« Mes pensées ne sont pas vos pensées »

à l'exposition Ahaé (voir les deux notes précédentes) (les silhouettes sont les reflets des visiteurs)

 

Souvent l’homme croit bien faire parce qu’il voit mal. Parce que même un saint homme n’est pas Dieu. Jean-Paul II a cru bon de fermer les yeux sur la provenance de l’argent qu’il a utilisé « pour la bonne cause », en l’occurrence pour travailler à la chute du communisme. Seulement, le communisme n’étant pas plus longtemps viable, il serait de toutes façons tombé. Peut-être un peu moins vite, mais peut-être de meilleure manière, en ouvrant sur une suite moins heurtée. En définitive, il eût peut-être été meilleur pour le monde de choisir de rejeter cet argent et de « nettoyer » le Vatican et sa banque, car un Vatican assaini eût mieux soutenu, depuis trente ans, l’Église et sa mission d’être pour les hommes un refuge et un phare.

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Les apparitions de Marie

Église des Templiers à Luz-Saint-Sauveur, photo Alina Reyes

 

J’étais un été à l’église fortifiée de Luz-Saint-Sauveur, dans la chapelle latérale, où parfois un chat roux dort sur les chaises empilées, devant la statue de Marie. À Dieu je ne demande rien, sinon sa bénédiction sur ceux que j’aime. Dieu me donne vie, joie et puissance (pas au sens du monde évidemment), je n’ai rien à lui demander, nous sommes unis comme le cœur et le sang, c’est tout. Mais j’étais venue spécialement voir Marie, pour lui parler d’une question profonde de notre vie et lui demander son aide afin que les choses s’arrangent comme il me semblait bon qu’elles le fassent. Quelques semaines plus tard, c’était fait.

Maintenant je sais que pour tout ce qui concerne notre vie avec nos proches et la vie de nos proches, nous pouvons compter sur son aide puissante. J’en fais de nouveau l’expérience ces jours-ci.

Même si vous ne l’avez jamais fait, allez-y, n’ayez pas peur de lui parler. Elle écoute. Il se peut que nous nous trompions dans ce que nous demandons, mais si nous sommes patients et si nous continuons à chercher à demander le mieux adapté à la situation, elle finit par le faire apparaître. À nos yeux, et aussi en le réalisant dans notre âme et dans celle des personnes concernées, doucement.

 

exactement ce qu’il faut

 

Me tournant vers le visage du Christ scotché sur mon mur, je le vois me sourire, et plaçant deux doigts à mon front je le salue, lui disant, radieuse : « je t’écoute, Capitaine, je te suis ! » Il me sourit dans tout le corps, il est content.

 

manteau de mousse sur le rocher soulevé par le vent, photo Alina Reyes

 

« Mais l’enchevêtrement de ces longs pins abattus [par la tempête], semblables à des baguettes de mikado, crée en une nuit, comme des dés jetés par la main de Dieu ou, qui sait, selon le schéma directeur pensé et exécuté par un autre grand architecte, tout un réseau spontané de barrières, de corrals et de murets qui vient protéger la future vague de trembles et de cèdres prêts à prendre racine au centre de ce labyrinthe de troncs éparpillés, de ce chaos, ou de ce qui apparaît comme tel, trop confus et trop dense pour que même le cerf le plus affamé s’y aventure et atteigne les pousses naissantes des jeunes arbres. C’est ainsi que l’effondrement de l’ancienne pinède et l’érection de barrières qui l’accompagnent fournissent, dans cette abstention même, exactement ce qu’il faut aux cerfs pour assurer leur survie – la future protection de l’épaisse canopée des cèdres adultes en hiver quand les cerfs affaiblis chercheront un abri contre la neige profonde et le froid glacial, et les tendres feuilles de tremble quand les faons de l’été seront en passe de devenir de jeunes adultes et qu’ils seront prêts à dévorer la terre entière. »

Rick Bass, Le journal des cinq saisons

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Dieu est exact

 

« Ils sont trop verts, dit-il »

photo Alina Reyes

 

Le Monsignore chargé de la « nouvelle évangélisation » commence son prêche à Notre-Dame par une remarque d’aigre misogynie, pour bien rappeler à ces dames que puisqu’elles ne sont pas « sans taches ni rides » elles ne peuvent en aucune manière se comparer à Marie.  Genre, hou la femme c’est sale, pis c’est pas beau ! Si c’est comme ça qu’on compte ramener des hommes (pas si bêtes) et des femmes dans les églises… Moi en tout cas je n’y étais pas. Ceux qui font le mauvais rêve de croire qu’ils vont plier le réel à leur volonté feraient mieux de se réveiller. Le réel c’est le spirituel, il est libre et œuvre pour libérer les hommes, et certainement pas pour s’asservir à eux. C’est tout simplement impossible. Seul est possible le Chemin, la Vérité et la Vie.

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Actes 27, lecture céleste

photo Alina Reyes

 

Actes des Apôtres, chapitre 27. Paul, prisonnier pour avoir témoigné du Christ, Chemin, Vérité et Vie, embarque pour Rome. Le voyage sera un peu long et aventureux.

verset 1. Le centurion nommé Julius, qui se révèlera finalement agir en allié de Paul : son nom rappelle celui du village de Bethsaïda, « maison de la pêche », renommé Julias en 30-31 ; village où l’auteur des Actes, Luc, raconte dans son Évangile que Jésus a nourri la foule à partir de cinq pains et deux poissons – des quatre évangélistes qui racontent ce miracle, il est le seul à mentionner le nom du village. Ce centurion, nous dit Luc, est de la cohorte d’Auguste : le nom grec, comme sa traduction latine, signifie sacré. N’oublions pas le goût des Hébreux pour les jeux de mots. Si ce Julius est de la cohorte sacrée, soit la cohorte des anges, nous pouvons nous attendre à trouver, au-delà du récit de voyage maritime, le récit d’un voyage céleste et un enseignement spirituel.

verset 3. Julius autorise Paul à aller voir ses amis lors d’une escale à Sidon – dont le nom phénicien est Saïda, comme dans Bethsaïda, « pêche ». Maintenant nous allons à la pêche aux noms, qui sont là comme des signaux pour nous faire pressentir ce qui se passe dans la nuit de ces âmes embarquées.

verset 4. Puis ils font route « sous Chypre », autrement dit « sous Kypris », autre nom d’Aphrodite.

verset 5. Ils traversent la mer qui borde la Cilicie (le nom grec de cette région évoque le taureau) et la Pamphylie (« toutes espèces ») et ils débarquent à Myre « cité de la déesse-mère » en lycien), en Lycie (« du loup »).

verset 7. Ils arrivent à la hauteur de Cnide (« ortie ») puis passent sous la Crète (île du Minotaure – par ailleurs en grec « parler ou agir comme un Crétois » signifie être fourbe, imposteur).

v.8 Ils arrivent à Bons Ports, près de Lasaïa (« velu »).

v.9 Or il devenait dangereux de naviguer, le Jeûne, c’est-à-dire la fête juive des expiations, étant déjà passé. À ce point du parcours, ont-ils dépassé même la possibilité d’expier ? Paul en tout cas prévient tout le monde : « les gars, je vois que la navigation va entraîner des dommages et des pertes notables non seulement pour la cargaison et le bateau, mais aussi pour nos âmes. » Mais à ce stade, le centurion se fie au capitaine et à son second, et on continue en espérant atteindre Phénix (dont le nom est aussi celui de l’oiseau qui renaît de ses cendres) pour y passer l’hiver. (v.12)

Voici qu’après une petite brise, c’est un vent d’ouragan qui se lève. Ils passent sous la petite île de Cauda (« queue ») (v.16), effectuent diverses manœuvres pour éviter d’aller échouer sur la Syrte (du verbe signifiant « entraîner », le mot désigne les golfes vaseux où l’on trouve la mort). Le bateau dérive, ils multiplient les manœuvres, en vain. « Ni le soleil ni les étoiles ne se montraient depuis plusieurs jours »  et « tout espoir d’être sauvés nous échappait désormais (v.20).

C’est alors que Paul leur rappelle qu’ils auraient dû écouter son avertissement, et les exhorte au courage, en leur annonçant que malgré tout aucun d’entre eux n’y laissera la vie, seul le bateau sera perdu (v.22), ainsi qu’un ange de Dieu le lui a dit dans la nuit (v.23). C’est la quatorzième nuit qu’ils dérivent, et voilà qu’ils pressentent l’approche d’une terre, confirmée par la sonde qu’ils lancent (v.27-28). Par peur d’échouer sur des récifs ils mouillent quatre ancres et souhaitent vivement la venue du jour. (v.29) Paul devine que les marins cherchent à s’enfuir, il en prévient le centurion en lui disant qu’ils ne pourront pas être sauvés sans eux, et le centurion intervient pour empêcher leur fuite. (v.30-32) N’a-t-il pas annoncé que tous ses compagnons de voyage devaient être sauvés, et non pas seulement ceux qui mènent le bateau ?

Puis Paul exhorte les hommes à se nourrir, eux qui ne mangent plus depuis le début de la tempête. Il fait encore nuit, il prend le pain, rend grâce en présence de tous, le rompt, en mange et leur en donne à manger. Après quoi Luc nous donne le nombre de personnes à bord : 276 – comme pour rappeler les 5000 hommes nourris à Bethsaïde. (v.33-37)

v.38 « Une fois rassasiés, on a allégé le bateau en jetant le blé à la mer. » Et voilà ! On reprend foi puis on s’allège, et le jour peut venir ! « Le jour venu, les marins ne reconnaissaient pas la terre » (v.39). Eh oui, c’est qu’on a fait du chemin, dans cette nuit de deux fois sept jours. Bon, on n’est pas encore tout à fait arrivé, il y aura encore des manœuvres, le bateau va se disloquer sur un banc de sable (v.41), grâce à une nouvelle intervention du centurion céleste les prisonniers ne seront pas tués (v.43) et finalement tous seront sauvés, d’une façon ou d’une autre (v.44 et fin du chapitre).

Il y a sûrement beaucoup de sens à trouver aussi dans la nature des diverses manœuvres qu’ils accomplissent, comme lorsqu’il s’agit de « maîtriser le canot » ou « ceinturer le bateau de cordages » (v.17), etc.

Au verset 1 du chapitre suivant, ils apprennent que l’île où ils sont arrivés s’appelle Malte. Ce nom signifie « refuge ». Les habitants font un grand feu pour les accueillir, un serpent s’accroche à la main de Paul mais Paul tranquillement le jette au feu, sans porter trace de morsure. Trois mois plus tard ils reprennent leur voyage, sur un bateau à l’enseigne de Castor et Pollux – deux combattants, mais aussi deux étoiles. Le voyage céleste continue.

 

Cercle vicieux

photo Alina Reyes

 

Si seulement ils connaissaient un tout petit peu Dieu, s’ils avaient seulement un commencement de foi, ils ne se croiraient pas obligés de faire son job à sa place. Comme ils croient qu’il n’existe pas, ils s’y collent, veulent imposer des choses et des épreuves aux autres, qu’ils prennent pour leurs créatures, trafiquent la création et le créé à défaut de pouvoir créer, mentent énormément, s’empêtrent dans une fuite en avant pathétique, qui n’empêche évidemment pas le sol de se dérober sous leurs pieds.

Mais c’est qu’ils ne voient pas comment faire autrement ! Ils ont les paupières collées, les malheureux. Puisqu’ils n’ont jamais vu Dieu. Je ne demande qu’à voir, me dit un jour l’un d’eux, qui venait de participer à un coup tordu. Eh bien Père, si vous voulez voir, commencez donc par renoncer aux diableries, si petites semblent-elles (vous ne connaissez pas leur grandeur), et purifiez votre cœur. Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu. Qu’est-ce à dire, voir Dieu ? Voir la Vérité, et la vivre. Comment cela vient-il ? En embrassant le réel, le cœur pur. Ils sont abstinents du réel parce qu’ils en ont peur, ils vivent dans un ersatz de réel, dans des limbes où la relation humaine est entachée de cachotteries, de non-dits, de veules sinuosités, voire de manipulations et de mensonges. Et c’est dans ces limbes qu’ils veulent attirer les hommes, en leur promettant le Royaume. Imposteurs.

Ensuite bien sûr il devient plus que jamais hors de question d’accepter de voir Dieu face à face. D’assumer le fond de son être, son système, ses actes. Ce qui est du démon ne connaît pas Dieu, mais en a tout de même peur, comme le vampire a peur de la lumière du jour. Pourtant, si ce n’est en ce monde, le face à face est tout de même inéluctable, et rien ne sert de le retarder, bien au contraire. C’est par souci de leurs âmes que nous les appelons à changer de comportement, radicalement.

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