Éternité

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Les princes de ce monde veulent « que tout change pour que rien ne change » – selon la formule du Guépard -, c’est-à-dire donner l’illusion du changement pour conserver l’ordre ancien qui les protège. D’où la société du spectacle, qui distrait les hommes comme les jeux du cirque, faisant effet qu’il se passe toujours quelque chose alors que rien ne se passe vraiment, et plébiscitant des hommes dont l’action consiste seulement à faire bonne figure. La conversion, nous l’avons dit, ne consiste pas à changer d’être, mais à changer de milieu : à passer du monde du mensonge et de la mort à celui de la vérité et de la vie. Ce qui consiste aussi à changer de chemin, comme nous l’avons également dit. Le chemin conduit, on n’avance pas sur le chemin si on se contente du spectacle du chemin. Avancer sur le chemin d’après la rencontre avec Ce qui nous ouvre les yeux, c’est se conduire autrement : non seulement voir ce qu’on ne voyait pas, mais le vivre, vivre l’aventure, sans filet. Telle est la vie, celle qui est éternelle et donne l’éternité.

Un pas dans l’éternité

Il est recommandé de retourner chez soi, en sortant de la mosquée, par un autre chemin que par celui où on y est allé. Cela me rappelle l’histoire des rois mages qui repartent de la grotte de Bethléem par un autre chemin que par celui où ils y sont venus. Je suis bien certaine qu’ils n’ont pas agi ainsi seulement pour échapper à l’inquisition d’Hérode. Hérode était bien ignorant de compter qu’ils allaient repasser par chez lui. Il y a là une même science, chez ces traverseurs de terres et de déserts, que chez le fondateur de l’islam. Une même science chez l’évangéliste hébreu issu d’un peuple de nomades et chez les nomades arabes des premiers temps coraniques. Après être allé à la rencontre de Dieu, il est bon de s’en retourner par un autre chemin. Changer pour être fidèle à Ce qui est venu nous réveiller. Changer de chemin, c’est s’en retourner les yeux ouverts, plutôt que de rentrer comme on est venu, le regard borné par les œillères de l’habitude. Changer de chemin, c’est s’exposer à faire d’autres rencontres, voir d’autres choses, et surtout, voir ce qu’on n’aurait pas regardé si on venait d’y passer. Voir un nouveau monde, changer le temps confortable de l’éternel retour en temps de l’éternel renouvellement : faire un pas dans l’éternité, le temps de la résurrection.

Spirales de peintres et vérité de l’être

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Vincent Van Gogh, Nuit étoilée

Uccello Saint Georges et le dragon

Paolo Uccello, Saint Georges et le dragon

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Rembrandt, Philosophe en méditation

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Léon Spilliaert, Vertige

Hokusai, Hotei

Katsushika Hokusai, Hotei (dieu du bonheur et de la joie)

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Toute la philosophie dérivée d’Heidegger conduit à l’erreur fatale de placer son identité dans son existence. Votre identité est dans votre être. Le reste n’est que néant.

Placer son être et son identité dans son existence, c’est se trouver dépourvu quand survient un changement d’existence. Plus grave encore, c’est fonder sa vie sur de fausses croyances, la croyance en la construction de son être par son existence, la croyance en la réussite et en l’échec – choses qui n’ont pas d’être, seulement une existence relative et superficielle -, la croyance en l’accomplissement par les œuvres – alors que ce ne sont pas les œuvres qui accomplissent l’être, mais l’être qui accomplit les œuvres, gratuitement, sans velléité ni calcul, de même que la rose fleurit non pour être rose mais parce qu’elle est rose.

Demain 2014

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L’arbre de vie dans la forêt la nuit, acrylique sur bois (Isorel) 18×30 cm

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Et malgré tout ce que m’ont fait subir un tas d’imbéciles, je suis et je serai toujours la même, la même que celle que j’étais aussi loin que je m’en souvienne, à l’âge de quatre ans, à l’âge de sept ans, à l’âge de quatorze ans, à l’âge de dix-sept ans, à l’âge de trente ans, de quarante-quatre ans, de cinquante-cinq ans. Et ainsi en est-il de chacun de vous. Certes il est possible de tuer un être humain, à force de lui faire du mal, mais pas de le changer, ni de le détruire. C’est-à-dire que même une fois mort, il est toujours ce qu’il fut toujours.

Alors qu’est-ce que l’appel à la conversion, au changement ? Un appel à vivre. Non pas à changer d’être, mais à changer de milieu. À quitter le milieu de la mort pour le milieu de la vie. À se laisser arracher à la mort par la vie. Qu’est-ce que le milieu de la mort ? Le mensonge. Qu’est-ce que le milieu de la vie ? La vérité.

Chaque homme sait très bien, au fond, s’il vit dans le mensonge ou dans la vérité. Souvent il ne le sait que très au fond, là où c’est sombre d’être si au fond, là où il ne regarde jamais. Mais s’il va y voir, il saura.

Chaque homme sait très bien, aussi, que le mensonge le perd, et que la vérité le sauve, même si elle semble moins facile, plus risquée, presque impossible parfois. Mais comme c’est le métier du skieur d’affronter la pente, c’est le métier de l’homme d’affronter la vérité. C’est alors, quand il s’y lance, qu’il peut commencer à connaître la délivrance qu’elle donne, et puis la grâce, et l’assurance de l’éternité. C’est alors qu’il peut savoir ce que c’est de marcher sur les eaux. De voler mieux qu’un oiseau. D’habiter partout. D’être pour toujours, au-delà du temps.

Lever de terre

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« Nous nous remettions à peine de la révolution autour de la Lune, le soir de Noël. Nous avons regardé au-dessus de la surface lunaire et elle était là, la Terre. Elle était tellement magnifique avec toutes ses couleurs différentes. Je pense que nous étions, tous les trois, fascinés ». (à lire sur Maxisciences)

Bientôt nous n’écrirons presque plus le chiffre 2013, pensai-je en l’écrivant une énième fois à l’instant dans mon Journal. Cette nuit en dessinant à l’encre noire, rouge et violette Poème, j’ai pensé que je faisais de la calligraphie extra-terrestre.

Hier soir O m’a rapporté un panneau d’Isorel d’1,35 m sur 87 cm, encadré de fer, qu’il a trouvé dans la rue, près de la fac. Voici que je vais pouvoir peindre quasiment une fresque ! Je ne sais comment je vais m’y prendre, dans mon si peu d’espace, mais je vais le faire.

La joie est comme l’amour, sans mesure.

Animaux de Noël

Il me vient à l’esprit que si Matthieu a dit, étrangement, que Jésus, pour entrer à Jérusalem, a monté une ânesse et son ânon, c’est peut-être parce que ce dernier était dans le ventre de sa mère. L’ânon est, dit Jésus, avec elle : le mot grec meta peut aussi se traduire par après. Après elle. D’une certaine façon, Noël promet de venir après Pâques, porté par l’animal.

Le sens du déluge

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Le Déluge, Le lâcher de la colombe, par Gustave Doré

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Dans la onzième tablette de l’Épopée de Gilgamesh, l’un des tout premiers écrits de l’humanité, datant du dix-huitième siècle avant notre ère, le déluge est raconté de façon admirablement spirituelle, poétique et humaine. Gilgamesh s’entretient avec l’immortel Um-Napishtim dans une proximité touchante, et ce dernier lui révèle le mystère du déluge. Quand les dieux le décidèrent, Ea le sage était présent.

Ea répéta leurs paroles à une hutte de roseaux :

« Hutte de roseaux, hutte de roseaux,

Et toi, mur, et toi, mur

Écoute-moi bien, hutte de roseaux

Comprends bien, mur ! »

Puis Ea prévient le narrateur de faire de sa maison un bateau pour sauver sa famille et tout ce qui vit. Les instructions pour la construction de l’arche, le détail de sa construction sont donnés précisément, comme ils le seront beaucoup plus tard dans la Bible. Une fois l’arche achevée, l’homme, qui parle à la première personne, y embarque toute sa famille et sa parenté, tous les artisans, ainsi que toutes les espèces vivantes. Puis le déluge se déchaîne.

Le septième jour

Les tempêtes du déluge

Qui telle une armée

Avaient tout massacré sur leur passage

Diminuèrent d’intensité.

La mer se calma, le vent s’apaisa,

La clameur du déluge se tut.

Je regardais le ciel, le silence régnait

Je vis les hommes redevenus argile

Les eaux étales formaient un toit.

J’ouvris une petite fenêtre

La lumière tomba sur mon visage

Je m’agenouillai et me mis à pleurer

Les larmes coulaient le long de mon visage,

Je regardais au loin les horizons des flots

Je vis une bande de terre.

Au pied du mont du Salut le bateau accosta.

Sept autres jours passent, puis, comme repris mille cinq cents ans après dans la Bible, l’homme lâche à plusieurs reprises des oiseaux, colombe, hirondelle et corbeau, pour savoir quand il peut ouvrir son bateau et lâcher « aux quatre vents » tout ce qu’il contient. Ensuite vient le temps des offrandes au ciel, où les dieux débattent. Au terme de ce débat, l’homme de l’arche et son épouse sont élevés au rang de dieux : c’est avec cet homme devenu dieu que Gilgamesh s’entretient.

Dans un autre texte mésopotamien, moins ancien, Enouma Elish, le déluge est présenté comme la conséquence du bruit fait par les hommes : Le pays était bruyant /comme avec des taureaux beuglant. Dans la Bible, il est présenté comme la conséquence de la méchanceté des hommes : Dieu vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre (Genèse 6). Dans le Coran, l’insistance est mise sur le mensonge des hommes. Les messagers de notre Seigneur sont venus avec la vérité… Et ils le [Noé] traitèrent de menteur (7, 53 et 64) ; Les notables de son peuple avaient mécru et traité de mensonge la rencontre de l’au-delà (23, 33) ; Ceux qui ne croient pas disent à ceux qui croient : « Suivez notre sentier, et que nous supportions vos fautes ». Mais ils ne supportent rien de leurs fautes. En vérité ce sont des menteurs… Puis le déluge les emporta alors qu’ils étaient injustes. (29, 12 et 14).

L’Esprit signale ainsi dans le temps l’aggravation de la faute des hommes. De bruyants (on dirait aujourd’hui médiatiques), ils deviennent méchants (par égocentrisme), et de méchants, menteurs, tricheurs (par calcul et opportunisme).

Quant au déluge, il est éternel : il signifie que les mauvais ne demeurent pas dans l’éternité, ni dans l’histoire (sinon à la limite comme mauvais), tandis que les bons, occultés dans l’arche, finissent par accoster au mont du Salut, avec tout leur chargement.