Pour conclure l’année : affaire Matzneff, le consentement au crime des élites

 Screenshot_2019-12-28 christian andreo sur Twitter Formidable révélateur de pourritures cette affaire #matznef Avec une dim[...]*

J’ai lu beaucoup d’auteurs de mon époque, et pas seulement des meilleurs, mais je n’ai jamais lu un seul livre de Gabriel Matzneff. Je savais comme tout le monde qu’il y racontait ses aventures « amoureuses » avec de très jeunes garçons et filles et je n’avais pas envie de lire ça. J’ignorais la teneur exacte de ces récits, dont je découvre des extraits aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Ainsi ce type se vantait, avec tous les honneurs du milieu, de violer des garçons âgés de 8 à 11 ans, en s’amusant qu’ils lui reprochent la brutalité de ses sodomies. Je regrette de n’avoir pas cherché à savoir plus tôt qui il était, au-delà du beau rôle qu’il tâchait de se donner, je regrette d’avoir en quelque sorte préféré éviter cette question dégoûtante, comme on le faisait trop souvent à cette époque. Qu’il soit manifestement un écrivain très médiocre, contrairement à ce qu’il semble croire, les pages qui circulent en ligne le disent assez : ce n’est évidemment pas le plus grave, mais cela révèle d’autant plus l’ignominie de la « mafia » (comme dit Denise Bombardier, blacklistée pendant trente ans par les médias français pour avoir défendu les droits des enfants face à Matzneff et Pivot), mafia qui le soutient depuis des décennies au nom de la littérature ; cette mafia qui se serre les coudes dans les affaires de pédocriminalité comme dans bien d’autres saloperies. Bravo à Vanessa Springora d’avoir mis les pieds dans le plat. Son livre paraît au bon moment pour révéler la puanteur du milieu médiatico-littéraire (qui m’a éliminée pour avoir dénoncé cette puanteur dans mon roman Forêt profonde en 2007). Cette bande de cinglé·e·s impuissant·e·s a sévi beaucoup trop longtemps mais comme on le voit, ils ne l’emporteront pas au paradis.

Pour un type qui n’a rien fait d’autre de sa vie que violer des enfants et se pavaner en le racontant, nulle nécessité de lutter pour sa retraite. Matzneff, au lieu de finir de moisir en prison, bénéficie d’un logement de la Ville de Paris depuis 1994, a reçu 40 000 euros de l’Académie française en 1987 et 3000 en 2009, reçoit une pension de 7500 euros par an (peut-être plus, le montant est secret ! et il peut aller jusqu’à 24 000 euros) de la Société des Gens de lettres, et Le Point, avec ses millions de subventions d’argent public aussi, complète sa rente en lui confiant une chronique (indigente). Le type est publié par Gallimard. Et soutenu encore aujourd’hui par maintes momies de tous âges (31-12-19 : cf Libé et sa chronique immonde sur le droit des adultes à une sexualité libre, et son portrait tout aussi infect de Vanessa Springora par l’un des lécheurs de Matzneff, Luc Le Vaillant), traînant encore dans leur corps, dans leur esprit, la boue de tout ce que le siècle dernier charria d’immonde. Car cette affaire jette un éclairage sur le passé, mais sur un passé qui perdure, qui continue à nuire. En 2013, ce violeur, décoré de la Légion d’honneur, recevait le prix Renaudot Essai pour un livre où il vantait, comme d’habitude, ses crimes. Fin novembre, le site ActuaLitté présentait le livre de Vanessa Springora comme «  l’histoire d’une romance qui dégénère entre une adolescente de 13 ans et un homme d’une cinquantaine d’années ». Une romance ? Depuis le scandale, ils se sont ravisés dans leurs termes, mais leur première appréciation, comme celle de Pivot parlant de « morale », révèle le fond crasseux de ce milieu.

Matzneff maintenant cloué au pilori n’est que l’image infecte, ridicule et pitoyable de ce qu’ils sont – pourris jusqu’à l’os, incapables de seulement sortir de leur conditionnement pour prendre conscience de ce dont aujourd’hui, grâce au travail de dévoilement accompli par des femmes, nous prenons clairement conscience. Incapables de se défaire de ce linge si sale qu’on se glorifiait, en France, de garder en famille (ou même de vanter internationalement, comme pour Macron et sa prof), ce linge si sale qui leur colle à la peau à force de ne l’avoir jamais ni changé ni lavé, ce linge sale qui se confond avec leur peau, leurs yeux qu’ils sont incapables de dessiller.

Matzneff. Ce n’est pas un nom isolé. Loin de là. Les mafieux sont les gens les moins isolés du monde. Citons parmi eux, par exemple, Sartre (qui se vanta aussi d’avoir dépucelé une jeune adolescente à l’hôtel, vite fait, avec beaucoup de dégoût, selon sa manière habituelle). Beauvoir (qui abusa de maintes jeunes filles, pour son propre compte ou pour les livrer à Sartre). Ou, encore de ce monde, les réseaux de BHL et parmi leurs loupiotes rouges Moix ou Angot (31-12-19 : retournage de veste, Angot après avoir, comme Moix, défendu publiquement Matzneff, lui fait maintenant la leçon dans Le Monde, toute honte bue, perpétuant l’entresoi et la lâcheté de cette clique), ceux de Sollers, éditeur de Matzneff, avec sa commère Savigneau (qui continue à soutenir Matzneff) et des dizaines d’autres plumitifs de l’édition et des médias.

Finalement Matzneff est pitoyable. Pitoyable de n’avoir pas été capable d’autre chose que de violer des enfants. Pitoyable de se prendre pour un bon écrivain alors qu’il ne l’est pas. Pitoyable de se croire digne et persécuté alors qu’il est ignoble et persécuteur de petits. Pitoyable de croire qu’il a été aimé, alors qu’il n’a évidemment pu susciter qu’une illusion d’amour. Pitoyable. Et ses complices avec lui. Leur effondrement continue. Très bonne année ! Ce n’est pas un souhait mais un constat, sur l’année qui vient de passer. Et qui annonce une nouvelle bonne année, de nouvelles bonnes années, à faire et voir tomber le vieux monde infect.

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Dystopie « en marche » : l’histoire visible et l’histoire (pour l’instant) invisible

Aujourd'hui à Paris, photo Alina Reyes

Aujourd’hui à Paris, photo Alina Reyes

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Depuis Macron, c’est le bordel. Gilets jaunes, manifestations, grèves… La vie se défend contre les ambitions délirantes de cet homme élu par pirouette, inconnu des Français, qui constatent avec effarement ses manipulations grossières.

La Miviludes, qui faisait un travail salutaire de surveillance des sectes, va être placardisée. M.Macron ne veut pas qu’on fasse d’histoires aux sectes complices de la macronie, qui a elle-même de plus en plus les caractéristiques d’une secte.

M.Macron n’ayant pu, comme il le souhaitait d’abord, se servir de la littérature pour se sembler grand, tente maintenant, faute de littérature, de se servir de l’Histoire pour faire du pays une dystopie qui puisse concurrencer 1984, Le meilleur des mondes et autres La Caverne. Un lieu de cauchemar où la police mutile et tue en toute impunité, où l’on meurt dans les couloirs des hôpitaux, où l’école est chargée de faire des enfants de futurs esclaves, où les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres, où les puissants échappent à la loi pour être toujours plus au service des puissances de l’argent, où les féminicides augmentent dans l’inertie des pouvoirs publics, où les fascismes reprennent du poil de la bête, caressée dans le sens de ce même poil par le président, où la vieillesse aggrave toujours plus les inégalités, où les libertés sont chaque jour combattues par ceux qui sont censés les garantir, où les méfaits de l’étatisme renforcent ceux du libéralisme, où la parole, enfin, est constamment le lieu d’une inversion de la vérité. Telle est la vengeance sur la littérature et sur l’humanité d’un homme que la Littérature a rejeté parce qu’il manquait de vérité.

Lui et ses semblables apprendront que l’Histoire, cette littérature, ne se laisse pas davantage posséder que la Littérature. La vraie vie, elle seule, est puissante.

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Déchirer l’écran

Ces jours-ci au Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

Ces jours-ci au Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

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Je lis les infos et je n’ai plus envie de commenter. Je vois tomber des icônes dont j’avais dénoncé la fausseté quand elles étaient idolâtrées. Je vois advenir des iniquités, des restrictions de liberté, des haines sans retenue, dont je prévenais depuis longtemps. Je vois le résultat de mécanismes que j’avais repérés. Cassandre, un job qui ne paie pas mais se paie. Cher. Raison pour laquelle beaucoup ne le pratiquent que masqués. Ainsi prolifèrent les annonces de mauvais augure. D’après un poète mort, là où croît le péril croît aussi ce qui sauve. Pas toujours, pauvre Hölderlin. Les assassins s’imaginent que tes vers justifient leurs crimes. Où croît le péril croît aussi ce qui tue. Je ne suis pas collapsologue, simplement étudiante et voyante, comme tous les poètes – même s’ils n’ont pas toujours complètement « raison ». Au moins assument-ils leur parole : déchirant ainsi l’écran entre l’humanité et elle-même.

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Retraites

Je n'ai pas trouvé le nom de l'auteur de cette photographie d'un merveilleux Mapuche

Je n’ai pas trouvé le nom de l’auteur de cette photographie d’un merveilleux Mapuche

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Ce 5 décembre sera aussi l’anniversaire de naissance de mon père, mort après s’être usé la santé toute sa vie depuis l’enfance sur des chantiers puis avoir vécu d’une toute petite retraite – mais toujours en faisant du sport et de la musique. Il y a encore beaucoup de personnes qui ont travaillé dur et qui n’ont ou n’auront qu’une minuscule retraite. Ne serait-il pas juste, à ce stade de la vie, d’établir un peu plus d’égalité entre les gens ?

Certains privilégiés, CSP+ comme on dit, notamment à gauche, protestent à l’idée de voir bientôt baisser significativement des retraites qui sont actuellement d’au moins 3 ou 4000 euros. Je trouve pour ma part de telles sommes énormes. Pourquoi une partie de la population aurait-elle le droit de se faire entretenir pendant des décennies par les jeunes actifs à un tel niveau, alors qu’une autre partie doit se contenter de quelques centaines d’euros ? Ils ont cotisé ? Et alors ? Qu’ils demandent plutôt à moins cotiser. Parce que certains ont eu des salaires confortables, ils mériteraient une meilleure vieillesse que ceux qui ont travaillé, souvent aussi dur qu’eux, pour de maigres salaires ?

Je soutiens ceux qui vont faire grève pour des retraites décentes, pas ceux qui vont faire grève pour maintenir leurs privilèges. Personnellement j’aurai sans doute aussi une toute petite retraite, bien que j’aie travaillé toute ma vie (j’ai tous les trimestres nécessaires et j’ai cotisé à une dizaine de caisses différentes), et je préfère ça plutôt que d’être entretenue par les jeunes à hauteur de plusieurs milliers d’euros par mois pendant une trentaine d’années. Nous sommes un pays de plus en plus vieux, et les études montrent que les retraités ont en moyenne un meilleur niveau de vie que les actifs. Ce n’est pas normal. Les jeunes adultes ont besoin de plus de moyens que les vieux pour fonder une famille, s’équiper, sortir, voyager, découvrir la vie et en profiter.

Pour plus de justice, il faut abolir les privilèges, à commencer par ceux des riches, des responsables politiques et des hauts fonctionnaires, qui sont de loin les plus iniques. Commencer par abolir ces énormes privilèges serait un premier excellent signal, à l’inverse de toute la politique actuelle. Mais il faut aussi plus de partage entre les générations, entre les hommes et les femmes, et entre les classes sociales.

Ce n’est certes pas le macronisme qui réalisera un tel objectif. Mais s’il faut se battre, il faut le faire de façon cohérente. La vraie justice, ce serait de diminuer considérablement l’écart entre les différentes retraites, en augmentant les unes et en baissant les autres (et en revalorisant les petits salaires par la même occasion). Le système actuel ne fait qu’entretenir ou aggraver les inégalités, et le projet de réforme n’y changera rien. Ceux qui ont gagné très confortablement leur vie, qui ont pu ainsi acheter des maisons (et n’ont plus de loyer à payer, contrairement à la plupart des pauvres) et faire des économies, continuent à la retraite d’accroître leur patrimoine et leur capital. Cela ne devrait pas être, une fois qu’on a cessé de travailler. La bourgeoisie est égoïste, elle peut avoir de grands idéaux mais elle est incapable de les vivre ne serait-ce qu’un peu. Elle le prouve, son idéal véritable, au final, c’est l’argent. La sagesse est pourtant un bien meilleur remède contre le naufrage de la vieillesse.

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OK boomers et OK bobos

 

Je les appelais « vieux de la caste » et j’invitais les jeunes à reconnaître et rejeter leur domination, dans un roman prophétique. Douze ans plus tard nous y sommes : eux les appellent boomers et ils ont raison.

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Il y a aussi – parfois ce sont les mêmes – de jeunes bobos écolos qui ne se rendent pas compte qu’ils agissent comme leurs pères en voulant imposer leur loi à d’autres qui, souvent moins privilégiés qu’eux, aimeraient pouvoir profiter des moments où ils peuvent acheter moins cher ce qu’autrement ils n’ont pas les moyens d’acheter. Les pauvres de toute façon ont une empreinte carbone moindre que les écolos qui voyagent et vivent confortablement. Cette séquence assez obscène où des bourgeois blancs empêchent un prolo issu de l’immigration de circuler librement donne le sentiment que ces militants devraient sérieusement approfondir leur pensée, s’ils ne veulent devenir les prochains vieux de la caste.

« Sais-tu ce que je vois ? Je vois que ce pays ressemble à un vieil homme qui a passé sa vie à jouir et abuser de son pouvoir et qui, déclinant, se masque pour mendier la compassion de la jeunesse, l’absolution de la jeunesse, avec laquelle il se comporte pourtant comme il l’a toujours fait : mentir, utiliser les autres, les flatter pour mieux les renier, les anéantir et leur faire porter le poids de l’enfer qu’il mérite lui-même.

Ce pays vampirise sa jeunesse, ne la caresse que pour la maltraiter, lui interdire l’avenir. Vous êtes dans son même sac d’ogre, jeunes cadres, jeunes chômeurs, jeunes intellectuels et jeunes voyous. Vous payez aux vieux de la caste des décennies de retraite souvent plus confortables que vos salaires et tout ce qu’il y avait à prendre dans ce pays, ils l’ont pris.

L’art, la littérature, ils les ont pris et saccagés.

Les idéaux, la foi et l’innocence, idem.

L’amour, l’amour érotique, l’amour des enfants, l’amitié sans calcul, idem.

La nature, la beauté.

La politique.

Le travail.

Les médias.

Ils se sont servis, et alliés dans le crime à un point que nulle société avant n’avait atteint.

Et ceux qui aujourd’hui parviennent à sortir la tête de l’eau en leur riant au nez, de leur barque pourrie les vieux ogres ne leur tendent la main que pour pouvoir, une fois récupérés, les faire bouillir et les bouffer aussi. N’ayant d’autre ambition que de se nourrir et de vivre encore, encore un peu plus longtemps et même au-delà : continuer à ne pas laisser la place, une fois morts.

Pourtant, pourtant, c’est vous qui êtes jeunes, et puissants si vous les rejetez. Et ils seront bel et bien vaincus. »

extrait de mon roman Forêt profonde (2007)

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Charlie Hebdo, l’esprit des planqués

 

En pantoufles à leur table, ils se moquent de ceux qui risquent leur vie et la perdent.

Ils se sont moqués des musulmans tués par les islamistes avec, notamment, leur dessin « le Coran n’arrête pas les balles » (avant d’apprendre malheureusement que leur journal non plus).

Ils se sont moqués d’un tout-petit enfant, Aylan, mort noyé avec des réfugiés.

Ils se moquent maintenant des treize soldats morts au Mali.

La lâcheté du bourgeois endurci de nulle part, sinon du cœur, révulse. Elle prépare et encourage toute une partie de la population à vivre sans honneur.

À vivre sans honneur, on met en péril la vie de tous, on pollue la société, on détruit tout esprit de fraternité, on se comporte en parasites de ceux qui agissent pour le bien et la sauvegarde de tous : on est une plaie dans un pays en paix, une ignominie dans un pays en guerre.

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Black Friday & Bikini

 

Après avoir écumé en vain les boutiques, j’ai fini par commander un maillot de bains en ligne. Quasi impossible de trouver à Paris en hiver un choix raisonnable de maillots deux-pièces pour la plage. « C’est plus la saison », on me répond. Serai-je donc la seule, parmi des millions de Parisiennes, à voyager où il fait chaud ? C’est ainsi chaque fois que je commande des produits en ligne. Je commence par les chercher dans les magasins, et quand ils ne s’y trouvent pas, je les trouve aisément sur Internet, et avec beaucoup plus de choix. Ceux qui sont contre tout ce qui est moderne et pratique sont fatigants, à la longue. Je récupère beaucoup, je consomme peu, mais enfin il faut bien vivre. C’est en vivant qu’on sauve la vie.

Je resterais bien nue sur la plage, c’est ce que je préfère et de très loin, mais sur les îles encore catholiques où j’ai l’intention d’aller ça ne se fait pas du tout donc je respecte les coutumes du pays. Je ferai mon yoga en bikini sur le sable face à l’océan, inch’Allah.

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