L’ange de la nuit

L’ange descend et monte sur l’homme la nuit.

Ses ailes grand ouvertes pleines d’écriture

Cachées dans la ténèbre se déploient sans bruit

Par la respiration d’une pauvre âme pure.

 

Ange venu d’ailleurs relever la souffrance

Comme les sentinelles au portail se relaient,

Sais-tu pourquoi ce monde est gâté de cœurs rances,

De manipulateurs et de manipulés ?

 

Oh, qui déchirera la croûte de leurs yeux ?

L’ange s’approche encore et son aile t’effleure,

T’entoure et te transporte au véritable lieu.

Les morts ne savent pas pourquoi les vivants pleurent.

*

les anges descendre du ciel mélodieusement

Joachim m’indiquant la sublime interprétation du sublime Gaspard de la Nuit de Ravel par Ivo Pogorelitch, j’ouvre le recueil d’Aloysius Bertrand et j’y trouve au hasard ces trois vers en prose, à trois endroits différents du livre.

 

*

La lune peignait ses cheveux avec un démêloir d’ébène qui argentait d’une pluie de vers luisans les collines, les prés et les bois.

*

Deux juifs, s’étant arrêtés sous ma fenêtre, comptaient mystérieusement au bout de leurs doigts les heures trop lentes de la nuit.

*

Et moi, pèlerin agenouillé à l’écart sous les orgues, il me semblait ouïr les anges descendre du ciel mélodieusement.

 

Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit