinéma du jour sera ce film de Marcel Schüpbach, B comme Béjart. On y suit son travail de création d’un spectacle dansé sur la Lumière, accompagné par Brel, Barbara, le Boléro de Ravel et la Messe en si de Bach, une œuvre que j’adore, ainsi que son Magnificat, que j’ai chanté dans des chœurs, adolescente et plus tard. Béjart était un amoureux de l’islam comme moi, d’où la référence implicite, dans la dernière image du spectacle, au verset coranique de la Lumière ; et peut-être ce B fait-il référence à la première lettre de la Genèse, qu’il cite aussi ? Bereshit, « Au commencement… Dieu dit : que la lumière soit ». Il n’est pas anodin non plus qu’au tout début du film il indique à une danseuse comment faire correctement la posture de la chandelle (posture que je tiens aussi tous les matins pendant plusieurs minutes). « Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe… »
J’ai trouvé le film sur la plateforme du cinéma MK2 mise en place pour présenter des films pendant le confinement, « Trois couleurs ». On ne peut pas le partager et je suppose qu’il ne restera pas en ligne longtemps, c’est donc qu’il faut aller le voir. Un moment plein de joie, de grâce et de beauté.

Journal du jour

mme-terre-au-robin-des-bois,O avait pris cette photo du Robin des Bois, café-restaurant où paraît-il Christophe écrivit Aline, il y a trois ans à Jouy-en-Josas, lors de l’une de ses pérégrinations à vélo avec Madame Terre. En 2013 il m’avait aussi rapporté de son voyage chez les Massaï en Tanzanie un petit film où Salim, vendeur d’épices au marché de Dar es Salam, chantait cette même chanson – preuve qu’elle était connue loin. Quand nous habitions rue Saint-Jacques à Paris, il nous arrivait de croiser de temps en temps Christophe dans la rue, même dandy à la ville qu’à la scène. Sans être vraiment fans de sa musique, nous étions allés un soir avec grand plaisir à l’un de ses concerts, au Bataclan si je me souviens bien (avant l’attentat). Voilà pour mes souvenirs en guise d’hommage à ce chanteur dont on m’a seriné si souvent et si longtemps le refrain, « Et j’ai crié, crié Aline… » depuis mes neuf ans, quand elle est sortie. Bon voyage à lui parmi les anges, ses sœurs et frères en chant !

Il est possible que, après le confinement, Madame Terre reprenne ses escapades. O et moi parlons des changements de vie et de politiques que l’humanité devrait adopter, et aussi de nos prochains voyages, que nous ferons en train plutôt qu’en avion, autant que possible. D’ici là, je lutte contre le poids du confinement par des séances de yoga suivies de séances de méditation. Le résultat est proche de celui de courses en montagne. Le yoga peut être doux mais il peut aussi faire beaucoup transpirer. Dans tous les cas, il fait travailler les muscles profonds, fait travailler excellemment le souffle, travaille aussi sur les organes, la circulation lymphatique, la circulation sanguine. Il irrigue le cerveau, confère équilibre, force et souplesse. Il nettoie. Physiologiquement et psychiquement. Les séances de méditation complètent son œuvre, mais le yoga est en lui-même une méditation. Le yoga fut une méditation à l’origine et il le reste. Il a été aussi une discipline de guerriers et il garde ses vertus pour le combat, surtout physiologique et psychique. Je sens mon cerveau allégé, plein d’espace et de lumière, plein de paix.

Coronavirus : la déshumanité en marche (empêtrée)

Toute une classe sociale, et dans celle-ci plus particulièrement une classe d’âge – disons les bourgeois boomers, appelons-les les bourboomers – manifeste des signes d’impatience de reprendre et reconstruire le monde tel qu’il était avant que la pandémie ne l’interrompe. Sans doute leur esprit est-il doublement figé, par leur attachement à leurs privilèges et par leur vieillissement. Mais c’est aussi leur habitude de piétiner « ceux qui ne sont rien » qui s’irrite de les voir mis au premier plan par la crise : travailleurs modestes et majorité de femmes – soignantes, caissières… mais aussi cheffes de gouvernement, qui ont beaucoup, beaucoup mieux géré la crise que nombre de leurs homologues masculins dans le monde, comme le montre un article de Forbes mentionnant Angela Merkel en Allemagne, Jacinda Ardern en Nouvelle-Zélande, Katrín Jakobsdóttir en Islande, Erna Solberg en Norvège, Tsai Ing-wen à Taiwan, Sanna Marin en Finlande, Mette Frederiksen au Danemark.

L’habitude aussi de ces bourboomers de vivre dans le déni leur a fait et continue à leur faire minimiser le danger du virus : Trump, Johnson ou Macron (vieux dans sa tête) en sont des exemples éclatants, comparables à ceux d’intégristes de diverses religions que le coronavirus a tués après qu’ils ont ouvertement méprisé les mesures de sécurité. Au lieu de réagir de façon responsable et efficace, comme les femmes d’État précédemment mentionnées, ils ont attendu d’être acculés aux pires solutions, confinement général sans discernement et répression policière, tout en continuant à se révéler incapables de protéger les populations en fournissant tests, masques, mesures de mise en quarantaine dans des structures dédiées pour les contaminés, moyens pour les hôpitaux et les personnels de santé. Ainsi ces bourboomers se révèlent-ils compères de la mort, selon une logique nihiliste que j’évoquais dans ma thèse de doctorat comme « créateurs d’exclusion » et « grands serviteurs de l’argent », au chapitre du « Grand Renfermement ». En voici des passages :

thèseQue devient un peuple méprisé ? Les fous y deviennent si nombreux qu’ils ne sont plus enfermables, même si le système pénitentiaire s’est extraordinairement développé dans le monde moderne. La folie change de visage selon les époques, elle crée aujourd’hui des tueurs en série, des terroristes, des désespérés politiques. Et du côté des créateurs d’exclusion, la froide mécanique assassine des grands serviteurs de l’argent.

En 1725, l’architecte Germain Boffrand fut chargé de concevoir un puits pour approvisionner Bicêtre en eau. Foucault dit qu’il s’avéra très vite inutile, mais qu’on continua à le construire, trois ans durant, pour faire travailler les prisonniers. Creusé en 1733, le « grand puits » descend à 58 mètres de profondeur et mesure 5 mètres de large. Deux immenses seaux contenant chacun 270 litres étaient remontés par la force de douze chevaux. À partir de 1781, les chevaux sont remplacés par 72 prisonniers, qui se relaient de cinq heures du matin à huit heures du soir. En 1836, les prisonniers sont remplacés par des fous. Et en 1856, les fous cèdent la place à une machine à vapeur.

De quoi s’agit-il en vérité ? D’évider l’homme de l’homme. De la déshumanisation de l’homme par l’homme. « Nous creusons la fosse de Babel », écrivit Franz Kafka le 12 juin 1923. C’est la dernière page de son Journal. Les phrases immédiatement précédentes étaient :

Qu’est-ce que tu construis ? – Je veux creuser un souterrain. Il faut qu’un progrès ait lieu. Mon poste est trop élevé là-haut.

Il mourut avant de connaître le « progrès » de l’horreur qu’il constatait en marche, mais sa sœur Ottla n’est jamais revenue d’Auschwitz, où elle s’était portée volontaire pour accompagner un convoi d’enfants. Tel est le nulle part où entraînent les chemins de l’homme séparé, désincarné, déconscientisé, quand l’homme moderne se rêve transhumain, surhumain, alors qu’il ne se fait que déshumain.

Il y a quelque chose qui ne peut pas se dire, c’est la mort. Qui pourrait témoigner de la mort, sinon un mort ? Or comment un mort pourrait-il témoigner ? Il ne le peut pas. Ce qui ne peut pas se dire, il faut pourtant le dire. Dire qu’on ne peut pas le dire, d’abord. Et disant cela, l’identifier. Et l’identifiant, commencer à pouvoir le dire. Car seuls les morts enterrent les morts. Les vivants les arrachent à la mort. Le dernier ennemi vaincu c’est la mort, vaincue par la parole.

Dans Ce qui reste d’Auschwitz Giorgio Agamben expose, en convoquant plusieurs auteurs, que l’exception permet de mieux connaître la règle, et qu’une situation d’exception, comme celle du camp de concentration, permet de distinguer ce qui est humain et ce qui est inhumain.
(…)
Et voici que la mort, une fois débusquée là où elle est vraiment, dans la déshumanité des destructeurs d’âmes plus que dans celle de leurs victimes, peut tout à fait se dire, même si le monde interdit un tel témoignage, même si le monde est incapable de supporter un tel témoignage et n’a de cesse de vouloir l’effacer, d’une manière ou d’une autre – y compris en effaçant le témoin. Mais ce n’est pas possible.

Poursuivant son chemin, Agamben note que la situation extrême, en fin de compte, ne fait pas que définir la limite entre ce qui est humain et ce qui ne l’est pas. Elle la dépasse. Parce que l’homme qui ne s’y fait pas se met à errer, encore vivant, dans la mort ; et parce que celui qui s’y fait, précisément, s’y habitue, renversant la situation extrême en situation ordinaire. Et il cite Karl Barth :

D’après ce que l’on observe aujourd’hui, écrivait-il en 1948, on peut dire avec certitude que, même au lendemain du Jugement dernier, si c’était possible, chaque bar ou dancing, chaque bal musette, chaque maison d’édition avide d’abonnements et de publicité, chaque groupuscule fanatique, chaque cercle mondain, chaque cénacle pieux rassemblé autour de l’inévitable tasse de thé et chaque synode chercherait à se reconstituer le mieux possible et à reprendre normalement ses activités, sans en être autrement affecté, comme si de rien n’était. 
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« Comme si de rien n’était ». C’est exactement ce que beaucoup voudraient faire aujourd’hui. Or rien ne sert de faire « comme si »: rien n’est pas, en vérité. « Ceux qui ne sont rien » ne sont pas rien. Et ne valent guère mieux que rien ceux qui veulent perpétuer un ordre du monde inique quoi qu’il en coûte en vies humaines.

Ah tu verras, tu verras… On connaît la chanson. Et cinéma du jour

Il nous faudra donc attendre encore un mois pour avoir quelques tests et quelques masques – un masque par personne, un test pour les malades, voilà tout ce qui est annoncé. Rien sur les tests sérologiques, rien sur l’ouverture d’hôtels pour l’isolation des contaminés pas ou peu symptomatiques, etc. Et d’ici là nous sommes livrés au virus sans protection, sans les élémentaires protections que tant de pays, dont de bien moins riches que le nôtre, fournissent à leur population. Depuis 2017 la société française vit un cauchemar qui vraisemblablement ne pourra pas prendre fin tant que Macron sera là, à faire n’importe quoi, à faire tourner en bourrique la population avec ses incohérences, sa perversion narcissique, et avec son inertie ahurissante maintenant face à la pandémie.

couv_cnrIl a hier soir fait allusion, sans le dire, aux « jours heureux », le programme du CNR, qu’il détruit systématiquement (cette façon d’introduire toujours dans ses discours des plagiats, signant la fabrication, la volonté de manipulation). Comment pourrait-on lui accorder crédit quand il semble songer à y revenir, alors qu’il n’évoque jamais la part des riches, de la finance ? Au printemps 2017, lors de l’élection présidentielle, ce blog ayant été en panne quelques jours, j’en avais fondé un autre que j’avais intitulé Magazine des jours heureux, par référence aussi au Conseil National de la Résistance et pour avertir du désastre auquel on pouvait s’attendre avec Macron.

Et début décembre 2018, ici, je présentais ainsi le documentaire que je repropose en cinéma du jour, Les jours heureux :  « L’histoire du Conseil National de la Résistance et de l’élaboration de son programme pour une société meilleure reste à méditer, en ces temps d’éloge présidentiel à Pétain, d’achèvement de la destruction de la République – la chose publique – et de mouvements de résistance et de révoltes qui se succèdent depuis le début du XXIe siècle sous des formes diverses, dans un long et souvent douloureux accouchement, qui finira logiquement par une nouvelle mise au monde. »