La longue route de Patti Smith


Photo Patti Smith (et d’autres ici)

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Toute la presse parle de son dernier album, « lumineux« . Je suis formée aussi par la mystique de cette mouvance… La très belle et multiforme oeuvre de Patti Smith, entre autres, n’est-elle pas la preuve de la profondeur de cette spiritualité de son époque, qui peu à peu se décante ? Et voici aussi de la même artiste un poème, traduit par Jacques Darras et paru aux éditions Bourgois (d’autres aussi ici)

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Nous marchions dans nos manteaux noirs,
balayant le temps, balayant le temps,
dormant dans des âtres abandonnés,
les quittant pour affronter la pluie.
Trempés, crottés, un peu fous,
pataugeant aux ornières, mâchonnant des bulbes,
tellement nous avions faim, tulipes
flamboyantes dans leurs corolles déchiquetées.

Nous nous décorions d’ombellifères,
œuvrant jusqu’à l’épuisement de nos fronts d’élus,
dans le murmure de la piste mystérieusement reconnue,
une pluie qui n’était pas la pluie, des larmes qui n’en étaient pas.

Et le Graal, ô le Graal si proche de nous,
parures d’aluminium habillées de soleil.

Les glaïeuls étaient en fleur, explosaient
par toutes les fentes. Le monde entier
attendait anxieusement que la sainte mère inspecte
nos mentons de cette chanson familière —

Aimez-vous le beurre?
Bon vous aimez le beurre…

puis nous nous arrêtâmes sur une colline jaune absolu.

Montâmes des chevaux, écumâmes des forêts
où d’espiègles fées dansaient sous nos pas.
Des branches se cassèrent contre nos visages.

Notre royaume au-delà d’une clôture maillée…

Luttâmes dans des carrières, marbres lisses,
nous agenouillâmes pour viser des proies en des cercles fervents.

Plantâmes furieusement nos camps,
tentes déchirées par nos piquets,
balafrées par la lame de nos couteaux de poche —
petits renards jaugeant la dureté du sol,
maudissant les basses terres de nous avoir fait si mous.

Moissonnâmes du seigle, en emplîmes des sacs, fîmes des oreillers
pour nos hommes. Essorâmes le sang de nos couches trempées,
couvrîmes les têtes décapitées des martyrs, épaulâmes
les seaux pleins à ras bord,
ne vîmes rien vîmes tout.

Chevauchâmes l’échine de la grande ourse, plongeant nos louches
dans la liqueur laiteuse étendue tel un lac blanc devant nous.

Nos vaisseaux arboraient des obscénités griffonnées
sur les voiles en parchemin, flottant au fil de rivières illettrées
retournées en mares de sang d’eau de pluie croupissante.

Soufflâmes nos chants d’éloge dans la corne d’animaux sacrés —
lazzi, confessions, prières adolescentes
tissées en tapisseries de jardins cloîtrés.

Finies les mères pour nous désormais, inventant liens infinitésimaux,
vœux éruptant dans un surcroît de violence sans rien maudire
que le fait d’être nés — notre allégeance au mouvement,
aux révolutions des étoiles.

Une lumière bleue émanait du sommet d’un être
que nous ne pouvions plus nommer. Gravîmes les degrés
menant à un ciel plus bleu balafré de fanions,
vent saignant. Goûtâmes le spectacle.
Puis tout disparut, mais nous n’étions plus là.

Avions un rayonnement nouveau. La rosée
gouttait à nos nez. Arborions peau brillante,
la quittant sans un soupir. Certains levaient leurs lanternes.
D’autres paraissaient aller dans leur lumière propre.

Montagnes enflammées qui n’en étaient pas,à l’horizon…

Approchant toujours plus, tombâmes sur des masses de grands manteaux
abandonnés par l’amirauté, pourpre royale déposée,
médailles d’honneur, bottes réglementaires en cuir de langue de chien,
bons de papier, peaux de bêtes, hermine et mouton portés par gens
de haut rang, princes et pilotes, mages et mystiques.

Nul rang n’ayant, choisîmes chiffons vifs cousus par des aveugles.
Étant d’un pays d’orbites. Vides.
Quoiqu’on eût trouvé tous les espoirs d’enfant à l’intérieur —
nos propres chères histoires, nos propres chères vies,
taillées dans l’étoffe de la lutte extatique.

Le jour où nous sûmes que nous allions partir, bondîmes
dans nos manteaux consacrés. Eussions pu marcher à l’infini
si telle ou telle autre chose ne nous avait tirés par nos manches amidonnées.

Brisant le cœur de nos mères nous devînmes nous-mêmes.
Nous mîmes à respirer et fûmes sur le départ,
Ivres, étonnés, chacun de nous un dieu.

À présent tu éteins la lumière.
Presses la mèche avec ton pouce.
Si ça colle, tu vas te brûler.
Si elle pète sec, tu te changeras
en rayon qui s’éteindra
avec la nuit en un rêve
parsemé de pacotille.

Vîmes les yeux de Ravel, cernés de bleu, clignant
deux fois. Entonnâmes des arias de notre cru, nullités psalmodiant
de vieux blues parlant de sol divin et de chaussures mortelles,
d’infanteries oubliées, de distances jamais vues en rêve —
pas plus loin que colline humaine, fîmes demi-tour à cause de soldats de plomb
stationnés dans les plis d’une couverture, à distance de main fraternelle,
d’ordre paternel, de sommeil —

…la longue route mes amis

Éclosâmes de nos chrysalides en pleine nuit,
ciel charbonneux alors d’étoiles qu’on ne voit plus.
Croyance d’enfant brodée sur des mouchoirs —

Dieu ne nous abandonne pas
nous sommes son seul savoir.
Nous ne devons pas l’abandonner
il est nous-même
l’éther de nos actes.

Le routard appelle, à la porte du temps, à la porte du temps.
Nous dormons. Faisons projet, doigts sur la vibrante corde.
Joyeusement lucides, nous recommençons.

Au firmament d’Hildegarde de Bingen


Hildegarde de Bingen, Liber divinorum operum

 

« Dans la rotondité de la tête humaine, c’est la rotondité du firmament que l’on retrouve. Les dimensions justes et rigoureuses du firmament correspondent aux mêmes dimensions de la tête de l’homme. Celle-ci a donc ses mesures exactes, comme le firmament, qui répond lui aussi à des mesures rigoureuses, afin de pouvoir accomplir une révolution parfaite, afin qu’aucune partie n’outrepasse injustement la mesure d’une autre. C’est que Dieu a façonné l’homme sur le modèle du firmament et il a conforté son énergie par des forces élémentaires. Ces forces, il les a aussi confortées à l’intérieur de l’homme, afin que ce dernier les aspirât et les expirât, de même que le soleil, qui illumine le monde, émet ses rayons pour ensuite les faire revenir à lui. La rotondité et l’harmonie de la tête de l’homme signifient donc que l’âme suit dans les péchés la volonté de la chair, avant de se renouveler dans les soupirs qui la portent vers la justice (…)»
Hildegarde de Bingen, citée par Jean-Claude Schmitt dans Quand la lune nourrissait le temps avec du lait. Le temps du cosmos et des images chez Hildegarde de Bingen

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Et voici Séquence de l’Esprit saint, l’un des poèmes cités par Régine Pernoud dans sa biographie (au Livre de Poche) du prochain docteur de l’Église :

 

Ô feu de l’Esprit protecteur
Vie de la vie de toute créature
Tu es saint, vivifiant toute forme.

Tu es saint
Toi qui oins les blessés en péril
Tu es saint
Toi qui essuies les blessures puantes.

Ô toi qui insuffles la sainteté
Et le feu de l’amour
Ô goût de la douceur dans la poitrine
Infusion des coeurs
Dans la bonne odeur des vertus.

Ô source très pure
En laquelle est contemplé
Ce que Dieu attire les étrangers
Et recherche les âmes perdues.

Ô cuirasse de vie et espoir de protection
De tous les membres
Ô ceinture d’honnêteté
Sauve les bienheureux.

Garde ceux
Qui furent emprisonnés par l’ennemi
Et délie les enchaînés que ta force divine veut sauver.

Ô chemin des plus courageux
Qui as tout pénétré
Dans les hauteurs et sur la terre
Et dans tous les abîmes
Tu les réunis et les rassembles tous.

De toi s’écoulent des nuages
L’éther vole
Les pierres prennent humidité
Les eaux coulent en ruisseaux
Et la terre exsude viridité.

Tu induis toujours les doctes
Par inspiration de sagesse
Et les rends joyeux.

Que louange soit donc à toi
Qui résonnes de louange
Et joie de vie,
Espoir et honneur des plus vifs
Donnant des récompenses de lumière.

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écouter sa céleste musique :

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Vladimir Sorokine et l’Européen somnambule

Les fesses de Psyché, un jour de visite privée au Louvre. Photo Alina Reyes

 

Je vais parler très prochainement de La voie de Bro, que je suis en train de finir de lire. Mais je voudrais d’abord noter, par deux citations, un élément sans doute fondamental dans l’œuvre de Sorokine, puisque je le retrouve dans les deux romans dont je dispose en ce moment. Il s’agit de deux récits de rêves récurrents, sur le même thème de la distance infranchissable. Je ne me souviens plus si l’on trouvait aussi ce motif dans La glace, que j’ai lu il y a quelques années.

Les italiques dans les deux textes sont de l’auteur. La Journée d’un opritchnik commence ainsi :

« Toujours le même rêve : je marche à travers un champ russe, sans fin, qui s’enfuit au-delà de l’horizon ; je vois un cheval blanc devant moi et je me dirige vers lui ; je sens qu’il est particulier, qu’il y a quelque chose de rare en lui ; il est fringant, fougueux, impétueux ; je me hâte, mais il m’est impossible de le rattraper ; j’accélère mon pas, je crie, j’appelle et je comprends soudain que ma vie entière, mon destin, ma bonne fortune réside dans ce cheval, qu’il m’est aussi nécessaire que l’air, et je cours, je cours, je cours à sa poursuite, mais il continue de s’éloigner nonchalamment, il ne remarque rien ni personne et s’éloigne pour toujours, il s’éloigne de moi, il s’éloigne à jamais, il s’éloigne sans retour, il s’éloigne, il s’éloigne, il s’éloigne…

Et dans les premières pages de La voie de Bro :

« Il n’y avait qu’une seule étrangeté dans mon enfance, qui m’effrayait et m’envoûtait.
Je faisais souvent ce rêve : je me voyais au pied d’une montagne immense, si haute, si interminable que mes jambes ne me portaient plus. Cette montagne était d’une immensité terrible. Si immense que je commençais à m’imbiber d’eau et à m’émietter comme du pain trempé. Son sommet s’éloignait vers le ciel bleu. Une très grande distance m’en séparait. Si grande que mon corps entier ployait ; alors, je me désagrégeais comme de la mie de pain plongée dans du lait. Et je ne savais comment me comporter avec cette montagne. Elle restait en place. Elle attendait que je regarde son sommet. Elle n’attendait rien d’autre que moi. Cependant, j’étais absolument incapable de relever la tête. Comment pouvais-je le faire, dès l’instant que mon corps était entièrement plié et que je m’émiettais ? Mais la montagne voulait absolument que je la regarde. Je comprenais que, si je n’obtempérais pas, je m’émietterais totalement pour devenir à jamais de la bouillie. Je me prenais la tête dans les mains et je me mettais à la soulever. Petit à petit, elle se redressait. Alors, mon regard se fixait, il s’immobilisait en direction de la montagne. Mais je ne voyais rien, je ne voyais toujours pas, je ne distinguais pas le sommet. Parce qu’il était haut, très haut, et s’éloignait de moi de façon épouvantable. J’éclatais en sanglots entre mes dents, je suffoquais. Or je continuais de vouloir soulever ma lourde tête, je la soulevais, mais soudain mon dos se cassait, je m’effondrais de tout mon corps en morceaux humides, je me renversais en arrière. Et je découvrais le sommet. Il resplendissait de LUMIÈRE. Au point que je disparaissais en elle. Et c’était si terriblement bon que je me réveillais. »

Après cela, les livres de Sorokine, à la fois très inscrits dans l’histoire contemporaine et dans une brutale immanence, déploient le thème de la déshumanisation. En Russie, et aussi pour le deuxième en Allemagne, et par extension pour toute une certaine maladie de l’Occident ravagé par son double héritage communiste et national-socialiste.

Ces deux rêves que Sorokine place au début de ses deux livres sont des clés pour comprendre le fondement de ce nihilisme qui continue son œuvre parmi nous, de façon ouverte ou souterraine. L’impossibilité psychique d’accéder à l’objet de son désir. Ou bien le fait d’y accéder pour s’y dissoudre, ou encore d’y accéder pour le détruire. Sorokine écrit dans La voie de Bro, à propos d’Hitler :

« … le guide adorait plus encore la possibilité de perdre ce pouvoir. Il recherchait le pouvoir afin de le perdre de la façon la plus douloureuse qui soit. C’est là que résidait la passion primordiale de sa vie. Bien que lui-même l’ignorât. »

Les mots, je l’ai dit, sont soulignés en italiques par l’auteur. Idolâtrie et ignorance – ignorance de soi.

Ces textes ne donnent-ils pas à méditer sur les stratagèmes que déploient tant d’hommes « de pouvoir » aujourd’hui pour ne pas prendre réellement le pouvoir, et donc la responsabilité qui l’accompagne, et qu’il nécessite. L’image du rêveur qui s’imbibe d’eau et s’émiette comme du pain trempé m’évoque irrésistiblement celle de notre nouveau président le jour de son investiture. Tel qui voulut manipuler les symboles fut là fort dépassé par une véritable force symbolique. Et ce n’est pas seulement monsieur Hollande, loin s’en faut, qui s’est trouvé ainsi démasqué par le ciel. Nous pouvons étendre cette vision à toute l’Europe, et en elle, spécialement, à tous ceux qui sont censés y exercer un pouvoir ou un autre. Que font-ils en vérité ? Ils adoptent des stratégies d’évitement, le plus souvent tout à fait inconscientes. Chacun prétend vouloir atteindre l’objet de son désir, apporter aux peuples l’objet de ses promesses, tout en faisant secrètement ce qu’il faut pour ne jamais y arriver. Comme si l’Europe chrétienne avait intériorisé l’interdit du Christ à Madeleine à sa sortie du tombeau, alors qu’il n’est pas encore monté au ciel : « Ne me touche pas ».

Que faudrait-il faire pour y arriver ? La montagne, dit le rêve, veut absolument qu’on la regarde, qu’on regarde son sommet. Cet absolument souligné par l’auteur indique bien qu’il ne s’agit pas que d’une question d’ordre psychologique ou psychanalytique, mais bien, au-delà, d’une question spirituelle – comme le prouve ensuite tout le roman. Une question politique qui est une question spirituelle.

Le somnambule européen qui s’ignore ne veut ni toucher ni être touché. Il ne cesse de s’enfoncer, individuellement et en commun, dans la hantise de l’impossibilité, voire du désastre. L’Européen héritier d’une histoire dévastatrice s’est fédéré pour en renaître, mais sans parvenir à sortir de certaines logiques déshumanisées, ni à regarder la montagne en face, et encore moins en haut, au sommet, où il craint et rêve à la fois de se dissoudre alors qu’il s’agit d’y aller, non dans le bricolage symbolique ou autre, mais à pied, à pied bien sûr, à pas bon, patient, humble et tonique de montagnard, et de s’y tenir debout, bien éveillé. En montagne, il est impossible de survivre sans adhérer pleinement au réel. Mon Ordre est une montagne, je n’y emmènerai pas des gens en tongues. Aujourd’hui c’est l’Ascension. Rappelons-nous donc qu’en fait, ça y est, il est monté.

 

Pèlerinage

image CTV, photo Alina Reyes

 

Le cœur du petit pauvre hier s’est déchiré encore

dans le ciel de l’Alverne où plein d’amour il veille.

Frère, quelles pointes rouvrirent tes blessures ?

J’ai vu courir les moines dans l’attente, et la pluie,

longues trombes de pluie, trempait la toile brune

de leur antique habit et de l’ample capuche

où s’abrite leur tête et leur vie de prière.

Ils couraient sur la pierre mouillée, vers la croix

haut dressée, attendant le porteur de parole.

Attendant, espérant, tandis que la montagne

unie au ciel, sans mot, disait leur grand désir

de voir le pèlerin arriver par en bas.

Merci pour la beauté, François, et la tendresse

avec laquelle l’eau de cet étrange jour

nous enveloppa tous. Le pèlerin va revenir.

 

La vie

de gauche à droite : Jean-Paul, Robert, et Pierrot. Photo Alina Reyes

 

Dans une démocratie, c’est l’Opinion et l’état de fait des mœurs qui dictent leurs lois aux législateurs, pour le meilleur et pour le pire. Des chefs d’État factices comme ceux que nous voyons se succéder n’y peuvent rien. C’est justement pour cela qu’ils sont élus. Le peuple n’est pas plus bête que ses élites. Les uns et les autres forment l’aliment de leurs propres mensonges, esprits cannibales. Mais quelque chose est beaucoup plus puissant que tout ce monde : l’Esprit de vérité qui travaille l’histoire, laissant tomber le pire où il s’entraîne lui-même, réagençant les forces dans le monde, sauvant le vivable en l’amenant vers son nouveau visage, sa loi révélée. Vivants, notre vie, nous avons le pouvoir de la donner, et personne ne peut nous la prendre : soyons heureux, nous le sommes.

 

quel pain ?

Photo Alina Reyes

 

que l’un ou l’autre soit élu, n’y aura-t-il plus de SDF dans les rues ? n’y aura-t-il plus de HLM dégradées dans des cités abandonnées ? n’y aura-t-il plus de vieux cons pour dire comme entendu aujourd’hui devant le Sacré-Cœur où se produit un jeune virtuose du ballon « dans son pays il s’entraîne avec des noix de coco » ? n’y aura-t-il plus d’adorateurs de l’argent, du prestige et du néant ? de menteurs planqués partout et de mauvais goût triomphant ? n’y aura-t-il plus de cœurs plus secs et encroûtés que la femme de Loth ? n’y aura-t-il plus de peur du désastre qui menace ? n’y aura-t-il plus qu’à attendre la soupe ?

n’y aura-t-il plus d’amoureux dans les jardins ? de rires dans les gorges des jeunes ? n’y aura-t-il plus de ciel, de fleurs, de terre, de couleurs ? n’y aura-t-il plus de cœurs d’enfant pour voir au-delà du monde ? de cœurs de pauvre pour aimer au-delà du visible ? n’y aura-t-il plus de beauté, d’esprit, de joie, de rencontre, d’aventure, d’abandon, de discipline, d’invention, de désir, d’amour, de vision, de confiance, de foi, de paix gardée dans la paix comme dans les tribulations, de don, de gratuité, de sourire, de fantaisie, de liberté ?

n’y aura-t-il plus de fêtes, de religions, de travail, de diversité, d’échange, de repas, de sommeil, d’âges, de blessures, de guérisons, de mort, de continuation, de nouveauté, de refus de se plier aux iniquités, de sens de la justice, de justesse, d’art ? n’y aura-t-il plus personne qui chantera ? n’y aura-t-il plus d’enfants, de femmes, d’hommes ? n’y aura-t-il plus d’homme ?

 

Son souffle de vie


Photos Alina Reyes

 

Jean 10

9. Moi je suis la porte. Si quelqu’un entre via moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira, et il trouvera un partage.

10. Le voleur ne vient que pour voler, sacrifier et perdre. Moi je suis venue pour que vous portiez la vie, et que vous la portiez au-delà de toute mesure.

11. Moi je suis le bon berger. Le bon berger expose son souffle de vie pour ses brebis.

12. Le mercenaire, qui n’est pas un berger, et qui n’a pas avec les brebis un lien particulier, voit-il venir le loup, il laisse les brebis et s’enfuit – et le loup s’empare d’elles et les éparpille.

13. Car il est mercenaire, et il ne se fait pas de souci, lui, pour ses brebis.

14. Moi je suis le bon berger, je connais les miens et les miens me connaissent,

15. comme me connaît le Père et comme je connais le Père ; et mon souffle de vie, je l’expose pour mes brebis.

16. Et je porte d’autres brebis qui ne sont pas dans cet enclos. Celles-ci aussi, il me faut les mener, elles écouteront ma voix, et finalement il y aura un seul troupeau, un seul berger.

17. Le Père m’aime via cela : j’expose mon souffle de vie, pour le reprendre en priant.

18. Personne ne le capture, venant de moi, mais c’est moi qui l’expose, à partir de moi-même. Je porte le pouvoir de l’exposer, et je porte le pouvoir de le reprendre. Telle est l’instruction qu’en priant j’ai reçue de mon Père.

 

Je continue, comme précédemment, par traduire le verbe lambano (prendre, recevoir) en tenant compte de son sens premier, qui exprime le fait de saisir les genoux en geste de supplication : j’y ajoute donc chaque fois une mention de la prière, car c’est une profonde vérité du texte et des faits.

Je traduis psychè (âme, vie) par son sens premier aussi : souffle de vie. Ainsi nous pouvons voir Jésus rendant l’esprit sur la Croix, son Esprit par essence qu’on ne peut saisir ni prendre, qu’il expose par tout son corps au-dessus de nous, là-haut sur la Croix, son souffle de vie qu’il reprendra comme on reprend son souffle, sa vie qu’il donne et reprend ainsi qu’il en a reçu le pouvoir dans la prière.

Et nous sentons son cœur qui bat pour nous tandis qu’il nous dit tout cela.

 

lecture de ce dimanche ; traduction et commentaire extraits de Voyage