Détournements d’âmes, chauvinisme et boomerang

« Exhorte-les à arrêter ces folies, en les conseillant gentiment ; ils ne t’obéiront pas, parce que pour eux s’avance le jour fatal. » Homère, Odyssée, XVI, 278-280 (ma traduction)

Macron détourne pour sa promotion les youtubers Mcfly et Carlito. Outre l’indignité politique de l’opération, qui continue à défigurer le fait politique en France, il faut souligner la tristesse qui en résulte pour tous les jeunes qui appréciaient ces youtubers et qui se trouvent maintenant pris dans ce piège tendu par le pouvoir. Beaucoup, trop déçus, ne veulent pas regarder la récupération en question. D’autres regardent et se sentent plus ou moins salis de le faire. Macron fait partie de ces gens qui salissent tout. Ça a commencé avec une campagne électorale pleine de bidonnages, public commandé, applaudissements commandés, etc., ça a continué, dès son élection, avec les insultes aux Français, puis avec la violence criminelle contre les Gilets jaunes, puis tous les actes de division du peuple, comme le discours antiséparatiste qui est en fait, en classique inversion « diabolique », une action de séparatisme, de division pour mieux régner, mieux faire régner le discours de l’extrême-droite, à la fois pour le récupérer et pour se poser en rempart contre lui, le moment venu. Quand on regarde le plan d’action de Joe Biden pour son pays, alors que dans notre pays seules les manœuvres politiciennes, et du plus bas étage, font office de politique et de gouvernance, on se dit qu’il faudra qu’on vire notre micro-pseudo-Trump et qu’on trouve un Biden qui, sans être plus parfait que ne l’est Biden, aura du moins comme lui le courage d’agir, au lieu de remuer du vent.

Je lis que Cyril Hanouna voudrait qu’on destitue le groupe rock italien qui a gagné l’Eurovision au motif qu’on les soupçonne de s’être drogués (en fait le test prouve ce soir qu’ils ne s’étaient pas drogués), et qu’on donne ainsi la première place à la Française, arrivée deuxième. Cette dernière a déclaré qu’ils avaient été élus et que le reste, « qu’ils se droguent ou qu’ils mettent leur culotte à l’envers », ça ne la regardait pas. Merci à elle pour cette réponse au chauvinisme français, une hystérie aux relents nationalistes dans la ligne du discours dominant, discours d’extrême-droite, de gens qui salissent tout. Trump non plus n’a pas accepté de n’être pas l’élu. Qui vole un œuf vole un bœuf, dans l’état d’esprit où est la France de Macron et d’Hanouna, on pourrait bien avoir des problèmes aux prochaines présidentielles. Gare à l’effet boomerang, messieurs.

En regardant Le maître du haut château

J’ai commencé à regarder la série The Man in the High Castle, d’après le roman que je n’ai pas lu. Torture, chantage, élimination : les techniques des nazis n’appartiennent pas au passé, et l’uchronie de Philip K. Dick a bien lieu dans un temps, le nôtre, mais de façon cachée, souterraine et, dans les sociétés « avancées » comme la nôtre, en s’en prenant à tout dans un être mais pas au corps, justement afin d’éviter que par sa disparition il ne signale l’existence de ce monde immonde à l’arrière de notre monde. Pas de gaz pour éliminer les personnes qu’on veut éliminer, on les étouffe autrement, tout en les laissant vivre afin que leur vie apparente serve de témoignage contre elles-mêmes, si jamais elles voulaient dénoncer des faits qui seraient alors déclarés faux. Pour les néonazis souterrains, ceux qui n’affichent aucun signe de nazisme, qui ne se savent même pas eux-mêmes nazis, voire qui se croient humanistes et le font croire, un vivant rayé de la société est moins dangereux qu’un vivant qu’on a physiquement tué. Les morts crient, mais on peut empêcher les vivants de parler, ou de parler assez fort pour qu’on les entende. Cependant les vivants seront morts quand même un jour, et le jour viendra où leur cri sera entendu et leurs bourreaux démasqués, et le voile sur leur monde immonde arraché.

Décadence française et relève

Si je vivais aux États-Unis par exemple, je pourrais travailler selon mes capacités dans la société, comme auteure et comme enseignante. En France, si vous n’êtes pas né·e dans la bonne classe sociale, le seul moyen de s’en sortir est de se soumettre et de se corrompre pour pouvoir entrer dans un système de dominants inter-soumis et corrompus. Le système hiérarchique français, le système des premiers de cordée, comme dit Macron, est le contraire d’un système aristocratique : ce ne sont pas les meilleurs qui sont au pouvoir, ce sont les plus médiocres et les plus corrompus. Ces derniers travaillant sans cesse, non pas à quelque bonne et utile œuvre, mais à produire des artefacts pour entretenir l’illusion qu’ils sont, et à éliminer des domaines qu’ils veulent occuper et se réserver, ou du moins à caser et faire taire, les meilleur·e·s, celles et ceux qui travaillent vraiment et honnêtement, de façon créative et capable de faire avancer le pays et le monde en son temps et pour le temps de ses descendant·e·s.

Je ne suis pas décadentiste mais le fait est que toutes les statistiques montrent le recul de notre pays dans le monde, sa perte considérable d’excellence dans à peu près tous les domaines de la science, de l’art, de l’industrie. La faute en est à la médiocrité, à l’aveuglement, à l’égoïsme paralysants de la classe dominante, qui ne se maintient que par l’exclusion de tout ce qui ne marche pas dans ses combines. À ceux-là s’ajoute la lourdeur d’une administration d’autant plus indétrônable que les pouvoirs ont toujours trouvé utile de la trouver à leur botte pour accomplir toutes sortes de sales boulots.

La décadence française, ce n’est pas, comme les identitaires le croient, la perte de valeurs culturelles françaises, par ailleurs fantasmées (voyez les films du vingtième siècle, lisez les romans des siècles précédents : qui a envie de vivre dans cette France-là ?), mais au contraire la constipation d’une classe sociale qui croit devoir retenir ses déchets dans ses entrailles comme un capital placé en banque. La décadence française, c’est le mur sans cesse reconstruit par des classes dominantes auto-enfermées, entre elles et des personnes vivantes en train de réinventer la vie, comme la vie l’exige. C’est l’esprit vieilli contre la jeunesse de l’esprit. C’est l’idée fixe contre la pensée en mouvement. Le déni du réel contre l’accueil et l’analyse du réel. L’insulte permanente au vivant et à la vérité contre le respect du vivant et de la vérité.

Eh bien, mes capacités me restent, comme vos capacités vous restent, même si la société les nie. Continuer de les affirmer, de les mettre en œuvre d’une façon ou d’une autre, c’est aussi garder la meilleure de toutes nos capacités : la capacité à la liberté. Notre liberté que les enfermés dans leurs ghettos de privilégiés jalousent, et qui change à chaque instant le monde, notre monde, contre leur gré et pour notre meilleur commun.

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en vignette : Mathilde Mauté et Arthur Rimbaud sur un mur de Paris, photo S.G.

Libé a gerbé

Barbarin et d’autres ont dû s’expliquer devant la justice pour non-dénonciation de crime. Le torchon Libération ne trouve rien de mieux à faire que de célébrer le 8 mars en publiant la lettre d’un violeur, affichée en une et dans laquelle il excuse son crime, au prétexte de l’expliquer. Libération devrait être poursuivi pour non-dénonciation de crime, et en plus pour apologie de crime, de crime contre l’humanité.
Ce journal n’est plus lu. Sa tactique est la même que celle de Charlie Hebdo quand Val en prit les commandes et fit de l’islamophobie son argument de vente. Libé choisit d’insulter les femmes, c’est moins risqué. Mais tout aussi mal calculé. La sanction sera plus lourde et plus longue que le bénéfice d’un buzz.

Screenshot_2021-03-08 Rokhaya Diallo ( RokhayaDiallo) Twitter

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Académie française : le club des vieux cons incompétents

À écouter jusqu’au bout. Tellement emblématique de l’esprit de notre pays. Que les vieux riches réacs, voire fachos, s’y retrouvent, on le comprend bien. Ce qui m’a plus peinée, c’est de penser à ceux, rares sans doute, qui viennent d’ailleurs, qui viennent de là où payer 35 000 euros le costume pour pouvoir entrer à l’Académie c’est vraiment beaucoup, et qui y vont quand même si on leur fait l’aumône de les y élire, qui vont quand même rejoindre cette bande d’esprits sales, parce qu’ils ne résistent pas à l’attrait des honneurs. Évidemment après ça ils n’auront plus qu’à rester bien aplatis devant les pouvoirs en place. C’est à ça que servent les gens récupérés, à affermir le pouvoir des sales types, des abuseurs en tous genres. C’est de ces complicités passives et actives qu’une société pourrit sur pied. Il y a quand même une bonne nouvelle, c’est que ces prétendus immortels, en habitués de la falsification de la langue, n’arrêtent pas de mourir. Et qu’ils finiront par disparaître complètement de l’Histoire. Qui retiendra, quand l’Académie n’existera plus, qu’elle fut une triste institution.
Le sujet commence à la deuxième minute.